Depuis quelques jours déjà, nos plages accueillent de plus en plus de monde. Les baigneurs n'étant pas tous des gens aisés, ils ne se munissent pas toujours en se dirigeant vers la mer des accessoires adéquats destinés à ce genre de loisirs. C'est sur les plages dites populaires qu'on découvre l'esprit débrouillard des Tunisiens aux moyens plutôt modestes. Ce n'est pas le défaut d'un parasol ni celui d'une serviette de plage qui les feront renoncer à la séance de bronzage sur le sable doré. Ne pas avoir de maillot de bain n'a jamais été, aux yeux de cette population, une excuse pour refuser d'aller nager dans les eaux bleues de la Méditerranée. Tu n'as pas de quoi acheter une glacière où conserver les aliments à consommer sur la plage, n'en fais pas un drame, tu trouveras la parade en deux minutes. Tes enfants veulent jouer dans l'eau et sur le sable, pas besoin d'aller dans un magasin pour leur procurer ce qu'ils veulent ; ce ne sont pas les solutions de rechange qui manquent. Il s'agit justement dans cet article de dresser un petit inventaire des accessoires de plages inventés par nos compatriotes pour pallier leur incapacité à acheter les originaux.
La tente passe-partout Quand par exemple, une famille d'estivants ne peut pas se procurer les tentes à 400 et 500 dinars, elle se débrouille pour en confectionner une avec des morceaux de vieux draps, avec les restes d'un " sefsari " (voile blanc) noués à une vieille " mélia " de grand-mère, avec même des guenilles ramassées dans les alentours ou sur place. Pour dresser cet abri de fortune, nul besoin de piliers métalliques ni d'échafaudages compliqués : quelques branches d'arbres et trois ou quatre planches abandonnées suffisent pour que la tente tienne et résiste même à un tsunami ! Qu'importe si elle n'est pas aussi spacieuse qu'on le souhaitait, on s'y réfugiera à tour de rôle et la priorité sera invariablement accordée aux bébés et aux personnes âgées. Elle servira également de paravent pour les filles et les garçons au moment de se changer, et d'écran derrière lequel petits et grands peuvent faire leurs petits et grands besoins. Le toit de la tente fait fonction de penderie et de séchoir selon le moment de la journée où il est utilisé. A l'arrivée sur la plage, tout le monde y accroche ses vêtements, avant de rentrer il assume l'autre emploi.
Comme à Honolulu Si tu n'as pas de maillot ou que tu l'as oublié à la maison tu peux toujours retrousser ton pantalon jusqu'aux genoux et te jeter à l'eau. Tu ne te sentiras pas mal à l'aise dans cet accoutrement, puisque tu auras à ta gauche une sexagénaire en caftan, à ta droite sa fille en chemise de nuit et juste devant un quadragénaire portant sa serviette de bain maure autour du bassin. Pour surfer sans planche appropriée, trouve-toi une pièce de contre- plaqué ou un gros morceau de liège sur lesquels tu poseras le torse et que tu feras avancer en les poussant avec les mains. Ton enfant veut une bouée, offre-lui un pneu de voiture inutilisable, ça fait toujours l'affaire et permet à plusieurs membres de la famille de flotter tout autour. Sur la plage, sers-toi des bouchons comme balles de ping-pong, et des bouteilles comme ballons de foot quand il n'y a pas assez de peaux de pastèque ou de melon. Quelques pierres ou un tas de vêtements tiendront lieu de cage de gardien, et quand il s'agit d'une partie de beach-volley, le filet sera remplacé par n'importe quelle corde ou n'importe quel fil. Les enfants construiront leurs châteaux de sable avec des ustensiles de cuisine ou en utilisant tout ce qui leur tombe sous la main parmi les objets hétéroclites jetés sur les lieux.
La cuisine et la salle à manger sur la Méditerranée Pour mettre de l'ambiance, on allumera un poste-radio, une radiocassette et on mettra le son à fond pour faire partager le plaisir à ceux qui aiment ou n'aiment pas la musique programmée. On aura pris soin pour mieux savourer ces instants uniques d'étaler un tapis en jonc à même le sable et de s'étendre dessus comme dans sa chambre à coucher. A propos de chambres justement, certains estivants rapportent de chez eux les chaises de la salle à manger, les matelas de la chambre d'enfants et même les fauteuils du salon. Sans doute pour se sentir toujours chez eux et ils font à manger à l'entrée de la tente, lavent leur vaisselle à l'eau de la Méditerranée, rafraîchissent leur pastèque dans la mer ou au fond du sable, préparent et sirotent leur thé à la menthe ou leur café noir sur la plage, fument le narguilé, jouent des parties de cartes et picolent autour d'un feu de bois. Quand il faut rentrer, on plie bagage comme pour un déménagement. C'est d'ailleurs pourquoi le nombre des 404 bâchées et des estafettes garées sur les routes longeant les plages a considérablement augmenté. Les dimanches et jours fériés, vous en croisez par dizaines comme dans une station de transport rural. Vivent nos plages de 2ème et de 3ème classes, ces autres espaces où se confirment l'ingéniosité et l'inventivité du Tunisien.