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Ahmed Nejib Chebbi marathonien ou sprinter ?
Publié dans Business News le 07 - 07 - 2019

Je dédie cet article à mon fils Hachem Hmidi, incarcéré injustement depuis le 10 octobre dernier. Hasard du calendrier, cette date correspond, jour pour jour, au 44ème anniversaire de mon incarcération, dans les années 1970.
A l'approche de la présidentielle fin 2019, tout le monde s'attend à revoir beaucoup plus fréquemment Ahmed Nejib Chebbi (ANC) qui ne cesse, depuis le départ de Ben Ali, le 14 Janvier 2011, de se voir le plus apte à gouverner le pays.
La candidature à la présidentielle est, pour ANC l'aboutissement d'un cheminement qui a démarré au milieu des années 1960.
En fait, le parcours politique d'ANC se divise en deux grandes périodes. La première caractérisée par une adhésion de plus en plus prononcée au radicalisme et qui prend fin en 1980. La seconde, plus libérale, commence à cette date et se prolonge jusqu'à aujourd'hui.

Qu'y a-t-il de plus normal pour un jeune de 20 ans d'adhérer au panarabisme puis passer au Baath plus doctrinaire mais en pleine scission, pour finir, à trente ans, dans l'extrême-gauche maoïste, rejoignant ainsi l'organisation marxiste-léniniste « Perspectives » dont il a côtoyé les cadres en prison. De ce point de vue, ANC était un pur produit des années 1960-1970, au cours desquelles cette jeunesse généreuse et attachée aux idéaux humains passait d'un radicalisme à un autre plus accentué pour mieux servir la cause. C'était un peu la mode. Les choses se présentent, néanmoins, différemment pour ce jeune militant seul et à l'ambition démesurée qui est ANC.
L'ambiance familiale et les aléas de la conjoncture politique donnaient à cette évolution son caractère naturel. Prenant pied dans une famille imbibée de panarabisme, ANC a fini par choisir son propre chemin. C'était l'époque où on reprochait à Nasser, le leader du panarabisme, le manque de clarté idéologique et où un contingent du nationalisme arabe décidait d'adhérer en bloc au marxisme (FPLP/ FDLP/ Parti Socialiste du Yémen du Sud/ Mouvement de la Libération du Golfe Arabique) et où l'aile syrienne du Baath (l'équipe Salah Jadid) avait choisi de se marxiser.
De ce fait, le parcours d'ANC peut paraître logique ; mais à y regarder de près, on se rend compte que les choses sont plus compliquées. Si la cohérence des idées et l'efficacité de la démarche sont ce qui compte le plus chez un homme politique, le talent oratoire a servi ANC pour bricoler dans l'improvisation une cohérence aux idées dont il se réclame, mais l'efficacité qui dépendait de beaucoup de facteurs exogènes n'était pas toujours au rendez-vous.

Mis en résidence surveillée après sa libération, ANC finit par quitter le pays, pour rejoindre la direction de « Perspectives » en 1972. Les évènements s'accélèrent, à partir de cette date. Le pays vient de rater sa première ouverture, suite à l'éviction du PSD de l'aile libérale présidée par Ahmed Mestiri, la gauche tunisienne cherche à s'unir autour d'un crédo et à se doter d'une identité (réfléchir sur la nature de la société, adopter le nationalisme arabe ou s'en tenir au cadre (isolationniste ?) de la nation tunisienne). La lucidité (toute relative) et la rhétorique (bien fournie) de ce jeune militant endurci vont faire des ravages et le propulser au premier plan de l'organisation marxiste. Ses détracteurs parleront d'un hold-up bien agencé avec la puissante fédération de Lyon, mais les faits attestent qu'il a su amener l'organisation à réfléchir sur beaucoup de questions qui étaient jusque là éludées.
En fait, il dote les militants d'une approche plus harmonieuse et logique. « Perspectives » adopte, sous sa houlette, la langue arabe et le panarabisme et adhère à l'idée que la révolution tunisienne est de nature démocratique nationale. Ce concept, faut-il le rappeler, n'est pas l'œuvre d'ANC, mais il a joué un rôle de premier plan dans son élaboration. Ce nouveau schéma est plus pratique à manipuler et facile à retenir sous sa forme rudimentaire, pour convaincre, à la hâte, les milliers de militants (dont la plupart sont en manque de formation et de surcroit d'origine rurale) qui se ruaient sur une idéologie de lettrés(le marxisme). Mais cette démarche n'était pas du goût des vétérans du groupe. Tout le monde n'était pas consulté lors de l'adoption de ce virage qui est à leurs yeux un énorme pas franchi aux lourdes conséquences idéologiques qui ne fait qu'éloigner l'organisation de son crédo d'origine.
Ce qui est grave cependant, ce n'est pas tant le manque de consensus autour de ces choix, ni la célérité avec laquelle ils ont été adoptés, mais le glissement pur et simple vers l'idéologie panarabe.

Deux éléments fondamentaux corroborent cette thèse. « Perspectives » ne voit plus, à partir de ce tournant, l'évolution de la société tunisienne, de la gauche et même de la pratique politique du pouvoir, qu'une série de pas qui font reculer le pays. Tel est le premier élément. En un mot tout ce qui se réalise sous l'égide du pouvoir est négatif. Il faut voir tout en noir. Et si on évoque, dans ce tableau complexe, la moindre réalisation ou un développement positif, cela équivaudrait, aux yeux d'ANC, à affermir le pouvoir en place et l'accréditer d'un satisfécit qui ne ferait que retarder la révolution ou en atténuer l'ardeur. On est réduit à copier sur les élites panarabes qui voient l'évolution des évènements du monde arabe comme une série de pas en arrière alourdissant les défis et rendant la conjoncture encore plus inextricable (la nakba de 1948, l'agression tripartite contre l'Egypte de Nasser en 1956, l'échec de l'union égypto-syrienne en 1961, la défaite de 1967, le revirement de Sadate et la guerre d'octobre 1973, les accords de Camp David, l'offensive libérale en Egypte, l'Invasion de Beyrouth en 1982, les accords d'Oslo etc…).
Les analyses de « Perspectives » qui étaient nuancées et le plus souvent à contre-courant de ce qui prévalait aux échelons nationaux et arabes sont devenues un écho de ce qui se disait et s'écrivait à Beyrouth, au Caire, à Damas, à Bagdad ou même à Aden. Le second élément, en lien direct avec le premier, se rapporte à une lecture assez originale de l'histoire récente de la Tunisie. Pour confirmer l'ancrage radical de l'organisation, et à défaut de données probantes qui illustrent ses orientations, on privilégie le plus souvent les témoignages de destouriens dissidents. Dans le différend entre Bourguiba et Ben Youssef, on s'est aligné sur les thèses youssefistes ( l'indépendance consacre l'échec de la lutte nationale et met à nu des rapports néocoloniaux). Pour l'expérience collectiviste d'Ahmed Ben Salah on s'est pratiquement aligné sur les critiques de Hédi Nouira et plus tardivement celles d'Ahmed Mestiri. Pour la période de Hédi Nouira durant la décennie des années 1970, on s'est appuyé sur les critiques d'Ahmed Mestiri et du clan libéral évincé en 1971 du PSD et celles du PUP de Ben Salah. L'ancrage radical de « Perspectives » est ainsi confirmé, mais l'organisation marxiste a perdu la spécificité qui faisait sa force et son originalité et donnait un sens aux sacrifices de ses militants depuis 1963.

Pour s'opposer à cette approche véhiculée par les radicaux dont le chef de file n'est autre que ANC, les vétérans de « Perspectives » ont cherché à restaurer une devise qui a été à l'honneur pendant le lancement de l'organisation, à savoir que l'apport principal de « Perspectives » ne réside pas dans son radicalisme mais dans son approche originale de la lutte pour le progrès. Avec l'élargissement du champ des luttes contre l'oppression, le radicalisme - devenu bon marché - ne peut pas être à lui seul le levier qui impose le leadership de « Perspectives ». Les débats engagés depuis une décennie constituent un canevas qui rend possible la formulation d'une plate-forme idéologique et d'une ligne politique propre à « Perspectives » pour baliser le chemin des luttes pour le progrès.
Ce temps d'arrêt incontournable et cette réflexion indispensable n'étaient pas du goût d'ANC qui y voyait un subterfuge pour se dérober aux impératifs de la lutte contre l'oppression.
Depuis, les chemins se sont éloignés. Le cycle du radicalisme prôné par ANC se referme, mais ses thèses sophistiquées et bien outillées ont servi, à partir de 1980 Hamma Hammami à sa sortie de prison, constituant, à partir de 1986, l'essentiel de la plate-forme idéologique et politique de son parti (le PCOT). Quant à ANC, le marxiste-léniniste radical, il a commencé, à partir de 1980, à renier le Léninisme pour s'éloigner ensuite totalement du crédo marxiste, revenant à petits pas vers sa matrice d'origine, le panarabisme déjà crépusculaire, chahuté et profondément désorienté par une déferlante islamiste.

Les trois décennies suivantes démontreront que ANC n'a tourné le dos au radicalisme que pour se rapprocher de l'islamisme. Trois dates peuvent être retenues. L'opposition farouche au projet de réforme de l'enseignement prôné par feu Mohammed Charfi (à commencer par l'appui à peine voilé au fameux tract du 2 octobre 1989 et le mot d'ordre « l'évacuation culturelle » scandé à longueur de journée jusqu'au départ du ministre progressiste), l'emballement dans la logique du courant islamo- panarabe initié à Kartoum en 1991 et l'animation du front du 18 octobre 2005.
Prouvant que son adhésion au radicalisme n'étant qu'un tremplin pour affirmer son leadership auprès de la jeunesse marxisante et de gauche des années 1970, ANC s'est vite tourné vers l'islamisme, la force montante des décennies suivantes en cherchant, en fin tacticien, à garder une ligne de démarcation qui pourrait justifier une éventuelle rupture lorsque la chose deviendrait nécessaire.


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