L'inculture n'aime pas l'histoire. Cela est bien connu. Idem de la dictature qui tente de faire table rase du passé pour imposer sa vérité, seule et unique, et détruire tout ce qui pourrait faire douter de cette vérité absolue. Les incultes soldats de l'organisation Daech, dont certains sont incapables de différencier une œuvre d'art d'un simple radiateur, se défoulent sur des monuments d'histoire vieux de 7.000 ans. La politique du vide est le meilleur ami du dictateur qui, en éliminant toute trace de civilisation sur son passage, tue dans l'œuf toute recherche de la vérité. Dans sa brillantissime stratégie, cet autodafé touche parfois des œuvres dépassant toute contingence religieuse. L'action de Daech est, en effet, paradoxale. Pourquoi diable Daech, organisation islamique tirant ses préceptes d'un livre saint et d'une religion millénaire, irait jusqu'à en détruire toute trace de civilisation à Mossoul ? Il ne s'agit sans doute pas du plus grand autodafé de l'histoire, mais les experts estiment qu'il pourrait bien le devenir. A Mossoul en Irak, haut lieu de l'organisation, les terroristes de Daech ne se contentent pas de couper des têtes et de bruler vifs tous ceux qui n'adhérent pas à leur philosophie barbare, ils n'hésitent pas à s'en prendre à toutes les traces de la civilisation que la ville a connue. Les hommes de Daech brûlent livres, manuscrits et tableaux et détruisent, à coups de massue, des statuettes vieilles de plusieurs milliers années. Les jihadistes du sombre Etat Islamique ont envahi la Bibliothèque centrale de Mossoul et son musée. 2.000 livres et manuscrits y ont trouvé la mort. Des ouvrages datés, pour certains, de plus de 7.000 ans. Chez les terroristes, éradiquer les sciences du savoir est une fin en soit. Les livres sont, tout autant qu'ils sont, des ennemis à abattre. Le fondamentalisme est porteur de ce refus de l'histoire, de toute liberté intellectuelle et du développement des pensées. «Daech perçoit la culture, la civilisation et la science comme des ennemis féroces», a déclaré le député irakien Hakim Al Zamili. Si un ouvrage date d'avant l'Islam, il est bon pour la casse, car il évoque une période qu'on voudrait voir effacée. Que dire alors des livres qui parlent d'Islam ? Ceux-là sont de véritables bombes à retardement car pouvant donner, à de pauvres brebis galeuses, des interprétations autres que celles qu'on veut bien leur donner. Les terroristes brûlent les livres, tout comme ils assassinent les hommes. De manière insensible et barbare, mais aussi méthodique et calculée. En effet, les enragés de Daech prennent soin de garder l'essentiel sous le coude. Les quelques rares ouvrages légitimant leur guerre sont, évidemment, religieusement gardés. Mais par essentiel, on veut aussi dire ce qui peut être vendu ou troqué. Les seuls vestiges de la civilisation qui ont échappé à la colère de ces justiciers des temps modernes, ont été discrètement revendus. C'est que dans leur grande dévotion, ces fous de Dieu ne sont jamais contre des sous en plus et l'organisation ne crache jamais sur de l'argent pour renflouer ses sombres caisses. Cet acte ne serait qu'une énième opération marketing coup de poings pour faire encore parler d'elle et s'offrir une tribune à l'œil dans des milliers de médias qui la suivent de près. Multipliant les coups d'éclat, l'organisation n'est désormais suivie que par des illuminés, adeptes de discours violents et nourissant, encore, des rêves impossibles d'une nouvelle reconquête du monde. Dans sa grande frénésie, Daech détruit tout sur son passage consciente qu'elle n'a pas de temps à perdre et qu'elle finira par passer, imminemment, à la trappe aussi rapidement qu'elle a vu le jour. En attendant, elle entraine, dans sa chute, les traces irremplaçables d'une civilisation immortelle, devant le regard médusé de tout observateur voyant cette grande civilisation musulmane réduite à néant par ces mêmes personnes qui prétendent la défendre...