Hier, 28 janvier 2014, a eu lieu le vote de confiance pour le gouvernement proposé par Mehdi Jomâa. Ce fût l'occasion d'assister en direct au choc entre deux Tunisie d'une part, et l'occasion de voir une opposition en perdition, d'autre part. Un plat dégueulasse servi enrobé d'hypocrisie, sur son lit de calculs politiciens de bas étage avec en dessert, une sélection de « farine de luxe» à la sauce tunisienne. La Tunisie populiste, la plèbe vindicative a affronté hier la Tunisie surdiplômée, ayant vécu à l'étranger et possédant des CV longs comme le bras. Cet affrontement n'a pas été tendre car les élus se sont déchaînés, du haut d'un piédestal imaginaire qui les a consacrés, artificiellement, en tant qu'élite de la société. Le fabuleux Brahim Gassas représente la quintessence de cette situation. Quand il a pris la parole, il n'a cessé de dire que la vraie autorité appartenait à l'Assemblée, qu'il était inadmissible qu'un ministre refuse de voir un élu parce qu'il n'a pas de rendez-vous. Il a aussi crié qu'il était le patron des ministres, entant que représentant du peuple. Par la suite, il s'est attaqué à Amel Karboul, la prochaine ministre du Tourisme, en lui demandant de « prendre sa robe et de s'en aller si jamais elle avait vraiment été en Israël ». On aurait pu croire que la virulence de Brahim Gassas n'avait d'égal que son amour pour la patrie et son sens de la responsabilité. C'est un représentant du peuple ! Malheureusement pour le peuple que Gassas représente, celui-ci s'est tout bonnement absenté du vote final pour le gouvernement… L'élite autoproclamée du pays s'est frottée à son élite méritante. Bien sûr, la première est dans son droit de questionner et de mettre sous pression toute équipe gouvernementale qui souhaiterait obtenir sa confiance. Mais que devrions nous penser, nous spectateurs impuissants, quand un élu, impliqué dans un scandale de corruption avec Bahri Jelassi, adepte du nomadisme politique, se met à donner des leçons de probité et d'éthique ? Que devrions-nous penser quand un autre élu se met à égrener les lieux de naissance des membres de ce nouveau gouvernement pensant y déceler du népotisme ou une certaine préférence ? Que penser d'élus qui quittent la séance pour assister à une émission de télévision et qui reviennent ensuite déverser leur savoir ? Le pire c'est que ces donneurs de leçons, ces chantres improvisés de l'honnêteté, ne cessent de gloser sur l'importance de tenir les promesses faites. Pourtant, leurs belles âmes n'ont pas été dérangées par le fait qu'ils n'aient pas respecté les délais prévus de rédaction de la Constitution. Les élus n'ont pas hésité à racketter le peuple en faisant voter de faramineuses primes juste avant la finalisation de la Constitution. Une Constitution qui aura coûté à la Tunisie la coquette somme de 146 millions de dinars depuis le début de sa conception. L'autre fait saillant de cette séance plénière nous donne l'impression que l'opposition tunisienne n'a jamais été aussi éparpillée, ni aussi brouillonne. Quand un élu comme Noômane Fehri se dit soulagé d'avoir accompli son devoir en votant pour ce gouvernement, les députés Al Joumhouri se sont abstenus ou sont carrément absents à l'image d'Ahmed Néjib Chebbi. Des leaders de pacotille se crêpent le chignon et font du cinéma à la télévision. La pilule d'avoir été mis à l'écart de la grand messe du Dialogue national n'est pas passée pour les leaders du Joumhouri. A l'occasion de ce vote, l'opposition a montré son nombrilisme et son incapacité à agir en rang serré et de manière cohérente. Quand on regarde les résultats des votes d'hier, on trouve des opposants dans les quatre catégories possibles : Pour, contre, abstention et absents ! Comment veulent-ils qu'on arrive à déchiffrer leurs positionnements et à trouver une cohérence dans leurs démarches ? Les applaudissements des puissances étrangères, les articles dithyrambiques parus dans les médias étrangers ne doivent pas faire perdre les pédales aux élus opposants. Le chemin reste long pour eux et pour leurs partis pour espérer gagner un semblant de crédit vis-à-vis de l'opinion publique. La réalisation d'une Constitution « historique » ne servira pas longtemps de fonds de commerce en prévision des élections. Comme lors de tous les derniers bras de fer entre opposition et troïka, c'est cette dernière qui en sort grandie. Une amie pleine de sagesse a eu un commentaire corrosif et très juste à propos de la séance d'hier. Elle dit : « Le spectacle désolant de ce soir à l'ANC révèle le mal qui nous ronge, cette nature bipolaire du Tunisien qui nous a secoués après les élections, qui a érigé une classe politique novice et en a fait une élite. Ce soir cette élite usurpatrice est face à l'élite méritante. Deux facettes de nous-mêmes, deux visions de la Tunisie qui s'opposent au lieu de s'épouser. Chacun tire de son côté et dans ce pauvre pays, la devise est, antithétiquement : Que le pire gagne! ». Tout est dit…