En Tunisie, le secteur du bâtiment consomme 27% de l'énergie. Actuellement troisième grand consommateur de l'énergie, il pourrait occuper le peloton de tête des secteurs les plus énergivores en 2030 avec une part de 33% selon les prévisions. Ce qui est de nature à taxer lourdement le bilan énergétique de la Tunisie d'autant plus que notre pays s'apprête à devenir un importateur net d'énergie fossile d'ici quelques années. Et c'est tout à fait explicable : sous la triple pression de l'épuisement des énergies fossiles, du réchauffement climatique et de l'expansion de la demande des différents secteurs, notamment celui des Bâtiments et Travaux Publics (PTP), la pénurie d'énergie se fait nettement sentir et ça devient extrêmement pénalisant. Partant de ce constat, la question de la maîtrise de l'énergie a été placée comme une priorité dans une stratégie nationale à triple objectif : la rationalisation de la consommation d'énergie dans le secteur de l'habitat, de la production, et des services y compris le transport ; la maîtrise des coûts de cette énergie en vue de préserver les équilibres financiers majeurs de l'économie nationale et le développement de nouvelles énergies et des énergies renouvelables en misant davantage sur la recherche scientifique appliquée aussi bien aux investisseurs qu'aux usagers. Pour la Tunisie, rien n'est donc circonstanciel ou conjoncturel. Les autorités publiques se sont mobilisées pour donner à la question énergétique toute l'attention qu'elle mérite. Outre la mise en place d'un programme de maîtrise de l'énergie 2008-2011, décidé par le Chef de l'Etat lors du conseil ministériel du 15 janvier 2008, les différentes réformes du cadre juridique et règlementaires, les incitations financières aux promoteurs, la sensibilisation semble être le cheval de Troie grâce auquel pourrait s'immiscer une nouvelle culture en faveur des bâtis moins énergivores. En témoigne, la journée d'étude sur l'application des "textes règlementaires relatifs à l'efficacité énergétique dans les bâtiments", organisée, mardi 13 avril 2010, par l'Zgence nationale pour la maîtrise de l'énergie (ANME), en collaboration avec le ministère de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire. Objectif : éclairer et sensibiliser les parties intervenantes, en l'occurrence structures publiques, ingénieurs, concepteurs et promoteurs, sur les dispositions des deux arrêtés conjoints du ministre de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire et du ministre de l'Industrie et de la Technologie du 23 juillet 2008 et du 1er juin 2009, fixant les spécifications techniques minimales visant l'économie dans la consommation d'énergie des projets de construction et d'extension des bâtiments à usage de bureaux et ceux résidentiels. Eu égard à l'importance du sujet débattu, il y a lieu de mentionner que les deux ministères, en vertu de ces deux arrêtés, composent ensemble en parfait couple. Déjà leur partenariat est en phase avec la 21ème rubrique du 11ème point du programme électoral du Président Ben Ali pour le quinquennat 2009/2014, " Vers une économie à contenu technologique élevé, amie de l'environnement, économe en énergie et innovante", qui a prévu la construction de 70 mille bâtiments obéissant aux critères d'efficacité énergétique, à l'horizon 2014. Il est à rappeler que les deux arrêtés viennent renforcer l'approche de l'efficacité énergétique au sein des bâtiments. Ils s'appliquent aux bâtiments privés ou publics dont la surface couverte est égale ou supérieure à 500 m2 et les bâtiments à usage résidentiel, dont les espaces réservés à l'habitation constituent plus de 80% de leur surface utile. Deux approches doivent être prises en considération pour mettre en application ces termes, à savoir "l'approche performantielle" et "l'approche prescriptive". En quelque sorte, il s'agit bel et bien d'un guide pratique de conception de logements économes en énergie, du zonage climatique, ainsi que des logiciels pour l'évaluation des performances thermiques et énergétiques des bâtiments, outre l'élaboration de nouveaux outils techniques destinés aux différents acteurs de la construction (administration, concepteurs, promoteurs ). Du côté de "l'approche performantielle", les architectes et les promoteurs de construction sont appelés à respecter un certain nombre de nouveaux critères au niveau de la conception des édifices à bâtir ou à les étendre. Les dispositions de ladite approche s'attachent particulièrement aux performances thermiques du bâtiment. Quant à l'approche perspective, les arrêtés stipulent la prise en considération des propriétés thermophysiques de ces bâtis, et ce, en fonction de la zone climatique (où sera implanté le bâtiment) et du taux des baies vitrées des espaces chauffés et refroidis ainsi que leur répartition sur les différentes orientations. Slaheddine Malouche, ministre de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire, a passé en revue les différentes actions entreprises par les autorités publiques pour sensibiliser les parties intervenantes notamment à travers l'organisation de neuf workshop régionaux qui ont ciblé les municipalités et les services régionaux relevant du ministère en vue d'approfondir leur compréhension de la démarche à entreprendre quant à l'étude des dossiers des permis de bâtir obéissant aux conditions de l'efficacité énergétique. Par ailleurs, le ministère se penche, actuellement, sur l'élaboration d'une circulaire complémentaire, en collaboration avec l'ANME, pour simplifier davantage les dispositifs des arrêtés conjoints et faciliter le traitement des différents dossiers. Sur un autre plan, l'arsenal règlementaire sera renforcé prochainement par la promulgation d'un nouvel arrêté conjoint visant à généraliser la réglementation thermique des bâtiments vers les unités hôtelières et hospitalières. A cela s'ajoute une démarche de catégorisation à entreprendre pour les bâtiments à usage commercial, scolaire ou à usage individuel. Dans cette même optique, le ministre a appelé à la promotion des constructions collectives et verticales et à redoubler d'efforts pour faire mieux connaître ces projets qui favorisent la promotion des énergies renouvelables telles que l'énergie solaire et géothermique. Pour sa part, Mounir Bahri, de la direction de l'Utilisation Rationnelle de l'Energie (ANME), a mis en exergue la panoplie de mesures incitatives mises en place par l'Etat à même d'encourager les promoteurs à adhérer à cette tendance de maîtrise de l'énergie. Le mécanisme de financement proposé comprend une subvention à l'investissement, réservée aux projets les plus performants, des crédits préférentiels pour le financement des travaux de construction, une rénovation thermique et une subvention d'investissement à hauteur de 70% pour les travaux d'audit énergétique. Il et à signaler qu'un salon abritant plus de 25 exposants a été organisé en marge de la journée. Les produits exposés obéissent à une seule logique : favoriser l'intégration de technologies innovantes en la matière et faire évoluer l'offre de produits dont la performance énergétique représente un gage de l'émergence d'un marché tunisien propre aux produits et matériaux de construction moins énergivores et un propulseur des pratiques plus efficientes. Pleins feux ont été braqué, par ailleurs, sur Planet IMMO, dirigé par Cyrine Ben Ali Mabrouk et lauréate du grand prix du Président de la République pour l'incitation à la rationalisation de la consommation d'énergie et la promotion des énergies renouvelables, pour ses efforts en matière de réalisation du programme national de la maîtrise de l'énergie, plus particulièrement en matière d'audit énergétique et l'usage des technologies d'isolation thermique avec la programmation de l'usage de l'énergie photovoltaïque dans un bâtiment à haute efficacité énergétique. Sans l'ombre d'un doute, le secteur du bâtiment présente une forte force inertie en Tunisie. Ce qui explique, en quelque sorte, la démarche suivie par l'administration. Sensibiliser les parties intervenantes (structures gouvernementales, secteur privé, municipalités, promoteurs immobiliers) à la nécessité de gagner le pari de l'économie d'énergie et à appliquer les lois sur l'obligation de s'adapter aux nouvelles normes énergétiques. Ceci permet d'avoir un effet de vitrine et de modifier les habitudes non seulement des professionnels du bâtiment mais aussi celles des autres secteurs dits énergivores. Walid Ahmed Ferchichi