Pour Hatem M'rad, professeur de science politique, le Dialogue national est une parfaite réplique de l'ANC dont il introduit les vices, les excès et les tiraillements. C'est-à-dire, précise-t-il, l'inefficacité. Il estime que ce dialogue s'est transformé en une foire d'empoigne où s'agitent, tels des moulins à vent, quelque 21 partis de forces inégales, dont la participation ne fait qu'envenimer le débat et susciter la méfiance. Le professeur se demande s'il n'était pas plus judicieux d'éviter la méthode de représentativité entière et de la limiter à une représentativité intelligente et pratique, plutôt politique que numérique. Ainsi, dit-il, aurait-il mieux valu de « …réduire la participation au Dialogue aux deux forces politiques et aux deux chefs d'alliance : Ghannouchi pour la troïka, Caïd Essebsi pour le Front de Salut, avec l'arbitrage de Abassi. » M. M'rad évoque ensuite le personnage de Ghannouchi et sa qualité de stratège, outre le machiavélisme et l'imprévisibilité qui ont toujours caractérisé sa politique, indiquant que le leader nahdhaoui a toujours eu une stratégie vis-à-vis de l'opposition qu'il a toujours su les diviser et appâter les plus ambitieux d'entre eux. Contrairement à l'opposition, souligne-t-il, qui ne semble jamais avoir préparé des plans destinés à gérer l'imprévisibilité de Ghannouchi. Les fondamentaux constants d'Ennahdha interfèrent invariablement sur ses positions, dit le professeur M'rad, que ce soit à l'ANC ou pour le choix d'un chef de gouvernement. Le professeur énumère ces fondamentaux : les partenaires au pouvoir sont aux yeux d'Ennahdha utiles et inutiles, l'ISIE doit être contrôlée ainsi que la Haica alors que l'OPPP sont des textes capitaux ; les LPR sont des outils de protection, les salafistes, Ansar al-charia et les mosquées des armes de chantage et de négociation. Bref, pour le parti islamiste, c'est le leader qui dirige et nullement le Chef du gouvernement, c'est l'ANC qui incarne la légalité, mais c'est conseil de la choura qui détient les clés du jeu politique. Etablissant un parallèle, M. M'rad estime que Ennahdha est seule à définir sa stratégie, alors qu'à l'opposition on est plusieurs. Le retard du dialogue fait le bonheur d'Ennahdha qui s'en délecte, fait-il observer. Ce retard est une stratégie nahdhaouie qui devrait lui permettre d'atteindre les autres. Le professeur pense que les meilleures chances pour le dialogue d'aboutir résident dans la discrétion, en petit nombre et avec des responsables et des dirigeants politiques représentant un certain poids politique. En conclusion, le professeur préconise que les deux grandes alliances politiques déléguent Ghannouchi et Essebsi pour des négociations directes, car ces deux alliances synthétisent actuellement le multipartisme tunisien. M. BELLAKHAL