Le professeur en droit public et le chef du département du droit public à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis, Sghaier Zakraoui a estimé que le président de la République n'a pas précisé s'il comptait opérer une suspension complète ou partielle de la Constitution. Invité par la radio Express FM le 22 septembre 2021, Sghaier Zakraoui a supposé que le président de la République compte suspendre les dispositions touchant à l'organisation des pouvoirs législatif et exécutif. « Le président a exprimé son attachement aux droits et libertés puisqu'il s'agit des acquis de la révolution. Je ne pense donc pas que les articles garantissant ces derniers seront suspendus », a-t-il expliqué. « Le président représente l'Etat, son existence et sa continuité… Les institutions de l'Etat sont devenues un danger pour l'Etat… Ayant constaté un péril éminent, il a appliqué l'article 80… Il s'agit d'un geste courageux. Néanmoins, la lenteur de l'annonce de mesures après le 25 juillet 2021 nous a menés vers une sensation d'étouffement », a-t-il déploré. Sghaier Zakraoui a considéré que les déclarations du président de la République nous amènent à présumer que Kaïs Saïed compte modifier les articles organisant les pouvoirs. « Il s'agit de près de 50 articles ! Le pouvoir législatif occupe, à lui seul, le tiers de la constitution. Le président compte améliorer la Constitution… Il est possible d'aller vers le scénario radical, auquel j'ai appelé, c'est-à-dire, l'élaboration d'une nouvelle Constitution. La Tunisie a besoin d'un nouveau départ… Ce qui a eu lieu durant les dix dernières années n'est que désordre et anarchie… La Constitution comporte plusieurs pièges et artifices… Le régime politique, en raison de sa nature hybride, fait, également, partie du problème », a-t-il expliqué. Par ailleurs, Sghaier Zakraoui a affirmé qu'une commission spécialisée peut élaborer une nouvelle Constitution en l'espace de trois à quatre mois peut être mise en place. « Ceci a eu lieu dans plusieurs pays tels qu'en Egypte et en Algérie », a-t-il affirmé. « Le parlement, qui est le centre du pouvoir, est devenu le cœur du problème… Si le régime présidentiel, lorsqu'il est soumis à certaines limitations, peut fonctionner correctement… Le régime politique est un écosystème… Il faut instaurer une cour constitutionnelle », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, Sghaier Zakraoui a nié être en contact avec la présidence de la République ou connaître la stratégie de Kaïs Saïed. « Il s'agit tout simplement d'une approche logique et légale ! Il s'agit de mon avis personnel afin de rompre avec un système qui nous persécute ! La Tunisie a besoin d'un nouveau départ ! Pourquoi ne pas présumer que le président de la République a été influencé par mon analyse ! Je suis indépendant et je l'ai critiqué dans le passé », s'est-il exclamé. Le professeur en droit a affirmé que l'application de l'article 80 de la Constitution s'inscrit dans le cadre des devoirs et obligations du président de la République. Selon lui, il s'agit d'un cas de légitime défense. Par la suite, Sghaier Zakraoui a appelé le président de la République à s'ouvrir afin de mettre fin aux craintes quant à un possible retour de la dictature. « Il doit s'ouvrir aux organisations nationales, aux partis politiques, à l'élite et aux puissances actives dans la société… Il y a un aspect culturel et philosophique qui doit être pris en considération dans la Constitution… J'appelle le président à ne pas ouvrir plusieurs fronts », a-t-il précisé.
Par la suite, Sghaier Zakraoui a estimé que Kaïs Saïed n'a pas droit à l'erreur. Le professeur de droit a considéré que la Tunisie est devant sa dernière chance pour éviter une catastrophe. Le président ne doit pas la gaspiller. « On aurait pu avoir un gouvernement… Les ONG et bailleurs de fonds préfèrent collaborer avec des institutions et non-pas des personnes… Nous devons nous focaliser sur l'élaboration d'une loi de finances complémentaire et d'une loi de finances relative à l'année prochaine… Le président aurait pu présenter une date limite à la tenue d'élections anticipées », a-t-il déclaré. Enfin, Sghaier Zakraoui a considéré que la priorité est à la nomination d'un Premier ministre et non-pas d'un chef de gouvernement. Par la suite, la Tunisie doit entamer un processus de réforme du régime politique, du système électoral et des textes réglementant les partis politiques et les associations d'ici la fin de l'année 2022.