A l'actualité cette semaine, la grosse polémique autour d'un article, et d'un seul, du projet de Loi de finances 2017. Une loi abominable qui va tuer la croissance, la création d'emploi, l'initiative et l'investissement, mais le débat ne s'était fixé qu'autour de l'article qui oblige avocats et médecins à une toute légère transparence. Ou, plutôt pour être précis, à faire preuve de moins d'opacité. La polémique s'est caractérisée par une véritable passe d'armes et d'accusations mutuelles entre les médias et les avocats. Les premiers prétendent relayer l'opinion publique et jouer leur rôle de 4ème pouvoir (et dans 4ème pouvoir, il y a pouvoir) en appelant à l'équité et l'égalité de tout le monde vis-à-vis de la loi. Les seconds crient à la diabolisation et jouent les victimes en prétendant être de nobles pauvres défenseurs de la veuve et de l'orphelin ciblés par la loi. La Loi de finances, telle que présentée, sera très vraisemblablement rejetée, mais cela ne voudra pas dire que les avocats auront gagné la bataille. Les avocats ont déjà perdu, que le législateur retienne ou pas l'article les obligeant à montrer patte blanche. Il y a une véritable prise de conscience par les médias et l'opinion publique de la nécessité d'une équité fiscale entre les salariés d'un côté et les professions libérales et commerces informels de l'autre. Il devient de plus en plus insupportable que l'on impose aux uns une retenue à la source et que l'on ferme les yeux pour les autres. Que l'administration fiscale contrôle et sanctionne ceux qui veulent être réglo et offre le compromis (voire l'impunité) à ceux qui ne veulent pas l'être. Trop c'est trop ! Nous prétendons avoir fait une révolution, nous prétendons être une démocratie, agissons en conséquence ! Et c'est aux avocats « co-récipiendaires du Prix Nobel » et premiers révolutionnaires, de donner l'exemple en mettant la main à la poche comme TOUT LE MONDE !
L'autre actualité de la semaine est la tenue, hier, des élections du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Parce que la justice est la clé de tout, parce que sans justice il ne saurait y avoir de quelconque stabilité, d'investissement, de croissance ou de quoi que ce soit, je considère que cette élection est l'événement le plus important de l'année. C'est même plus important que la présidentielle ou les législatives, car un pays pourrait fonctionner (un temps) sans président et sans parlement, voire même sans gouvernement, mais il ne saurait fonctionner (même un laps de temps) sans justice. D'après les résultats préliminaires publiés hier en milieu de soirée, le taux de participation à cet important événement est de 46,9%. Les électeurs figurent parmi les magistrats, les avocats, les experts comptables, les huissiers et les enseignants spécialisés en droit. C'est-à-dire la crème de la crème. C'est-à-dire l'élite de l'élite. C'est-à-dire ce qu'une société a de mieux. En bas de l'échelle des électeurs disciplinés respectueux de la démocratie, les avocats (tiens !), avec un taux de 37,1%.
En décembre 2012 et en août 2013, alors que le pays vivait les pires moments de son histoire et que la troïka refusait de quitter le pouvoir après avoir achevé son mandat d'un an ferme, Hamadi Jebali ancien chef du gouvernement et ex secrétaire général du parti islamiste Ennahdha déclare publiquement : « le problème de la Tunisie, c'est son élite ». On l'a, à l'époque, raillé, moqué, critiqué, dénigré. Moins de quatre ans après, les faits sont là, l'élite lui donne raison ! Avec un taux de 46,9% de participation aux élections du CSM, et avec tout ce que l'on a entendu comme arguments fallacieux et risibles de la part des avocats pour justifier l'injustifiable inégalité fiscale, l'élite du pays donne raison à Hamadi Jebali ! Chiffres à l'appui, et les chiffres sont têtus, l'élite fait moins bien que le peuple ! En 2011, pour les élections de la Constituante, le taux de participation était de 51,97%. A l'époque, on s'est dit que le peuple n'était pas vraiment conscient qu'il vivait une révolution ! En 2014, pour les législatives, le taux est monté à 68,36%, puis à 62,91% pour la présidentielle et ces taux étaient jugés plus ou moins décevants. On voulait tellement que l'ensemble du peuple tunisien prenne part et réussisse ce processus démocratique. En 2016, l'élite censée orienter le peuple et lui donner l'exemple, n'atteint même pas les 50% de taux de participation à une élection vitale pour tout le pays !
L'autre actualité de la semaine est la suspension de l'examen en commission du projet de loi relative à la réconciliation nationale. Une loi proposée par Béji Caïd Essebsi qui allait participer à la relance économique et mettre un terme à une injustice flagrante qui frappe des dizaines d'hommes d'affaires et de hauts fonctionnaires ayant exercé sous l'ancien régime. En dépit du bon sens de cette loi, en dépit de l'argumentation (que je trouve personnellement solide et convaincante) donnée par la présidence de la République, cette loi a été fortement rejetée par un pan de la gauche, par l'opposition et par tous les « salariés » des ONGs étrangères. « Le pardon se fera au tribunal », « Lui il vole, toi tu paies », criaient-ils à longueurs de manifestations, de pétitions et de mobilisations. On a beau démontrer par a+b que cette loi est bénéfique pour le pays, rien à faire ! « Le pardon se fera au tribunal », nous disaient-il. Que les « salariés » de Soros tiennent bon, cela pourrait se comprendre, ils ont leur propre logique et les objectifs de leurs financeurs à atteindre. Mais qu'en est-il du bon sens de l'opposition et de la gauche ? Par quelle logique fonctionnent-ils ? Ils ont accepté l'amnistie de terroristes et de personnes qui ont du sang sur les mains (décidée unilatéralement et arbitrairement en 2011), mais ils refusent catégoriquement de « passer l'éponge » sur des cas bien déterminés examinés en commissions multipartites et sur la base d'une loi votée en assemblée ?!
Maintenant que la loi est suspendue, voire abandonnée, que va-t-il se passer ? Légalement parlant, c'est à l'Instance Vérité et Dignité ! C'est-à-dire que cette gauche et cette opposition acceptent que « le pardon du tribunal » se fasse sous l'égide de Sihem Ben Sedrine, la dame aux barbes artificielles, celle-là même qui est décriée et accusée par ses propres pairs de l'IVD ? Celle-là même qui est désavouée par le Tribunal administratif. Ce qui va se passer maintenant est que l'IVD va entamer ses « procès » publics, avec tout ce qu'il y aura comme étalages de scandales réels et imaginaires, de vérités avérées et de contrevérités éhontées, au même moment de la tenue d'un important congrès international censé séduire des investisseurs à venir mettre leur argent dans le pays. On imagine le spectacle ! J'écrivais il y a un an « La course est ouverte pour racketter les hommes d'affaires » à propos de cette loi et du gros danger de laisser l'IVD décider seule, en notre nom, qui pardonner et qui condamner. Cela n'a jamais été plus vrai qu'aujourd'hui et cela se fera au vu et au su de tous ! Avec notre complicité à tous ! Et c'est l'élite de la gauche et de l'opposition qui en aura décidé ainsi !