L'échec des négociations entre le syndicat de l'enseignement secondaire et le ministère de l'Education nationale a eu pour conséquence le maintien de la grève préalablement annoncée, au niveau de tous les établissements secondaires en Tunisie, interrompant ainsi le déroulement de la semaine des examens prévue du 2 au 7 mars. Des voix se sont élevées contre les enseignants-grévistes qui n'auraient pas pris en considération l'intérêt des élèves. De leur coté, les professeurs ont scandé haut et fort la légitimité de leur mouvement de protestation. Retour sur un bras de fer qui n'en finit pas de susciter la polémique. Entre le syndicat et le ministère, rien ne va plus. Depuis samedi dernier, les deux parties s'affrontent par communiqués et médias interposés. L'annonce du boycott des examens a eu principalement des échos négatifs au sein de l'opinion publique tunisienne. C'est qu'il s'agit d'une première. Une grève qui entrave le déroulement des examens à l'échelle nationale et dans tous les établissements de la République. La tension est donc montée et le ministère de l'Education a appelé l'ensemble des intervenants dans le processus éducatif à respecter les termes de la circulaire du contrôle continu en ce qui concerne les examens. En affirmant, toutefois, que l'autorité de tutelle se tient prête à négocier la plupart des revendications réglementaires et à interagir positivement avec les demandes des syndicats relatives à la prime des examens nationaux. Le syndicat de son coté, a insisté sur le maintien de sa position de boycotter la semaine bloquée des examens, tout en assurant les cours de manière normale. Pour le syndicat, le ministère de l'Education s'acharne à livrer une bataille perdue d'avance contre les enseignants, sic. Loin de faire dans le dénigrement gratuit de nos enseignants, qui se retrouvent depuis la décision de boycotter la semaine bloquée confrontés à une vague d'attaques des plus virulentes, il est nécessaire de relever le caractère plus ou moins contestable, de prendre en otage les élèves dans le bras de fer intenté au ministère. Il est vrai aussi qu'on ne peut pas nier que les enseignants du secondaire, entre-autres corps, sont sous-payés et qu'ils constatent la dégringolade de leur niveau de vie à vue d'œil, aggravée encore plus après la révolution. C'est un mal que toute la classe moyenne tunisienne est, indéniablement, en train de subir. Ajouter à cela le caractère pénible du métier d'enseignant, confronté tout au long de sa carrière à des situations éprouvantes, et physiquement et psychologiquement. Il est plus que nécessaire de préserver la dignité et l'image de l'éducateur en Tunisie, image fortement ébranlée par la recrudescence de la violence dans les milieux scolaires et la paupérisation qui touche ce corps éducatif. Mais il est une chose qui alimente la polémique et dans une certaine mesure une forme d'agressivité envers nos enseignants : la pratique des cours particuliers largement répandue dans nos contrées. D'aucuns parlent de racket pur et simple visant le portefeuille des parents. Il s'agit actuellement du leitmotiv de toute personne qui s'oppose à la grève et qui conteste que des enseignants cherchent à faire pression pour des avantages matériels, alors que la plupart d'entre eux profitent largement de ce créneau. Une polémique sur laquelle le statisticien Hassen Zargouni a rebondit, en lançant des estimations relatives à la grève des enseignants. Bien évidemment, rien de scientifique dans ces estimations, mais qui elles reflètent les proportions que cette affaire est en train de prendre. Partant de l'estimation que près de 20 mille professeurs donnent des cours particuliers, Zargouni calcule que chacun d'entre eux reçoit comme indemnités supplémentaires au noir une moyenne de deux mille dinars. Multiplié par dix (10 mois de scolarité par an), ce montant génère des recettes totales par an de l'ordre de 400 millions de dinars. Ainsi, le statisticien conclut que si ces professeurs payaient leur retenue à la source de 15%, comme la loi l'exige, l'Etat obtiendrait quelque 60 millions de dinars par an d'impôt de ces cours particuliers, sans parler des charges sociales exigibles également, mais jamais versées. D'après ces calculs, les enseignants pourraient à eux seuls assurer l'augmentation de salaire demandée par leur syndicat, dès lors que les donneurs de cours particuliers, parmi eux, s'acquittent de leur devoir fiscal. Ces propos reflètent l'expansion du phénomène des cours particuliers dans la société tunisienne. Une pratique que chacun dénonce tout en envoyant ses enfants à ces mêmes cours. Les enseignants pour se défendre affirment qu'ils sont pour la plupart du temps poussés par des parents démissionnaires à prodiguer les cours particuliers, appelant à ce propos à une réforme globale de tout le système éducatif qui est arrivé à ses limites. Et puis, une partie non négligeable des professeurs ne s'inscrivent pas dans cette optique de cours particuliers, il serait de ce fait inapproprié et injuste de condamner en bloc tout le corps éducatif. Cela étant dit, le boycott des examens du second trimestre a provoqué le courroux de nombre de parents et d'élèves. Une réaction compréhensible, du fait de son probable impact sur le parcours scolaire des enfants. La décision du syndicat a en effet engendré des troubles dans certains établissements, où plusieurs élèves ont décidé de sécher les cours pour contester la grève. Des parents en colère se sont aussi attaqués aux professeurs. Une situation qui approfondira encore plus la faille entre le corps éducatif et les élèves. Pour l'heure, le bras de fer n'est pas prêt à prendre fin. Le ministre de l'Education, ayant fait allusion que les enseignants grévistes ne seront pas payés, s'est vu remonter les bretelles par le secrétaire général de l'enseignement secondaire, affirmant que cette situation « ne fera qu'envenimer davantage les choses ». Le syndicat s'est dit par ailleurs toujours disposé à négocier, si le ministère formule des propositions sérieuses. Néji Jalloul a pour sa part appelé les syndicats à faire des revendications plus réalistes, tout en se disant ouvert à de nouvelles négociations. Les deux parties se retrouveront donc irrémédiablement encore une fois autour de la table du dialogue. Et le feuilleton continue… Les syndicats constituant une puissante motrice de la société tunisienne sont tenus de ne pas rater le coche, d'autant plus que l'enjeu est de taille : l'avenir de l'éducation en Tunisie. Entamer cette grève au moment des examens a eu un effet contraire et a nui dans une certaine mesure à la légitimité des revendications des enseignants. S'agissant du ministre de l'Education, il est en train de passer son premier grand examen…