La fresque est désormais diaphane. Deux candidats sont finalistes à la présidentielle et un second tour s'échafaude sous haute tension. Béji Caïd Essebsi et Moncef Marzouki se disputeront donc une finale à risques élevés, l'écart séparant les scores des deux candidats étant fragile. Une finale qui s'annonce tel un derby où chaque équipe mène une quête rude de soutien et cherche à rallier les troupes partisanes en vue d'affermir ses chances de remporter la finale. Une réelle opération de séduction a marqué les premiers pas de cette finale. Le but étant de gratter dans les voix recueillies par d'autres candidats, en l'occurrence ceux faisant partie du top 5. Et Hamma Hamami, « Weld Echaâb » [le fils du peuple] en fait partie. Le candidat du Front Populaire a réussi à décrocher près de 8% des voix des électeurs. Une vague spontanée de sympathie et de solidarité de la dernière heure a fait lieu d'un véritable fer de lance pour Hamma Hammami. Une recette qui a fonctionné et donné ses fruits aguichant actuellement les deux finalistes : le report des voix des frontistes pour le second tour devient l'objet de toutes les convoitises et chaque bord fait, subtilement, du pied au Front Populaire. Hamma Hammami, lors d'une sortie médiatique, a estimé que le Front populaire constitue la véritable troisième force politique du pays après Nidaa Tounes et Ennahdha. Bien que le parti de l'UPL de Slim Riahi est classé troisième aux élections législatives, Hamma Hammami le considère tel un phénomène éphémère à l'instar de celui d'Al Aridha, lors du scrutin de 2011. Appuyé par cette estimation, et s'agissant des éventuelles alliances du Front Populaire notamment avec Nidaa Tounes, M. Hammami a expliqué qu'il est encore tôt d'en parler. Selon ses dires, toute alliance devra être faite sur la base d'un minimum de programmes et de projets à réaliser en commun dans les différents domaines économiques, sociaux, sécuritaires, culturels, etc. Ainsi, les premières allures d'une alliance entre le Front populaire et Nidaa Tounes n'ont-elles pas encore pris forme. Entre temps, le scrutin présidentiel s'est tenu et a débouché sur un résultat tout du moins serré conduisant les deux finalistes à opter pour une stratégie basée sur la sollicitation des candidats en troisième et quatrième position en vue de profiter du report de leurs voix. Pour l'heure, Hamma Hammami et son parti ne se sont pas encore prononcés quant au candidat à soutenir. Certains des cadres du Front populaire, dont Zied Lakhdar, ont affirmé que le parti ne soutiendra pas Moncef Marzouki lors du second tour de la présidentielle contrairement à ce qu'avait déclaré Adnène Manser directeur de campagne de ce dernier. M. Lakhdhar a souligné, par la même, que M. Marzouki est en train d'entrainer le pays dans des domaines qui font peur, notant que le discours de M. Manser le prouve bien, ne prédit rien de bon et ne permet pas de suivre le bon cap. Il semblerait, toutefois, qu'au sein du Front populaire, les positions divergent et ne s'accordent pas à l'unanimité. Par ailleurs, les dirigeants du CPR, parti de Moncef Marzouki, ont commencé à faire les yeux doux au Front populaire. Alors qu'auparavant, ils contestaient certaines de ses positions politiques et ne se rejoignaient pas sur certains sujets brulants, Tarek Kahlaoui, à titre d'exemple, a tenu, il y a, de cela quelques jours un discours élogieux à l'égard du Front populaire et de Hamma Hammami en présence d'Ahmed Seddik. Un véritable retournement de veste qui s'impose telle une évidence. Il n'y a plus place, à présent, aux discordes « inutiles », c'est une véritable course contre la montre qui est engagée et tous les moyens sont bons pour justifier la fin. De son côté, Béji Caïd Essebsi avait marqué des points auprès du Front populaire et de Hamma Hammami lors de la constitution du front du salut qui a joué alors fortement en sa faveur. Il ne sera pas bien difficile pour le camp de Caïd Essebsi que de gagner la sympathie des frontistes bien que certains points de divergence entre les deux demeurent relevés. Rien n'est encore joué. Et certaines langues évoquent d'éventuelles négociations entre Béji Caïd Essebsi et le parti du Front populaire pour discuter d'une sorte de « marché » à conclure : le soutien à la présidentielle contre des postes clés au prochain gouvernement ou encore au sein du nouveau Parlement. Il s'agit de transactions classiques qui se tiennent dans les plus grandes démocraties du monde. Rien d'anormal ou encore d'illégitime. De l'autre bord, Moncef Marzouki n'a rien à offrir concrètement au Front populaire pour solliciter son soutien à sa candidature. S'ajoute à cela les nombreuses divergences et discordances séparant, de grandes distances, les deux parties. Cependant, Moncef Marzouki n'a peut-être pas de cheveux blancs à se faire à ce niveau, car il semble compter davantage sur le soutien du mouvement islamiste Ennahdha, soutien dont il a déjà bénéficié à raison de 70% des électeurs au premier tour de l'élection présidentielle. Le Front populaire a annoncé, lors d'une conférence de presse, que leur décision, quant au candidat qui bénéficiera de leur soutien, sera annoncée ce jeudi 27 novembre. Toutefois, et comme l'a expliqué l'un des cadres du Front populaire, le parti aura beau annoncer une position officielle et bien déterminée, cela ne signifiera pas pour autant que les bases ainsi que les sympathisants suivront la même démarche. Car, disent-ils au sein du Front populaire, « nos électeurs sont loin d'être des moutons de panurge ».