Outre l'Union générale des travailleurs de Tunisie (Ugtt), qui concocte une grève générale dans le secteur public et la fonction publique, le 17 janvier 2019, les appels aux manifestations et à la désobéissance civile deviennent de plus en plus persistants. Il n'est pas surprenant que certaines formations politiques ayant lancé des appels à leurs adhérents pour investir les rues, tiennent à exploiter, au passage, les difficultés actuelles que traverse le pays dans l'espoir d'en récolter des dividendes au cours de cette année électorale annonciatrice de plusieurs défis.
A l'avant-garde dans ce genre de démarche, le Front populaire a invité, comme de bien entendu, ses partisans et l'ensemble de la population, toutes catégories et sensibilités politiques confondues, à la mobilisation générale. Dans un communiqué rendu public, au courant de la semaine passée, on peut notamment lire : « La politique du gouvernement tend à ne plus partager la richesse dans ce pays. Elle accroît les inégalités au profit d'une minorité et favorise les lobbies de la corruption », mettant en garde, par ailleurs, « contre les risques de la Loi de finances 2019, adoptée lundi 10 décembre 2018 ». A la suite du Front populaire, ce sont d'autres partis politiques, du moins parmi les plus connus, qui se sont ébroués, parallèlement à l'appel à la désobéissance de quelques professions libérales, vis-à-vis de certaines dispositions de la Loi de finances 2019, (l'ordre des experts comptables, l'ordre national des avocats tunisiens…).
Cependant, voilà qu'un mouvement, qui visiblement, sort de nulle part, appelle, lui à investir les rues, à organiser des marches « pacifiques », et se préparer pour un grand sit-in « Kasbah 3 ». Inspiré du mouvement des Gilets jaunes, en France, lancé suite à un appel, sur les réseaux sociaux, le 17 novembre dernier, un appel similaire, a été lancé en Tunisie par un mouvement, qui se dit « Apolitique », composé de jeunes tunisiens en colère. Baptisé « Gilets rouges », les initiateurs du mouvement, prétendent protester « pacifiquement », contre «la corruption, la vie chère, le chômage, la mauvaise gestion….». Ils entendent «sauver la Tunisie» et entamer leur action à partir de lundi 17 décembre 2018, par des sit-in programmés dans de nombreuses régions de la Tunisie. Une date qui évidemment n'est pas du tout choisie au hasard, puisque elle coïncidera avec le 8ème anniversaire du déclenchement de la « révolution » tunisienne, avec l'immolation de Mohamed Bouazizi. Une manière, peut-être, de toucher les cordes sensibles des tunisiens, et les inciter aux rassemblements. Une manière peut être aussi de remettre au goût du jour un slogan, cher aux CPristes : le peuple veut une nouvelle révolution. « Sauvez la Tunisie » dites-vous ? Mais de qui ? De quoi ? Quand on examine de près les revendications des « gilets rouges » tunisiens, elles sont aussi ridicules que les appels et actions qu'ils entendent organisés, et qui risquent de remettre le pays dans une zone de fortes turbulences. L'émergence de ce mouvement est autant surprenante que douteuse, qui, sans coup férir, s'est autoproclamé la « voix des marginalisés et des classes paupérisées » !
Certes, il revendique le développement, un travail décent, des systèmes éducatif et de santé performants, de meilleures conditions de vie pour les Tunisiens, à l'instar de tout parti politique ou de toute organisation de la société civile qui se respecte. Le hic, c'est que ce mouvement sorti de nulle part revendique aussi le retour au régime présidentiel ! Nihiliste, il se dit être contre l'ensemble des partis politiques, qu'ils soient au pouvoir que dans l'opposition. Voila, grosso modo, son crédo politique.
S'il est vrai qu'un malaise social existe, il n'en demeure pas moins que certaines parties cherchent à en tirer profit, à alimenter les tensions et surtout à instrumentaliser l'opinion publique. Celui des « Gilets rouges » n'échappe pas à cette règle. D'ailleurs, les actions des "gilets rouges" exaspèrent avant même qu'elles ne soient engagées. Cependant, les Tunisiens ne sont pas dupes loin s'en faut. Ils savent que ce genre de manifestations ne résoudra pas leur ordinaire. En revanche, il ne peut que mettre à mal l'économie du pays et balayant le maigre acquis de croissance qu'elle a réussi à gagner.
Les initiateurs n'arrêtent pas de prétendre qu'ils ne sont soutenus par personne, et encore moins par des partis politiques. Ils n'arrêtent pas de dénoncer des campagnes de dénigrement à leur égard. N'y a-t-il pas de quoi mettre en doute leur spontanéité lorsqu'on constate que les unités sécuritaires à Sfax ont réussi, le 13 décembre dernier, à saisir plus de 50 mille gilets jaunes et rouges dans un entrepôt du centre-ville. Des gilets qui seraient destinés à être distribués aux protestataires, du mouvement « Gilets rouges ». Et même si, le propriétaire de la société ayant acquis cette énorme quantité de gilets a été remis en liberté, indiquant, lors des interrogatoires qu'il a importé ces gilets afin de les vendre aux entreprises opérant dans le secteur de la métallurgie, le doute persiste toujours. Un doute légitime, quand on sait qu'un membre du collectif de la campagne « Gilets rouges », Nejib Dziri en l'occurrence, est proche de certaines personnalités politiques dont le seul objectif actuel, est de « virer » Youssef Chahed, chef du gouvernement. La photo circulant sur les réseaux sociaux, le montrant attablé aux côtés du dirigeant de Nidaa Tounes, Ridha Belhaj ne peut en aucun plaider, le caractère apolitique du mouvement. Bien au contraire, il ne fait que le compromettre et pousse plutôt à croire qu'il s'agit d'une « tentative de récupération, de ceux qui veulent la peau de Youssef Chahed et veulent par tous les moyens déstabiliser l'action gouvernementale ».
Par ailleurs, Néjib Dziri est connu pour être un « activiste politique », proche du très controversé homme d'affaires, actuellement en prison, pour « atteinte à la sûreté de l'Etat », « trahison » et « intelligence avec une puissance étrangère en temps de paix ».
En tout état de cause, les troubles attisés par des forces occultes, risquent de mettre le pays dans des situations aux conséquences désastreuses. Sachant que la Tunisie ne pourrait pas, dans le contexte actuel, et à un an des élections législatives et présidentielle, supporter un quelconque soubresaut. Elle ne servirait qu'à déstabiliser le pays, et seul le Tunisien en subirait les coûts. Les gilets rouges tunisiens n'incarnent en rien, l'esprit ni la réalité des « gilets jaunes », en France. Le mouvement tunisien cherche à alimenter un chaos déjà établi par certains en mal de calculs purement politiciens, oubliant au passage, le slogan tant scandé « La Patrie, avant les partis ».