Chose promise, chose due. La purge pour assainir le pays des traîtres et des comploteurs s'accélère et les masses, toutes contents, applaudissent. On ne peut pas dire que le président de la République ne respecte pas ses promesses. Il a dit et répété qu'il était en train de mener une guerre et qu'il n'aura de cesse de la mener à bien. Une guerre ouverte sur tous les fronts pour débusquer ceux qui ourdissent des plans machiavéliques pour nuire au peuple. Et puisque le président représente le peuple, qu'il est le peuple et que le peuple c'est lui, ces conjurateurs veulent l'atteindre, lui en premier et son processus, afin de nuire au peuple à travers lui. La boucle est bouclée. Il s'agit d'une guerre de libération nationale et gare à celui qui viendrait critiquer l'escalade d'une présumée répression ou d'une hypothétique violence d'Etat. Et puisque l'élection présidentielle est censée avoir lieu cet automne, il faut purger le pays des conspirateurs. Il le faut, pour que le climat électoral se déroule dans la sérénité et le silence, loin des débats et des voix qui s'opposent au projet. Parce que forcément, ces voix s'élèveront pour mettre à mal le processus du 25-Juillet, sous couvert de liberté d'expression, mais en vrai pour servir leurs propres intérêts vils et mauvais.
Cette dernière période, il ne se passe pas un jour sans qu'on n'apprenne la convocation ou l'arrestation de personnes impliquées dans la chose publique. Dans ce fabuleux pays qu'est la Tunisie, le pouvoir est en train d'écraser tout, sur le passage de sa montée en puissance concomitante à sa peur de la chute. Activistes politiques et de la société civile, journalistes, avocats, bloggeurs, artistes… tous ont une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. L'ambiance est à la fois à l'appréhension et à la résistance, alors que chaque jour, une voix se fait éteindre arbitrairement scellée dans une cellule de prison. Une chape de plomb s'est abattue sur les forces vives de ce fabuleux pays qu'est la Tunisie. Tout un chacun se sait en libération provisoire en attendant qu'on lui tombe dessus, pour une parole, un mot, une caricature ou toute forme d'expression qui ne plairait pas. Un pouvoir qui réprime la parole est un pouvoir qui craint son incidence, qui craint que le voile ne soit levé sur ses échecs. Le mot peut introduire le doute chez des citoyens dotés d'un minimum de raison. Le doute est le chemin vers la certitude. C'est ce qui motive la démarche de grand verrouillage qui avance à grands pas ces derniers temps.
Le pire c'est qu'une bonne frange de Tunisiens soutient la répression et se délecte de l'emprisonnement d'une certaine élite, qui leur a été présentée, il est vrai, comme le mal absolu et à abattre. Il est plus que nécessaire de rappeler et de re-rappeler la haine que ce régime n'a pas fini d'attiser se jouant du sentiment de frustration chez la population et du complotisme comme moyen de maintenir les masses sous hypnose. C'est ainsi que ces masses s'écrient, sans se rendre compte des conséquences, qu'elles n'ont que faire des libertés ou d'un système démocratique. C'est ainsi que les propagandistes du régime se sont mis à les matraquer après que des puissances occidentales ont exprimé leur préoccupation. On leur a dit que c'est un complot et que c'est la preuve que les opposants sont des vendus. On s'est basé sur la défiance envers l'occident (qui n'a d'ailleurs aucune crédibilité) pour justifier la répression et persécuter ceux qui réclament des droits et libertés, alors même que ces pays occidentaux n'ont que faire des droits et libertés en Tunisie, que personne ne leur a demandé de s'exprimer et qu'ils n'ont agi que pour faire pression sur le pouvoir en place à propos d'autres volets qui servent leurs intérêts. Essayez de faire comprendre cela à une population biberonnée au populisme le plus primaire, vous vous feriez lyncher.
On dit qu'un organisme qui se bat pour sa pérennité peut être capable de tout et même devenir très dangereux. La purge n'est pas près de prendre fin. Il faudra du souffle, beaucoup de souffle pour tenir bon et ne pas baisser les bras.