Croyez-le ou non, nous avons une deuxième chambre législative investie il y a plus d'une semaine, mais personne ne sait exactement quelles sont ses prérogatives. Pensez-y un peu. Il y a quelques mois, l'Instance supérieure 'indépendante' pour les élections (Isie) avait organisé le scrutin pour être en conformité avec les nouvelles dispositions incluses dans la constitution présidentielle. Une campagne électorale a eu lieu, des gens ont déposé leurs candidatures et ont présenté des programmes, puis des électeurs se sont déplacés aux urnes pour élire ces gens. Par la suite, il y a eu un suffrage entre les nouveaux élus pour choisir leurs représentants aux conseils régionaux, puis au Conseil national des régions et des districts. Tout ce processus a abouti donc à l'investiture de la deuxième chambre, mais sans qu'on n'ait une idée précise sur ce qu'est ce conseil. On peut dire sans douter que c'est un précédent dans le monde entier. Du jamais vu ! Peut-être que la chose fait partie des nouvelles approches, qui changeront la pensée humaine, portées par le régime. Peut-être que ces approches sont tellement révolutionnaires et avant-gardistes qu'il est difficile pour nous, communs des mortels, d'en percer le sens. Difficile à comprendre en effet.
Le fait est que personne ne connait à ce jour les prérogatives, le rôle et le périmètre d'action de ce nouveau conseil. L'idée d'une assemblée bicamérale nous vient du président qui avait établi cela dans sa constitution rédigée unilatéralement. Au troisième chapitre relatif à la « fonction » législative, un petit nombre d'articles évoque le Conseil national. Ce que l'on sait c'est que la loi de finances et les plans de développement ne peuvent être adoptés qu'à la majorité absolue des deux chambres, que les élus du conseil bénéficient de la même immunité que ceux de l'Assemblée des représentants du peuple et que le conseil national exerce des pouvoirs de contrôle concernant les questions relatives à la mise en œuvre du budget et des plans de développement. La constitution de 2022 dispose aussi qu'une loi devra réglementer les interactions entre l'ARP et le conseil national. C'est tout ! Alors que les nouveaux élus ont investi le siège de l'ancienne chambre des conseillers, il n'existe aucune loi qui réglemente les fonctions de la deuxième chambre, ou la nature de ses relations avec les autres institutions de l'Etat. Etonnamment, le président de la République a affirmé que c'est maintenant qu'il fallait trouver les idées pour ce faire. Les voies des nouvelles approches sont impénétrables pour les non-croyants en le processus du 25-Juillet.
Croyez-le ou non, nous devrions avoir à l'automne 2024 une élection présidentielle, mais personne ne connait la date exacte du scrutin ou les conditions de candidatures. Partout dans le monde et dans les pays qui se respectent (qu'ils soient une démocratie ou pas), le calendrier électoral est connu bien à l'avance. La date peut même être fixée des années avant l'élection tant il ne s'agit que d'un simple détail. Sauf que sous les cieux tunisiens, berceaux des nouvelles approches révolutionnaires, on n'en sait que dalle. Du jamais vu !
Au cours de la semaine, l'Isie a renvoyé la balle dans le camp du président. Sous pression, l'instance dite indépendante, avait déclaré que la date et le calendrier seront annoncés tout de suite après la fin des élections du conseil national des régions. Mais toujours rien. Alors, l'Isie, qui a toutes les prérogatives selon la loi de définir la date, a fait savoir qu'elle attendait que le président publie le décret de la convocation des électeurs pour agir. Cependant, et selon la loi, la convocation des électeurs ne se fait qu'avant trois mois du scrutin. Et durant cette période, le président peut convoquer les électeurs trois mois avant ou à la dernière minute. Rien ne l'en empêche. Il pourrait par exemple choisir de le faire à un mois de l'élection et ainsi tout le monde resterait suspendu à son bon-vouloir, à commencer par l'Isie qui n'a pas joué son rôle en définissant au préalable la date exacte. C'est le serpent qui se mord la queue. Par ailleurs, on attend toujours de savoir quelles seront les modifications faites aux conditions de candidature. On sait que la question de l'âge et de la nationalité sera révisée pour être en adéquation avec les dispositions de la constitution de 2022, mais ça nous parle aussi de nouvelles conditions notamment la nécessité pour le candidat de fournir une copie de son casier judiciaire. Alors que des personnes ont déjà annoncé leur candidature et que d'autres envisagent de le faire, ni la date de l'élection ni les règles du jeu ne sont claires. Le flou total.
Peut-être que le régime apprécie tellement le suspens, qu'il compte nous surprendre encore une fois. On ne sait jamais. Et puis ce serait inutile d'essayer de comprendre ou d'analyser puisqu'on vit actuellement sous le règne de la confusion et du fait accompli.