Le 14 mai 2014, Mehdi Jomâa arrivera devant un parterre de journalistes pour prononcer un discours sur ses 100 jours à la tête du gouvernement de technocrates. Des millions de Tunisiens seront devant leurs écrans pour obtenir des réponses à plusieurs questions. Cet exercice périlleux signera probablement la fin de la grâce accordée à ce gouvernement et les critiques commenceront. Le chef du gouvernement devra, en effet, présenter des réponses à plusieurs questions d'ordre économique, politique, social et sécuritaire. Dans le climat ambiant, des interrogations commencent à bourgeonner quant à l'attachement de Mehdi Jomâa à l'application de la feuille de route signée avec le Quartet. Si tant est que la mission principale de son gouvernement est d'instaurer un climat propice à la tenue d'élections libres et indépendantes, plusieurs inquiétudes persistent à propos de la santé financière et économique de l'Etat tunisien, de la lutte contre le terrorisme et de la préservation de la paix sociale. "La situation économique du pays est difficile et il faudra que nous tous fassions des sacrifices". Ainsi, Mehdi Jomâa n'a cessé de rappeler l'état d'urgence économique en Tunisie. Il a d'ailleurs commencé à appliquer une politique d'austérité même si le mot n'a jamais été prononcé. Les premiers à en faire les frais sont les cadres de l'administration. En effet, le chef du gouvernement a décidé de réduire de 10% les bons d'essence et de les remplacer par une prime financière. Les voitures de fonction seront également supprimées. Les ministres sont également mis à contribution car ils voient leurs émoluments réduits de 10%. Les détracteurs de ces décisions soutiennent que ce sont là des "mesures cosmétiques". En effet, ils assurent que les économies réalisées par ce type de mesures sont une goutte d'eau dans l'océan des économies à réaliser. Ils ajoutent que ce type de décision est plus populiste qu'autre chose et est destiné à rassurer la population sur la volonté réelle du gouvernement en place à un moment où des doutes commencent à planer. Sur le volet économique, Mehdi Jomâa énumérera les succès de la Tunisie ces derniers mois. Succès qui se résument en grande partie au retour en grâce de la Tunisie auprès des institutions financières internationales. Mehdi Jomâa aura eu le mérite de remettre en route une diplomatie économique totalement abandonnée sous le règne de la Troïka. Ses différents voyages ont permis de polir l'image extérieure de la Tunisie d'un côté, et de pousser certaines puissances (USA et France) à réaffirmer un soutien sans faille à la transition tunisienne. Toutefois, le chef du gouvernement, dans son discours des 100 jours, devra donner le détail de ce soutien à la Tunisie derrière les belles formules et les déclarations d'intention. Le dossier sera probablement le gros morceau du discours du chef du gouvernement. Il y a péril en la demeure, Mehdi Jomâa et ses ministres n'ont cessé de le répéter depuis leurs prises de fonction. Il faudra que M. Jomâa présente un bilan de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire. Par ailleurs, plusieurs questions planent concernant l'augmentation des prix des hydrocarbures et de certaines denrées de base. Le 29 avril 2014, le ministre de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, Kamel Ben Naceur, avait déclaré que les prix des carburants pourraient être révisés à la hausse d'ici les mois de juillet et août 2014. Mehdi Jomâa aura pour tâche de lever toute confusion autour de cette question. Pour ce qui est du volet sécuritaire, Mehdi Jomâa donnera un état des lieux de la lutte contre le terrorisme. C'est seulement à demi-mot que le ministère de la Défense évoque les opérations militaires au mont Châambi pour des raisons sécuritaires évidentes. Toutefois, Mehdi Jomâa exposera la situation dans cette région du pays. Certains échos font état d'une avancée décisive de nos forces armées dans la montagne longtemps tenue par les terroristes. L'acquisition de matériel de détection perfectionné et de viseurs laser et infrarouges n'est pas étrangère à ce début de victoire. Le chef du gouvernement devra nous dire où on en est dans cette guerre et quel est le sort des terroristes se trouvant au Châambi. Même s'il existe une impression générale dans la population que la situation sécuritaire s'est améliorée, Mehdi Jomâa devra conforter cette impression par un récit factuel précis. Le volet politique devrait également être abordé dans ce discours-conférence. Dans une concomitance surprenante, les deux plus grands partis de Tunisie, Ennahdha et Nidaa Tounes, ont sous-entendu qu'ils pourraient accepter que Mehdi Jomâa reste à la tête du gouvernement après les élections. Sachant que le chef du gouvernement n'est pas désigné au suffrage universel, cette option est légalement possible. Par ailleurs, Mehdi Jomâa avait déclaré, quand il était en France, qu'il reviendrait au privé après les élections. Il avait même ajouté que sa femme voulait reprendre une vie tranquille selon le Canard enchaîné. Pourtant, aucune réaction officielle n'a eu lieu par rapport aux déclarations des deux partis. La conférence de presse du 14 mai sera l'occasion pour le chef du gouvernement de clarifier sa position. Il pourra réaffirmer sa volonté de lâcher la barre après les élections ou maintenir le doute. Dès la désignation de Mehdi Jomâa en tant que chef du gouvernement, la majorité des partis politiques et des organisations de la société civile l'a assuré de son soutien à condition d'appliquer la feuille de route. Certaines de ces organisations commencent à grincer des dents en pointant une certaine lenteur dans l'application des clauses de la feuille de route. Il paraît évident que la période de grâce accordée au gouvernement Jomâa est finie et que l'on va commencer à demander des résultats concrets. Plusieurs dossiers restent sur le bureau du chef du gouvernement dont certains n'ont pas encore été ouverts à l'instar de celui de la dissolution des Ligues de protection de la révolution et de celui des meurtres de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi. Il est incontestable que ce gouvernement est arrivé avec un nouveau style et une compétence certaine. Toutefois, les 100 jours sont une réelle étape qui va séparer l'approbation versant parfois dans la béatitude de la réelle critique de l'action de ce gouvernement. Marouen Achouri