En journalisme, il n'est pas indiqué d'utiliser le pronom personnel de la première personne du singulier. Un journaliste rapporte l'information, il n'en est pas l'objet. Plus il est transparent et invisible dans son récit, plus il est performant et efficace. Il existe des exceptions toutefois. J'ai été interpellé durant les derniers jours par deux événements. L'un concerne la décision de Business News de boycotter les législatives. L'autre concerne cette rumeur malsaine qui veut à tout prix associer mon nom à des affaires judiciaires en cours. Concernant les législatives, les premiers jours de la campagne électorale donnent malheureusement raison à Business News. Les conditions objectives d'une couverture médiatique digne de ce nom ne sont pas réunies. L'instance chargée des élections veut imposer aux Tunisiens une information électorale calfeutrée dans de la naphtaline. Cela empêche les Tunisiens de se faire une idée claire et de fixer leur choix réfléchi et libre. Cela fait le lit de la pensée unique, mère de tous les vices et antinomique de la démocratie. Le choix de Business News de se limiter à la publication des informations « officielles » estampillées par le mot « propagande » est un choix judicieux. Il respecte le droit du citoyen à l'information, ce qui est le rôle fondamental de tout média qui se respecte tout en alertant que ces informations n'ont pu être vérifiées à cause des multiples contraintes imposées aux médias. C'est donc une invitation à la vigilance face à la dérive autoritaire, ce qui rappelle malheureusement la période de l'occupation française quand les journaux tunisiens laissaient des cadres blancs à la place des articles censurés afin d'alerter les Tunisiens sur les exactions de l'occupant. Concernant la rumeur qui veut à tout prix associer mon nom et donner l'impression d'être impliqué dans ce récent dossier fuité d'intelligence avec l'étranger, elle est colportée par des pages proches de la nébuleuse ikhchidienne. Nul besoin de dire que cette rumeur est totalement infondée et qu'elle exprime tout au plus les vœux non exhaussés, les déceptions répétées et les frustrations des colporteurs de rumeurs. Depuis la révolution, au gré des soubresauts de la situation politique dans notre pays, j'ai été l'objet de rumeurs diverses à plusieurs reprises, souvent lancées par les islamistes, parfois colportées par d'autres parties. Mais je me suis toujours abstenu de faire la moindre réaction considérant que le temps est l'allié indéfectible de la vérité et m'adossant sur un solide contrat de confiance qui lie le journaliste que je suis avec les lecteurs et les auditeurs tunisiens. Certains diront alors pourquoi ne pas continuer à adopter la même démarche ? Justement, contrairement aux fois précédentes où la rumeur avait pour objectif le dénigrement et la discréditation, la rumeur, cette fois, vise à intimider, terroriser et faire taire les voix libres et discordantes. C'est pourquoi il faut réagir et, comme dit la chanson, casser la voix. Peut-on ignorer l'énorme déception des Tunisiens de l'action du président de la République après la déferlante du 25 juillet ? Peut-on continuer à avaler les couleuvres qui truffent ses discours concernant les parties qui détruisent l'Etat et s'opposent au bien être des Tunisiens sans jamais citer ces parties ? Peut-on accepter qu'il décide de tout sans consulter personne ? Peut-on ne pas relever son incapacité à choisir ses collaborateurs ? Doit-on accepter que le gouvernement décide de notre avenir et de l'avenir de nos enfants sans nous avertir ? Devrait-on accepter la flambée des prix et la dégradation de notre niveau de vie sans réagir ? Peut-on faire confiance à une instance qui a démontré son incompétence et ses limites pour mener à bien un processus électoral contesté de partout ? Le journalisme n'est pas un métier comme les autres. C'est une vocation, un virus inguérissable et une identité qui colle à la peau du journaliste pour faire de lui le fouineur de service, l'empêcheur de tourner en rond et la voix des anonymes et de la masse silencieuse. Le journaliste doit faire face à beaucoup de contraintes en se cramponnant aux bonnes pratiques professionnelles et en respectant scrupuleusement l'éthique journalistique. Le journalisme ne fera pas du journaliste un homme riche mais juste un humaniste et un être exceptionnel. Pour la richesse, celui qui n'a rien n'a rien à perdre, ou comme dit l'adage bien de chez nous (العريان في القافلة مطمان ). Il y a très longtemps, alors que j'étais un adolescent perturbé, mon père le sage m'a dit que dans la vie, il ya deux choses qu'il ne faut pas provoquer mais dont il ne faut pas avoir peur : la prison et la mort. Aujourd'hui encore, je ne sais pas pourquoi ces mots m'ont marqué et, faute de choisir toujours le droit chemin, j'ai cherché à suivre le chemin du droit et de la légalité. Alors me taire ? Surement pas et plutôt mourir !