*Professeur d'économie à l'Université de Tunis *Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de Tunis (ESSEC)
La dernière décision de la BCT de relever son taux directeur de 75 points de base, le portant à 7%, vise à réduire la demande qui impactera négativement l'inflation. En effet, du côté des ménages, la hausse du taux directeur entraînerait une hausse des taux d'intérêt des banques universelles qui rend l'accès au crédit plus difficile car plus cher, ce qui ralentirait la consommation. De même, du côté des entreprises le renchérissement du coût du crédit découragerait les investissements et impactera négativement la croissance. En outre, cette remontée des taux serait avantageuse pour les épargnants du fait qu'ils bénéficieraient d'une meilleure rémunération, ce qui réduit la consommation. Cependant, cette politique de hausse du taux directeur pourrait être mise en échec par une politique budgétaire expansionniste qui augmente l'inflation. Dans ce contexte, il serait contradictoire de mener une politique de rigueur du point de vue monétaire pour lutter contre l'inflation et d'accepter un accroissement du déficit budgétaire et une hausse des salaires qui sont inflationnistes mais favorisent la croissance et réduisent les inégalités sociales. Les répercussions de la combinaison de ces politiques sont incertaines sur l'inflation, la croissance et les inégalités. Ces résultats contradictoires bloquent la croissance lorsque les revendications salariales sont excessives. Dans ce contexte, la BCT sera contrainte d'augmenter encore une fois le taux directeur et la boucle « prix-salaires » s'installera, ce qui suscitera inévitablement une récession et plongera la Tunisie dans une phase de stagflation, qui a d'ailleurs déjà commencé depuis quelques années.
Comment éviter les actions contradictoires entre les politiques monétaires, budgétaires et sociales ? La coordination entre la BCT et les ministères à vocation économique devrait être développée pour assurer la cohérence des politiques économiques et l'atteinte des objectifs macroéconomiques minimaux en faveur de la croissance, de la stabilité des prix et de la bonne gestion des finances publiques. Cette coordination est connue sous le nom de « policy mix » qui désigne l'articulation des politiques économiques, en l'occurrence principalement de la politique monétaire élaborée par la banque centrale et de la politique budgétaire élaborée par le gouvernement. En général, le principal objectif des politiques coordonnées est la croissance et l'emploi. Les risques d'inflation, de la dette et du déséquilibre extérieur sont considérés comme des risques à traiter selon leur évolution.
Faut-il mettre des indicateurs macroéconomiques dans la nouvelle constitution pour assurer la coordination entre les politiques économiques ? La coordination des politiques exige une organisation institutionnelle efficace entre le gouvernement et la banque centrale. Les décisions des autorités politiques doivent avoir les mêmes objectifs au même moment afin d'atteindre plus de croissance avec une stabilité des prix. Inscrire ces principes dans la constitution tunisienne est une piste pour obliger la banque centrale et le gouvernement de coordonner leurs politiques économiques. Cette démarche permet de prévenir et corriger les déséquilibres macroéconomiques à travers des mécanismes qui assurent la coordination entre les différents intervenants en vue de constituer un ensemble d'actions cohérent et atteindre les objectifs attendus Les indicateurs proposés sont les suivants :
Indicateurs grandeurs Taux de croissance du PIB réel 3% minimum Taux d'inflation 2 à 3% maximum Taux d'endettement public 80% maximum Déficit budgétaire 3 à 4% maximum
Il faut signaler que le policy mix doit être accompagné par la mise en œuvre des politiques structurelles. L'impact stabilisateur du policy mix est insuffisant pour traiter les chocs affectant l'offre, soutenir l'investissement, améliorer le capital humain, développer l'infrastructure, adopter la bonne gouvernance etc.