Dans la gestion des affaires publiques, il y a deux terrains parallèles qui ne doivent en aucun cas se croiser ni même trouver de passerelle entre eux. Le terrain de la voyoucratie d'un côté et le terrain de la politique dont les règles sont régies par des valeurs telles que la responsabilité et le sens de l'intérêt commun. Le terrain de la voyoucratie Depuis 2011 la majorité des prétendus « politiques » ont investi ce terrain car il ne requiert aucune compétence particulière, aucun sens du devoir et aucune responsabilité. Pour intégrer cet espace, il suffit d'être sans foi ni loi, de transférer les méthodes de voyous qui sévissent dans les milieux des contrebandiers et des trafiquants de tous genres vers l'espace institutionnel. Ces voyous n'hésitent pas à mettre à profit la crédulité des gens et à exploiter la misère matérielle et intellectuelle. Dans cet espace tout le monde pense avoir sa chance et être capable de déjouer les autres à coup de roublardise, de combines et de mauvaise foi. L'appât du gain facile et le raccourci vers le pouvoir rendent la compétition par le bas féroce dans cet espace. Rien alors d'étonnant que dans cet espace d'irresponsabilité et de méthodes de voyous, on trouve pêle-mêle des contrebandiers, des voyous en col blanc, des partis, des criminels et des idéologues de tous bords. Tous ont le même objectif, élargir cet espace de voyoucratie pour impliquer le maximum de personnes possibles et ainsi créer une interdépendance. Cette interdépendance créé une forme de solidarité, comme celle qu'on a observée chez les syndicats du crime aux USA dans les années 30, ayant comme objectif à la fois de se menacer mutuellement le cas échéant, et de se protéger contre toute tentative de mettre à nue ce système. La porte est ouverte et les rangs des voyous en col blanc ne cesse de grandir jour après jour. Même les quelques personnes supposées avoir un minimum d'éducation et de compétences parmi cette faune, ont-elles aussi cédé à la facilité de faire partie de cet espace de voyous pensant qu'ils seront capables de manipuler (outmaneuvre comme disent les Anglosaxons) les autres et de profiter de leur supposée supériorité intellectuelle.
L'espace politique Au grand désespoir des Tunisiens, l'espace politique est resté quasi-désert car faire de la politique au sens noble du terme est un travail harassant, de longue haleine, qui ne calcule ni les sacrifices, ni le temps, ni les souffrances et ni même les injustices que cela implique. C'est un espace où il y a des règles strictes toutes dirigées vers l'intérêt général et ayant comme piliers : la responsabilité, la reddition des comptes (accountability), le sens du devoir, et l'abnégation car quand on est au service de l'intérêt général on ne peut pas être en même temps au service des intérêt personnels. Cet espace est aussi un espace de sacrifice, car ceux qui s'engagent dans la voie de la construction et des projets collectifs d'intérêt général se heurtent nécessairement à l'hostilité des intérêts particuliers, voire parfois à l'ingratitude de ceux-là mêmes qu'on souhaite servir. Ce chemin est rude, et celui qui s'y engage ne doit en aucun cas s'attendre à une quelconque reconnaissance et doit inscrire son action dans une perspective historique loin du courtermisme dominant chez les voyous. Il n'y a que le cap qui compte et ce cap de l'espérance et de la prospérité pour tous ne peut être atteint qu'au prix de sacrifices personnels motivés par le sens du devoir. Face à tant de difficultés, cet espace politique est resté désespérément vide, et les rares tentatives de l'occuper afin d'entraîner tous les prétendants politiques sur ce terrain ont échoué tant l'espace de la voyoucratie ne cessait de grandir et occuper tous les lieux d'influence et de pouvoir (police, justice, média, parlement...) pour ne citer que les plus importants. Rien d'étonnant alors qu'à chaque tentative d'assainir la scène « politique » et d'introduire des valeurs et des règles, les tenants de l'espace voyoucratique se liguent et se dressent comme un seul homme face au « risque » de proposer autre chose à des Tunisiens fatigués de voir leur vie et leur avenir entre les mains de voyous de tous poils.
Que faire alors ? La question est : comment élargir l'espace politique démocratique et progressivement éliminer l'espace voyoucratique ? Sachant que chaque espace grandit toujours au détriment de l'autre espace, il est évident que l'espace démocratique de l'Etat de droit ne peut voir le jour que si les consciences vives du pays se montrent à la hauteur de l'enjeu et prennent leurs responsabilités historiques et de manière individuelle. Que chacun fasse son devoir envers la nation et cesse de se cacher derrière le fallacieux argument selon lequel, « la politique est sale, et je ne veux pas salir mes mains ». Que chacun prenne une initiative ayant comme objectif l'intérêt de la Tunisie uniquement sans se polluer l'esprit avec des petits intérêts particuliers et de l'orgueil mal-placé. En toute humilité, avec un petit groupe de personnes mues par un amour viscéral pour la Tunisie et sans ambition personnelle qui fausse tout sur son passage, nous allons lancer prochainement une initiative ayant comme objectif d'élargir l'espace démocratique à travers des contributions concrètes dans tous les domaines de la vie publique. Nous allons essayer de viser la lune et de contribuer à amener les forces vives et sincères dans ce pays à changer de paradigme politique et à apporter des contributions concrètes à même de dévier notre pays de la trajectoire dramatique imposée jusqu'alors par les voyous. Dans quelques semaines, nous lancerons cette initiative dont l'objectif est de créer un espace politique démocratique d'expression libre et constructive, ouvert à toutes et à tous et créer ainsi les conditions nécessaires pour faire de la politique autrement au service de ce magnifique pays qui est le nôtre.