Le week-end dernier, le thermomètre a connu des pics de chaleur tels que de nombreux tunisiens ont envahi les plages dont certaines ont enregistré un record d'affluence, à l'instar de Ghar El Melh ou de Raf Raf. Ces plages populaires très prisées sont la proie de quelques voraces qui imposent leur diktat en obligeant les estivants à payer au prix fort leur journée de détente. Après un mois de Ramadan éprouvant, les Tunisiens ont profité du week-end de l'Aïd El Fitr pour se rendre, souvent en famille, à la plage pour se reposer, profiter de la mer et s'oxygéner. Certains, voulant s'éloigner de l'encombrement des plages de banlieues, ont opté pour des destinations lointaines à environ 60 km de Tunis pour s'offrir une détente totale. Pour aller vers ces régions, pas de moyens de transport en commun, surtout en ces jours de fête, il faut disposer d'une voiture personnelle. Bousculade sur la route Première déception : la densité de la circulation. «On dirait que tous les tunisiens ont opté pour la même destination», s'étonne Chemseddine au volant de sa voiture, accompagné de sa femme et de ses deux enfants. On roule au pas. Dans les grands carrefours, la Garde nationale règle la circulation et dissuade les chauffeurs inconscients qui mettent en péril leur vie et celle des autres. Il faut compter deux heures au lieu d'une pour arriver sur les lieux. Deuxième déception : le stationnement. Où que vous allez, même dans les rues les plus discrètes, vous croisez sur votre chemin un gaillard muni d'un bâton pour vous réclamer le prix du stationnement qui s'élève à deux dinars. Un terrain vague aménagé en parking pratique le même tarif. «J'ai déjà les nerfs en boule», se lamente Hédia, mère de trois enfants. Troisième déception : pas de place pour planter son parasol. Toute la plage de Raf Raf se transforme durant les deux mois de juillet et août en plage aménagée. Les habitants de la localité mettent en veilleuse leur boulot de l'hiver (maçonnerie, agriculture, etc.) et se transforment en gérants de parasols. En début de matinée, le tarif de location d'un parasol et de quatre chaises est de 8 à 10 dinars. En fin d'après-midi, le prix peut descendre jusqu'à 5 dinars. Très souvent, les parasols, placés en première ligne et donnant accès directement sur la mer, sont pris dès les premières lueurs du jour sans compter la promiscuité. Les parasols sont collés les uns aux autres, ce qui cause des désagréments pour ceux qui cherchent à préserver une certaine intimité. Hédia est encore une fois déçue car elle aurait préféré une place en bordure de mer pour pouvoir surveiller ses gamins en bas âge. 100 dinars, la journée de plage Quatrième déception : des prix élevés. Une bouteille d'eau d'un litre et demi coûte 2,500 dinars sans compter les sandwiches, les pizzas et les crèmes glacées dont raffolent les enfants. «Si cela ne tenait qu'à moi, je préférerais rester dans la fraîcheur de ma maison climatisée. Je le fais pour mes enfants qui adorent barboter dans la mer. Une sortie pareille nous revient à presque 100 dinars. Il faut compter l'essence pour la voiture, le parking, le parasol, la bouffe et autres petits plaisirs», explique Hédia. «L'été dure deux mois, les habitants originaires de la région veulent tirer profit au maximum. Certains louent leur maison à des prix exorbitants, surtout si elle est proche de la plage. Le restaurateur, qui est en même temps poissonnier, fait grimper les prix. Les crevettes sont à 40 dinars, les rougets à 36 dinars, la langouste à 90 dinars, les moins chers comme le pageot ou la daurade sont à 12 dinars», confie un estivant qui connaît bien la région. De nombreuses familles apportent leurs repas et leurs boissons, d'autres moins bien loties se contenteront de sandwiches. Malgré tous ces inconvénients, l'essentiel est de faire trempette dans cette plage face au célèbre rocher et de se recouvrir entièrement d'une argile pleine de bienfaits pour la peau. «Mais même cette argile, autrefois gratuite, est vendue !», s'indigne Adel venu passer la journée avec sa famille. Une satisfaction quand même, la plage est propre. Comme à l'arrivée, le retour est pour le moins angoissant. Il faut se munir de patience et de beaucoup de sang-froid pour prendre la route encore plus engorgée et bordée de vendeurs de légumes, de fruits ou de maïs grillé.