Les résultats des élections législatives ont ouvert grandes les portes des spéculations et des pronostics sur les alliances. Deux partis tiennent le rôle d'outsiders dans cette joute, l'Union patriotique libre (ULP) et le Front populaire. Les élections présidentielles et le jeu du report de voix constituent l'une des étapes qui permettront de sceller les éventuelles alliances futures. Le chef du parti Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi, et le porte-parole officiel du Front et troisième à la course présidentielle, Hamma Hammami, se sont rencontrés aujourd'hui, 1er décembre 2014. LA rencontre a eu lieu au siège du Front populaire non loin de la place Pasteur. Le fait que ce soit Béji Caïd Essebsi qui se soit déplace pour rencontrer Hamma Hammami est en soit un signe qui ne trompe pas. A l'issue de cette réunion, Hamma Hammami a déclaré que le soutien du Front populaire se ferait uniquement sur la base des programmes électoraux présentés par les deux candidats. Béji Caïd Essebsi, quant à lui, dans la déclaration faite aux médias après la rencontre, a axé son intervention sur le passé commun qui lie le Front populaire à Nidaa Tounes. En effet, Béji Caïd Essebsi a tenu à rappeler que le Front populaire et Nidaa Tounes étaient côte à côte au sein du front du salut lors du sit-in Errahil au Bardo. Il a également déclaré : « Je ne veux pas qu'il y ait des conflits à l'intérieur du Front même si cela me concerne car le front, comme l'UPT et Nidaa, est une partie importante pour l'équilibre politique en Tunisie ». La suggestion d'un conflit à l'intérieur du Front populaire par Béji Caïd Essebsi n'est pas fortuite. En effet, il semble y avoir deux courants au sein du Front populaire, l'un en faveur de la neutralité du parti pour le deuxième tour et l'autre en faveur d'un soutien affirmé à Béji Caïd Essebsi. C'est justement sur ce risque de conflit que le président de Nidaa Tounes met ses billes. Il semble dire que si le Front populaire se retrouvait en conflit ou divisé à propos du deuxième tour de la présidentielle, il est fort possible que son travail en tant que force politique et à la prochaine assemblée en soit impacté. D'un autre côté, le Front populaire se doit d'être cohérent avec sa propre manière de fonctionner. En effet, toute la campagne présidentielle de Hamma Hammami a été bâtie sur le programme. Plusieurs observateurs se sont accordés à dire que la campagne de Hamma Hammami compte parmi les plus exemplaires. Par conséquent, conditionner le soutien du Front populaire à l'un ou l'autre des candidats à la qualité des programmes parait être un cheminement logique. Toutefois, un soutien du Front populaire à Moncef Marzouki parait hypothétique. La distance entre les deux n'est pas seulement idéologique. Les trois ans passé par le chef du CPR et son parti au pouvoir ont laissé des séquelles dans la relation qu'il pourrait y avoir entre les deux partis. En effet, les leaders du Front populaire n'ont pas oublié les insultes proférées à leur encontre par les porte-flingue du président. Tarek Kahlaoui les a souvent traités de « staliniens enfermés dans une disposition d'esprit obsolète ». Imed Daïmi, secrétaire général du CPR, n'a pas toujours été aussi mielleux avec le Front populaire et ses leaders. Pendant le sit-in Errahil, les dirigeants de gauche étaient des « valets à la solde de forces étrangères qui cherchent à provoquer un putsch en Tunisie ». Zied Lakhdhar, l'un des dirigeants du Front populaire, n'a pas oublié les déclarations incendiaires et insultantes des hommes du CPR. Il a déclaré : « Nous ne soutiendrons pas ceux qui nous ont menacé de nous pendre ». Par conséquent, le non-soutien du Front populaire à Moncef Marzouki semble être une cause entendue. Ceci a poussé les milices électroniques du CPR à diriger leurs attaques contre Hamma Hammami. Comble de l'indécence et de l'ignorance, Hamma Hammami est maintenant devenu un RCDiste ! Les attaques basses et impolies ne vont pas tarder à pleuvoir dans les heures à venir et les pages Facebook CPR s'occuperont de cette sale besogne. Sur le plan politique, Moncef Marzouki se retrouve relativement isolé. Une désillusion comparée aux efforts faits par Moncef Marzouki et ses acolytes pour séduire Hamma Hammami et son parti. Il y a quelques jours, tous les ténors du CPR s'accordaient à remettre en relief le combat supposé commun le 18 octobre 2005, une initiative à laquelle Moncef Marzouki s'était opposé. Ils se sont tous évertués à rappeler que ce qui réunit Hamma Hammami et Moncef Marzouki était largement supérieur à ce qui les séparait. Pour tenter de rétablir un certain équilibre, Moncef Marzouki semble se tourner vers Slim Riahi et l'UPL. En effet, Mohsen Hassan, leader de l'UPL, futur parlementaire et chef du groupe de l'UPL, a affirmé aujourd'hui, 1er décembre 2014, que Moncef Marzouki avait adressé une invitation officielle à Slim Riahi pour le rencontrer au palais de Carthage. Il a ajouté que la décision de l'UPL, de soutenir Béji Caïd Essebsi ou Moncef Marzouki, serait annoncée, au plus tard, le 2 décembre. Compte tenu de l'écart de voix réduit qui a séparé Béji Caïd Essebsi et Moncef Marzouki au premier tour de la présidentielle, le jeu des reports de voix sera décisif. Dans cette optique, Slim Riahi et Hamma Hammami sont courtisés de toute part. Leurs décisions vont non seulement avoir une influence sur le cours de l'élection présidentielle mais également sur la future collaboration sous l'hémicycle du Bardo.