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Guerre Russie-Ukraine : impact sur la Tunisie et mesures à prendre
Publié dans Business News le 10 - 03 - 2022

A peine rétablie des répercussions de la pandémie du Covid-19 et alors qu'elle vit une crise économique et financière sans précédent, la Tunisie se retrouve face à un nouveau défi, conséquence de la guerre opposant la Russie à l'Ukraine. Aujourd'hui et après deux semaines, il devient clair que cette guerre aura des conséquences certaines, quoique difficiles à chiffrer avec précision sur l'économie mondiale et sur l'économie tunisienne.

Dans ce cadre, l'Institut arabe des chefs d'entreprises (IACE) a tenté d'exposer les risques et de proposer des mesures pour limiter l'impact sur notre pays.

Ainsi, dans sa note, l'IACE explique que : « Peu de pays échapperont aux effets de ce conflit, en particulier sur le marché des matières premières, dans la mesure où cette guerre oppose deux pays qui sont parmi les principaux fournisseurs de l'Europe et de l'Afrique du Nord en matière de produits pétroliers, d'aluminium, d'acier et autres métaux, de céréales, d'engrais et de produits transformés issus de ces filières.
En ce qui concerne les céréales et les oléagineux, la Russie et l'Ukraine représentent près de 30% des exportations mondiales de blé et sont incontournables sur le marché de l'orge, du maïs et du tournesol. La guerre aura donc un impact sur la disponibilité de ces différents produits agricoles et va avoir des impacts sur la sécurité alimentaire de nombreux pays.
Les impacts commencent déjà à se faire sentir un peu partout dans le monde et il ne faudrait pas négliger les effets à moyen terme car quelle que soit l'issue de cette guerre, il faudra compter avec la probable destruction de nombreuses infrastructures en Ukraine et l'effet prolongé des sanctions contre la Russie.
Les analystes ne prévoient pas de baisse du prix sur les 6 prochains mois et évoquent même un baril à 175 dollars au mois de juin et 195 dollars en décembre, (Agence de Prévisions Economiques). Toutefois, un tel scénario serait catastrophique et risquerait de provoquer l'effondrement de l'économie mondiale à brève échéance. Après la démonstration de force de ces derniers jours, il y a un début de prise de conscience de l'effet de cette guerre sur les économies européennes et américaines, qui pourrait conduire à rechercher un compromis pour une sortie de crise rapide », lit-on dans ce document.

Concrètement, le conflit aura un impact sur la croissance et l'inflation européennes et donc sur les exportations vers cette région. L'Europe étant le premier client de la Tunisie, la suite est facile à imaginer : elle fait partie des pays vulnérables. L'IACE estime, en s'appuyant sur les ralentissements comparés, que cela pourrait conduire à un ralentissement de la croissance en Tunisie, à 2,2% dans le meilleur des cas, voire 1,5% dans un scénario pessimiste.
En effet, et toujours selon cette même note, la Tunisie dispose de faibles capacités de stockage outre les difficultés budgétaires qu'elle traverse, sans compter que le pays fait face à une vague de sécheresse qui se prolonge depuis 3 ans et qui affecte sa production agricole.
Or, le cours du blé tendre a bondi à 345 euros la tonne et 400 euros la tonne pour le blé dur cette semaine, sachant que les prix à terme sont plus élevés laissant prévoir une augmentation continue des prix à court terme.
L'Institut explique que : « La Tunisie est fortement dépendante en matière de céréales, important 84% de ses besoins en blé tendre, environ 40% pour le blé dur et 50% pour l'orge. L'Ukraine était jusque-là un fournisseur privilégié de la Tunisie avec le Canada et l'Union européenne et il faudra nécessairement revoir notre politique d'approvisionnement, d'autant que le pays souffre d'une insuffisance chronique au niveau des capacités de stockage, limitées à 3 mois.
Le niveau des cours actuels du blé et des autres céréales pourrait conduire à une charge supplémentaire en matière de compensation de l'ordre de 1,3 milliard de dinars, à comparer à la charge initialement prévue au budget de l'Etat de 2,2 milliards de dinars pour la compensation des produits de première nécessité. Sans compensation, les cours actuels des céréales sur le marché mondial provoqueraient une augmentation du prix des pâtes alimentaires estimée à 160 millimes le kilogramme, soit une augmentation de 20% par rapport aux prix actuels. Cette augmentation pourrait atteindre 200 millimes au kilogramme si les prix continuent à évoluer au même rythme ».
Et d'ajouter : « De même qu'il y aura un impact sur les prix des aliments pour bétail qui risque de mettre à mal les filières d'élevage, qui sont déjà en grande difficulté, qu'elles soient avicoles, ovines ou bovines et donc par ricochet sur la filière laitière.
Le même problème risque de se poser pour les huiles végétales, mais son impact restera minime au regard des impacts attendus sur les autres produits.
Parmi les autres matières premières dont les prix risquent de s'envoler figure en bonne place le gaz. La Russie couvre actuellement 40% des besoins de l'Europe (et 45% des besoins de l'Italie). Toutefois, il est possible de voir les pays européens recourir au gaz algérien à travers le pipeline reliant l'Italie à travers la Tunisie, ce qui pourrait conduire à une augmentation des quantités transitant par ce pipeline et permettre à la Tunisie de se fournir en gaz, en quantités suffisantes, par le biais de la redevance. Pour rappel : en 2020, cette redevance a représenté seulement 11% de la demande tunisienne en gaz (530 ktep sur 4849 ktep).
Les prix du baril de pétrole ont aussi fortement augmenté au cours des derniers mois pour atteindre 125 dollars le baril début mars. Cette envolée des prix due à la relance économique post Covid va être renforcée par la guerre et les sanctions imposées à la Russie. Certes on peut s'attendre à une augmentation de la production des pays de l'OPEP, mais cette augmentation ne pourra pas résorber le déficit, même s'il faut probablement s'attendre à une baisse de la consommation du fait de l'envolée des prix à la pompe dans de nombreux pays et du ralentissement économique, qui risquent de nous ramener à des niveaux de consommation de 2020, au plus fort de la crise Covid.
Lorsqu'on sait que le budget 2022 de la Tunisie a été établi sur la base d'un prix du baril à 75 dollars, le prix actuel, avec une hausse de près de 50 dollars, représenterait une charge supplémentaire pour la caisse de compensation de 7 milliards de Dinars. Pour rappel : le budget 2022 prévoit une enveloppe globale de 7,3 milliards de dinars pour la compensation, tous produits confondus.
Une telle charge est insoutenable pour le budget de l'Etat qui aura pour conséquence une augmentation inéluctable des prix à la pompe, qui pourrait atteindre 1,2 dinar le litre environ, tous produits confondus, et jusqu'à 2 Dinars et plus le litre si les prévisions les plus pessimistes sont atteintes. Les deux tiers concerneraient les carburants routiers et un tiers la consommation industrielle ce qui va avoir un impact sur le prix de l'électricité et par conséquent la compétitivité de nos entreprises. Toutefois, cet impact direct sera en partie compensé par une réduction de la consommation due au ralentissement de l'activité économique.
Lorsqu'on connait les difficultés qu'a la Tunisie pour mobiliser les ressources nécessaires au financement du budget de l'Etat, la perspective d'un baril à 175 et 195 dollars et plus serait dramatique pour l'économie tunisienne et pourrait conduire à un scénario difficile à maîtriser sur le plan économique et social ».

L'IACE n'écarte pas un impact sur les métaux rares entrant dans la fabrication des voitures et des semi-conducteurs, risquant d'affecter les chaines de valeurs industrielles, (dont la chaine de valeur automobile importante pour l'industrie et l'exportation tunisiennes), provoquant un ralentissement de la production de divers produits de grande consommation, alimentant ainsi une inflation grandissante.
En outre, elle rappelle que la Tunisie importe les engrais russes et que leur prix risque d'augmenter sur le marché mondial et la disponibilité se réduire.

L'institut estime qu'il aura aussi un impact sur le tourisme et sur les entrées touristiques en Tunisie pour l'année 2022. Même observation faite mercredi 9 mars 2022 par le ministre du Tourisme.
Selon l'institut, il faut s'attendre à une augmentation des prix du transport aérien ce qui aura un impact sur les prix offerts par les tours opérateurs et découragerait de nombreux touristes européens à destination de la Tunisie.
Et de rappeler qu'en 2019, les entrées de touristes russes ont représenté 7% du total des entrées, contre 9,5% pour les touristes français, 2,1% pour le britanniques et 1,2% pour les Italiens. Il est fort probable qu'il n'y aura pas de touristes russes cette saison du fait de la forte dévaluation du rouble qui affecte le pouvoir d'achat des populations, sans compter l'impact de la déconnexion de la Russie du système SWIFT qui va compliquer les transactions avec les partenaires russes.

IACE considère que le renchérissement des prix des matières premières et le ralentissement de l'économie mondiale va doublement affecter les entreprises tunisiennes, d'une part du fait de l'effondrement de la demande et d'autre part par la baisse de leur compétitivité prix. Tout cela arrive dans un contexte rendu difficile par la crise Covid qui a fortement affecté les entreprises, leur trésorerie et leur capacité d'investissement.
Et de souligner qu'il aura probablement des opportunités à explorer du fait d'une probable relocalisation de certaines industries européennes qui opterons pour un sourcing de proximité à court terme pour lequel la Tunisie peut être une destination de choix.

L'IACE affirme que l'impact sur de nombreuses matières premières, en termes de disponibilité d'abord et de prix ensuite, se traduira par un effet mécanique sur le budget de la Tunisie pour l'année 2022 à travers les dépenses de subventions et sur le pouvoir d'achat des Tunisiens à travers une augmentation des prix des produits subventionnés et une inflation inexorable, qui pourrait atteindre un taux à deux chiffres, sachant que les prévisions de la Banque Centrale de Tunisie tablaient sur une inflation de 6,8% en 2022 avant le déclenchement de la guerre.
L'institut propose, donc, une batterie de mesures pour amortir les effets de la crise et son impact sur l'économie tunisienne :
- Mettre en place d'urgence une cellule de crise pour identifier les alternatives en ce qui concerne les sources d'approvisionnement et les mécanismes de financement requis dans la mesure où la solvabilité des clients va devenir un critère important dans la priorisation de l'approvisionnement par les fournisseurs (et que la Tunisie présente aujourd'hui un risque de solvabilité élevé).
- Communiquer sur la réalité de la situation et son impact afin de faire prendre conscience aux populations des difficultés que nous allons devoir affronter pour les sensibiliser et exhorter aux changements de nos habitudes alimentaires (notamment en évitant le gaspillage), en insistant sur la nécessité de prioriser l'intérêt général sur les intérêts particuliers.
- Mobiliser nos ressources financières, aussi faibles soient-elles, vers les approvisionnements en produits essentiels aux populations au détriment des produits « secondaires ».
- Orienter nos ressources hydriques agricoles exclusivement vers les cultures céréalières pour améliorer autant que faire se peut les perspectives de la récolte à venir.
- Arriver impérativement à une augmentation de la production du phosphate en vue de relancer la production d'engrais pour fournir le marché local et accroitre nos ressources à l'exportation.
- Agir immédiatement sur les performances du port de Radès, pour réduire les délais d'attente en rade et ceux de manutention pour encourager les armateurs à desservir ce port et réduire les coûts logistiques du port pour compenser quelque peu l'augmentation des tarifs de transport maritime.
- Considérer la possibilité d'une aide d'urgence aux familles nécessiteuses moyennant le déblocage d'un montant de 300 millions de dollars à l'instar de ce qui a été fait en 2021 avec l'appui de la Banque Mondiale.
- Obtenir le déblocage immédiat de l'aide de l'Union Européenne au titre de l'appui budgétaire de 300 millions d'euros.
- Accélérer les négociations avec le FMI et la Banque Mondiale pour obtenir une aide exceptionnelle d'urgence de 1 à 1,5 Milliards de dollars pour l'année 2022.
- Envisager de négocier le rééchelonnement de la dette tunisienne, (hors marchés financiers), pour transférer les ressources dédiées au service de la dette vers le financement de l'approvisionnement en produits de base, d'autant que les institutions financières bilatérales et multilatérales seront dans l'obligation d'assouplir leurs positions vis-à-vis des pays vulnérables tels que la Tunisie. Pour rappel le service de la dette en principal est de 10 Milliards de dinars pour l'année 2022.
- Engager les actions nécessaires pour maintenir les objectifs de la saison touristique 2022 en investissant sur les touristes d'Europe occidentale. Après 2 années de crise sanitaire la demande est en augmentation et la crise va impacter les ménages et les orienter vers les marchés les plus compétitifs, ce dont la Tunisie doit bénéficier. Il faut, pour cela, débloquer les ressources nécessaires pour assainir l'environnement de nos principales zones touristiques.

Le conflit ukraino-russe aura un impact sur l'économie nationale déjà fragilisée, l'IACE pense qu'il est urgent de mettre en place certaines mesures notamment en décrétant la sécurisation des approvisionnements comme objectif national, en mobilisant la solidarité nationale dans ce sens à travers un moratoire de deux années sur les grèves et les revendications salariales, en contrepartie des mesures de soutien aux salariés et aux couches vulnérables.
Pour lui, « ces mesures sont d'une urgence absolue, mais doivent nécessairement s'accompagner d'une réflexion à moyen terme, à la lumière des instabilités que connait le monde aujourd'hui (pandémie, guerres, changements climatiques), pour mettre en place des stratégies plus élaborées en matière de sécurité alimentaire et énergétique et de gestion du stress hydrique ».
Et d'ajouter : « Il est important d'accélérer la mise en place d'une vraie stratégie d'amélioration des rendements agricoles et d'encouragement des agriculteurs. De même qu'il faudrait s'engager dans un programme plus ambitieux pour ce qui concerne les énergies renouvelables, en premier lieu le solaire et développer une stratégie de développement de la filière de l'hydrogène vert, qui est probablement l'énergie du futur. Sans négliger le renforcement de nos capacités de stockage des matières premières agricoles, du pétrole et du gaz.
Les différentes crises que le monde a connues doivent être prises comme des signaux pour la nécessaire révision de nos approches économiques dans divers secteurs, il en va aujourd'hui de l'indépendance du pays et de sa sécurité ».


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