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Jabeur Mejri : Détournement de fonds pour une affaire qui dérange
Publié dans Business News le 23 - 02 - 2014

Jabeur Mejri n'est plus à présenter. Il a défrayé la chronique depuis qu'il a été emprisonné pour avoir partagé une caricature du Prophète sur Facebook. Son nom s'est affiché en grandes lettres, dans les médias étrangers, depuis qu'il a été condamné à 7 ans et demi de prison. Jabeur est, en Tunisie, le premier prisonnier d'opinion depuis l'avènement de la « révolution de la dignité ».
Pour beaucoup son cas pose problème. Comment ose-t-on aller jusque-là ? N'ya-t-il donc pas de limite à la liberté d'expression ? N'est-ce pas indécent de le défendre ? Des questions qui se posent et qui souvent s'imposent comme réponses, à celui qui ose braver l'équilibre religieux ou à celui qui ose défendre ceux qui le menacent.
Mercredi 19 février 2014, le porte-parole de la présidence de la République, Adnane Mansar, est intervenu sur Shems Fm. Il a annoncé, au passage et entre autres informations, la signature d'une grâce présidentielle visant à mettre fin à l'emprisonnement de Jabeur. Cependant, contre toute attente, une nouvelle pour le moins inattendue a mis fin à l'euphorie générale : Jabeur Mejri fait l'objet d'un mandat de dépôt depuis le 24 janvier 2014.
Il s'agit d'une affaire qui remonte à juillet 2011 et qui concernerait une plainte déposée pour « détournement de fonds » en relation avec l'emploi qu'occupait Jabeur Mejri au sein de la SNCFT. A Business News, son avocat, en l'occurrence Maître Msellmi, a dénoncé la nature abusive d'une telle décision. « Il s'agit d'un dossier vide de preuves, ne contenant que quelques présomptions simples qui ne requièrent pas un mandat de dépôt ». « Mon plaignant aurait pu se présenter en état de liberté », a-t-il ajouté. Une demande de relaxation a été déposée par l'avocat de Jabeur Mejri. Le juge n'a toujours pas statué dans le cadre de cette affaire annexe qui entrave la mise en application de la grâce et la libération effective de Jabeur Mejri.
Et parce que la présidence de la République a depuis un moment opté pour le réseau social comme principal vecteur de communication, Adnane Mansar, son porte-parole, a écrit le 20 février, sur son profil, que le jour de la signature de la grâce, l'affaire de détournement de fonds a refait surface (alors qu'elle était passée inaperçue jusque-là). Mansar a, par ailleurs, précisé que le président Marzouki a le droit de consulter qui il veut, dans le cadre de l'émission de la grâce. Il fait ainsi une allusion directe au fait qu'il a lui-même révélé et selon lequel le président a consulté des cheikhs de la Zitouna avant de prendre sa décision.
Jabeur Mejri aurait ainsi remis une lettre d'excuse à Hechmi Jegham, président de la Haute instance des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qui lui a rendu visite le 20 janvier 2014 à la prison. Ce nom n'est pas inconnu à ceux qui ont suivi l'affaire Jabeur Mejri. En effet, lors d'une visite à la prison de Mahdia initiée par la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), le 21 janvier 2014, Jabeur avait informé les avocats et les représentants de la société civile partis le voir qu'il a reçu de la visite la veille. C'est Hechmi Cherif qui lui aurait fait signer un certain papier. Pour Jabeur, et selon l'explication de son visiteur, il s'agissait d'une lettre de remerciements pour le gouvernement suédois qui a bien voulu l'accueillir dès sa sortie imminente de prison. Cependant, aux médias qui l'avaient interrogé, Hechmi Cherif s'était rétracté, a tout nié en bloc et a mis cette visite à Jabeur sur le compte de ce qu'il avait appelé « les ragots facebookiens ».
Quelques semaines après, point de départ en Suède pour Jabeur, point d'asile politique, mais on évoque une lettre d'excuses qui aurait été remise à M. Jegham et qui aurait permis à Moncef Marzouki de signer la grâce avec l'approbation d'une « congrégation religieuse ».
Il s'agit, en évidence, d'un fait nouveau en Tunisie. Certes la Zitouna est réputée pour la qualité de son enseignement théologique, certes les érudits qui y siègent sont, d'une certaine manière, vénérés pour leur attachement relativement modéré aux principes islamiques, mais il n'est pas coutume en Tunisie de les mêler aux affaires judiciaires. Une première presqu'anticonstitutionnelle faisant de la chariâa une force de législation et de consultation. La présidence qui a ainsi fait preuve d'un mélange de genres surprenant, déclare, par ailleurs, que « le président de la République ne peut aucunement dépasser la loi et intervenir dans ce qui a trait à la justice, ni émettre la grâce dans le cadre d'une affaire qui n'a pas l'autorité de la chose jugée ».
Pour Martin Pradel, avocat aux barreaux de Paris et membre de la Fédération internationale des Droits de l'Homme, « quand le président de la République demande l'approbation d'un corps intermédiaire, aussi respectable soit-il, pour prendre une décision de grâce que sa propre conscience lui impose - du moins est-ce ce qu'il a dit- il abandonne les prérogatives qui lui ont été confiées en application des règles démocratiques dont il devrait être le gardien scrupuleux ».
Maître Pradel qui suit l'affaire Jabeur Mejri de près, depuis des mois, a ajouté à Business news: « Cette annonce d'une consultation des Cheikhs par le président Marzouki pour formaliser la grâce de Jabeur est très dommageable pour la Tunisie. Elle pose une question très grave dans un Etat démocratique, car la Constitution ne donne pas au président de la République le pouvoir de transmettre ses propres pouvoirs à un autre que lui-même ».
Au mois de septembre 2013, Moncef Marzouki s'était dit choqué par rapport à la peine à laquelle est condamné Jabeur Mejri, lors d'une conférence qu'il a donnée aux Etats-Unis. Il avait alors avancé que compte tenu de l'aspect conservateur de la société tunisienne, maintenir ce prisonnier d'opinion sous les verrous visait à le protéger. Selon Maître Pradel, « à l'injustice s'ajoute la torture inhumaine qui consiste à faire savoir à ce prisonnier que sa détention n'est ni justifiée ni justifiable, mais que pour son bien ou parce qu'il faudrait attendre, il reste privé de sa famille, de ses amis, et des libertés qui font que la vie vaut d'être vécue ».
Tout en relevant que « ces événements posent la question du mépris que les institutions ont pour elles-mêmes », Me Pradel, a ajouté : « j'ai une pensée pour le prisonnier d'opinion, Jabeur Mejri, qui vit un véritable enfer, puisqu'il est chaque jour promis à une liberté qui ne lui est jamais donnée. Depuis deux ans et demi, il est détenu pour la seule raison de son opinion.».
Contacté par Business News, Abdessattar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne des Droits de l'homme, s'est abstenu de donner son avis quant à l'avancement ou plutôt au statu quo que connaît le dossier de Jabeur Mejri. Pour lui, on ne peut se prononcer et prendre position sans avoir une réelle connaissance de ce qu'on reproche à Mejri. Cependant, en vue des éléments fournis par Maître Msellmi, Me Ben Moussa n'a pas manqué de relever, qu'en présence d'un pareil ressort, l'aspect abusif serait indéniable.
Lotfi Azzouz, directeur de la section tunisienne d'Amnesty international, a déclaré à Business News : « Nous sommes maintenant devant deux affaires différentes. La première concerne la liberté d'expression et la deuxième affaire du droit commun».
Le bureau central d'Amnesty international à Londres publiera dans les prochains jours un communiqué. Il s'agit d'un des organismes ayant œuvré en faveur de Jabeur Mejri. Ainsi, depuis des mois et afin de ne pas laisser en pâture ce jeune Tunisien dont le crime semble être bien particulier, plusieurs campagnes de soutien ont été lancées à l'échelle nationale et internationale. La Fédération internationale des Droits de l'Homme, des activistes et des militants, des écrivains, des dessinateurs et des artistes de tous bords se sont mobilisés pour ce prisonnier devenu cause.
Pour beaucoup Jabeur Mejri est devenu emblème de cette lutte que doivent mener les Tunisiens pour la sauvegarde des libertés intellectuelles et la mise en application de la liberté de croyance constitutionnalisée depuis peu. Cependant, ce dossier est devenu cause pour certains et fonds de commerce pour d'autres. La multitude des campagnes lancées n'a toujours pas été efficiente d'une manière définitive afin de clore ce dossier qui ternit, selon plusieurs observateurs, l'étoffe de droit de l'hommiste que vêtait Moncef Marzouki, des années durant, avant d'arriver à la tête de la République.
Violette Daguerre, présidente de la Ligue arabe des Droits de l'Homme, connaît bien Moncef Marzouki d'avant l'accession au pouvoir. Elle a précisé à Business News que, mis à part le cas de Jabeur Mejri, plusieurs autres sont à aborder de près. « De retour de la prison de Mornaguia, je rentre avec plusieurs dossiers relatifs à la situation des libertés en Tunisie », a-t-elle précisé.
En accordant sa grâce à Jabeur Mejri, après des mois de supplice et de supplication, Moncef Marzouki a su se débarrasser de ce dossier devenu encombrant et le vider de sa substance. Dorénavant, la société civile devra mettre en suspens son soutien et le combat mené par les organismes étrangers n'aura plus lieu d'être. Jabeur Mejri, n'est plus prisonnier d'opinion, il est désormais prisonnier tout court. Et parce que les affaires se traitent au cas par cas et que rarement le problème d'origine est abordé de front, les regards se braqueront, à la première occasion, sur d'autres dossiers. On en fera des icônes et des emblèmes d'un mal-être idéologique trop profond pour être traité de la sorte.
Inès Oueslati
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Crédit photo: Dessin d'Ugo Sajini- Campagne 100 dessins pour Jabeur Mejri


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