L'Etoile du Sahel est bel et bien une clé de voûte, une institution unique qui permet de maintenir la cohésion des multiples éléments qui l'entourent et bien au-delà ! Dans le contexte de violence exceptionnel que connaît actuellement la Tunisie, les habitants de la ville de Sousse, et précisément le fabuleux public étoilé, viennent d'administrer une belle leçon de bravoure et de courage. C'est que face à la terreur, d'autres auraient cédé à la panique et à la politique de l'autruche. La peur, cette arme psychologique favorite des terroristes, qui, par leurs actes sanglants au sein d'une population, ont pour but d'infléchir le public, n'a pas fonctionné cette fois-ci. Malgré le choc, le traumatisme pour l'entourage proche des victimes, les Sahéliens et les compatriotes de tout bord ont continué à vivre leur vie de la façon la plus normale possible, tout en restant vigilant, compatissant, branché en mode citoyen-militant, solidaires face à la barbarie et la lâcheté d'un ennemi certes déterminé mais sûrement aux abois. Pourquoi cette longue tirade ? Eh bien tout simplement pour exprimer notre admiration envers les fervents supporters de l'Etoile, présents en masse vendredi dernier au Stade olympique de Sousse où le club phare du Sahel disputait un match comptant pour la coupe de la confédération. Des supporters nombreux, surchauffés mais disciplinés tel un corps constitué. Certes, la tristesse se lisait sur les visages des inconditionnels étoilés. Mais si le cœur n'y était pas, la forte conscience civique des supporters a fait le reste. Les «Brigades Rouges» entonnaient des chants patriotiques à la gloire de notre chère patrie et c'est pour cela que cette messe du football continentale s'est distinguée de toute autre, dans la mesure où même si comme ailleurs, l'engouement des supporters est spontané et passionné, il a aussi quelque peu atténué le caractère funeste, lugubre et macabre des derniers événements. La Perle du Sahel La Perle du Sahel a bel et bien mérité son nom. En se dressant comme un seul homme contre la barbarie, le fanatisme et l'obscurantisme, les Sahéliens ont lancé un message fort aux ennemis de l'humanité. Cela n'est pas donné à tout le monde d'en parler avec force conviction, de se rassembler, de rationaliser et de ne pas changer ses habitudes. C'est la leçon administrée par le «cops» étoilé. En garnissant généreusement les travées du stade, ils ont agi comme une soupape de décompression. Car cela permet d'évacuer le stress, et, bien souvent, de penser de manière plus raisonnée et ne pas être aveuglé par la haine et la vengeance. En se déplaçant à «l'Olimpico», et en supportant leurs préférés, ils ont mis des mots sur leurs émotions. Car l'erreur aurait été de s'enfermer seul avec sa peine. Voire encore de tomber dans le paradigme des conversations exaltées, ce ressenti qui peut tourner à l'obsession, à la mélancolie, à la dépression...Ce qui ne fait qu'entretenir ou augmenter l'angoisse tout en encourageant une sorte de fracture sociale (clivage). Resserrer les rangs, se rassembler à l'image de la manifestation citée ci-haut le jour même de l'attaque sanglante perpétrée à Sousse, est un bon moyen de garder une position active dans le drame qui se joue. Dire haut et fort : je suis debout, je suis actif, je reprends les choses en main. En somme, oser s'indigner pour ne pas être esclave de la peur. Car dans le cas d'attentats terroristes, l'émotion et l'empathie sont si fortes dans les heures et les jours qui suivent l'événement qu'elles empêchent souvent la pensée objective. Il est important de rationaliser les choses. Il faut bien garder à l'esprit qu'un attentat est un événement exceptionnel. Mais il ne faut pas se laisser «broyer» et ronger par la fatalité. Un tantinet existentialiste car «dans la vie on ne regrette que ce qu'on n'a pas fait» (Jean Cocteau). Dans ces moments-là, il est important de se rappeler les valeurs fondamentales auxquelles on croit, tel un appel intime à la raison. Quoi de mieux que le sport et le football en particulier pour se rappeler certains préceptes. Car le football est un modèle et un vecteur d'intégration. C'est une école de la vie et du vivre-ensemble. Cette thèse prend ici toute son ampleur. Généralement, après un attentat, un repli de la population est généralement observé avec des citoyens qui évitent les lieux publics, sorte de réaction de précaution naturelle. Or, cette attitude est contre-productive d'autant que ce type d'événement (le terrorisme) ne possède aucun schéma repérable. La psychose causée par la tuerie de Boujâafar a de quoi susciter l'émotion, la peur, l'anxiété l'indignation et la colère chez beaucoup. Il faut pourtant prendre du recul face à cette tuerie dans un contexte de violence exceptionnel. Car si le livre sacré nous procure plutôt un sentiment de paix et de sérénité, il est offensant de tuer et agresser au nom de la religion. Dans un monde post-apocalyptique où le radicalisme prend de l'ampleur via des dérives qui ont atteint des degrés inquiétants, la réaction du large public étoilé est à saluer. Chapeau bas aux «Brigades Rouges». Aujourd'hui, je suis plus que sympathisant de ce club militant, rempart contre l'intolérance, l'obscurantisme et le fanatisme. L'Etoile du Sahel est bel et bien une clé de voûte, une institution unique qui permet de maintenir la cohésion des multiples éléments qui l'entourent et bien au-delà.