La chaine privée Al Moutawassat a interviewé, par téléphone, lundi 1er décembre 2014 Adnène Mansar, directeur de la campagne du candidat à la présidentielle Moncef Marzouki, à propos de la décision du Tribunal administratif de rejeter l'ensemble des recours présentés quant aux hypothétiques abus observés durant le 1er tour de la présidentielle du 23 novembre. Dans son intervention téléphonique, M. Mansar a préféré jouer l'ironie pour commenter la décision de justice, tout en se cachant derrière le fait qu'il ne soit pas un homme de loi pour donner les explications nécessaires. D'après lui, ces jugements sont un … point de vue. M. Mansar cite le service juridique de la campagne qui dit qu'il y a à débattre et qu'il y a de l'empressement dans la préparation de ces jugements. Il explique la position en précisant que « si l'honorable Tribunal administratif a travaillé l'ensemble des recours administratifs avec la rapidité observée dans cette affaire, la Tunisie aurait été le meilleur pays au monde et dans l'Histoire en matière de rapidité de justice administrative ». Le directeur de la campagne présidentielle prend un exemple de ce qui s'est passé hier. Les verdicts concernant les recours ont été prononcés en même temps et ce dans plusieurs circonscriptions. Il indique que l'observation des affaires n'a pas dépassé une heure de temps au meilleur des cas et il était question que le verdict soit prononcé à 16 heures du lundi 1er décembre. Il précise aussi que le verdict a été annoncé dans les médias alors que les avocats ne sont pas encore arrivés au siège du Tribunal. « Par la suite, indique M. Mansar, les verdicts ont été envoyés à 19 heures au siège de la campagne, déjà rédigés et dactylographiés ». Il remercie, sur un ton ironique, le Tribunal administratif dont le travail « mérite d'être inscrit dans le Guiness Book des records », conclut-il. Adnène Mansar trompe-t-il les téléspectateurs d'Al Moutawassat ou a-t-il été trompé lui-même par le service juridique de sa campagne ? Business News a vécu de près cette affaire et a été le premier journal à annoncer le verdict (vers 16h20) et a laissé entendre dès la matinée (un peu avant midi) de l'issue qui sera donnée aux recours présentés par la campagne de M. Marzouki. Nous n'avons réalisé aucun exploit, nous étions tous simplement présents sur les lieux et en contact avec les différents avocats. Citons tout d'abord l'article 145 du code électoral qui exige que le Tribunal administratif planche sur l'affaire dans un délai de trois jours après le dépôt des recours. C'est le caractère très particulier des élections qui a fait que la loi (élaborée par l'ANC) exige cette rapidité du Tribunal administratif et les juges de ce tribunal se sont exécutés. Que M. Mansar ironise sur une rapidité déjà mentionnée dans la loi est donc étrange. Deuxième point, dans sa conférence de presse qu'il a lui-même donnée à midi, M. Mansar a indiqué que le verdict sera donné à 16 heures. Business News était présent, tout comme les avocats de la partie adverse, mais nous avons bien enregistré l'absence des avocats du candidat Moncef Marzouki ! Absence étrange que M. Mansar avoue sur Al Moutawassat comme si c'était quelque chose d'ordinaire. Dans quel pays voit-on donc un juge attendre un avocat retardataire pour prononcer son verdict ? Concernant les verdicts eux-mêmes, Business News a indiqué dès la matinée du lundi qu'il y a des risques que les recours tombent à l'eau pour vice de forme. Ici aussi, nous n'avons fait aucun exploit, nous avons juste vu les dossiers avec les avocats de la partie adverse. Et ces derniers nous ont cité le même article 145 pour épingler les vices de forme dans les recours présentés par le service juridique du candidat Moncef Marzouki. Nous avons cependant une erreur de notre part, car le Tribunal administratif n'a pas rejeté les recours de Moncef Marzouki pour les mêmes vices de forme ! Il y en avait d'autres. Au moins deux. Le Tribunal administratif a officiellement rejeté les recours sur la base des articles 142 et 143. Ces articles mentionnent qu'il peut y avoir un reclassement des candidats si les recours présentés font ressortir de graves abus susceptibles de faire changer les résultats. Or ce n'est pas le cas car, quand bien même Moncef Marzouki remporterait tous ses recours, il n'y a aucune incidence sur le résultat final. Il demeurera toujours deuxième. Ceci est indiqué dans les articles 142 et 143 et c'est sur quoi s'est basé le Tribunal administratif pour rejeter les recours. Mais il y a deux autres vices de forme que le Tribunal administratif aurait pu prendre en considération, d'après nos observations du dossier. Le premier a déjà été cité dans Business News hier matin et il est relatif à l'article 145. Les recours ont été présentés sur plusieurs circonscriptions, alors que la loi exige que ce soit une seule circonscription dans la présidentielle. L'autre vice de forme que le Tribunal administratif n'a pas pris en considération et qui prête vraiment à rire est relatif au service juridique du candidat Moncef Marzouki. Deux avocats ont présenté en son nom les recours. D'après l'article 145 (encore !), et en ce qui concerne la présidentielle, c'est un avocat près de la cour de cassation qui doit présenter ledit recours. Or, l'un des deux avocats (une avocate précisément) n'a pas cette qualité et n'est pas encore inscrite à la cour de cassation. En clair, il y avait toutes les raisons du monde pour que les recours soient rejetés, mais M. Mansar continue encore à nier les évidences et à dire qu'il y a matière à débattre. En fait, il y a une seule chose à faire peut-être pour le service juridique du candidat Moncef Marzouki, c'est d'aller bien lire les articles 142, 143 et 145 du code électoral.