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« Il faut abattre les cloisons et les dissociations entre l'éducation et la culture »
Interview: Latifa Lakdhar, ministre de la Culture et de la sauvegarde du Patrimoine à la presse :
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 08 - 2015

Si on commence par faire le bilan des festivals de 2015 ?
C'est n'est pas du tout facile. Mais on peut dire que rien que pour l'été un très grand nombre de festivals, soit près 300 festivals, sont organisés dans notre pays. C'est une prolifération de festivals qui se passe dans la fragmentation et la négativité par rapport aux régions rien qu'au niveau du partage des subventions. Cela dit, malgré un contexte difficile marqué par l'incertitude et l'insécurité, les festivals en général, en tant que manifestations publiques, ont pu drainer en foules un grand nombre de festivaliers. Et c'est le message fort de cette saison. C'est celui de la résistance de l'art, des artistes et du public tunisien à la phobie et à la peur. C'est également celle des artistes étrangers qui ont prouvé au monde qu'en Tunisie on peut sortir et profiter de la culture et qu'on peut continuer à vivre dans la joie et dans le bonheur malgré les menaces qui planent sur le pays et en dépit des désistements de quelques vedettes, motivées par la peur.
A part les deux grands festivals, celui de Carthage et de Hammamet, on a l'impression que les festivals régionaux évoluent un peu dans le chaos. Est-ce qu'il existe une stratégie pour mieux organiser ces festivals ?
J'estime qu'il faut d'abord mettre fin à cette fragmentation. Prenons l'exemple de la banlieue sud de Tunis, on trouve une dizaine de festivals dans un même périmètre communal (Ndlr : Boukornine, Ezzahra...). A la limite on peut expliquer ça par l'absence d'un cadre ou d'un lieu de représentation qui peut accueillir un grand nombre de spectateurs comme c'est le cas pour la banlieue nord (Ndlr : amphithéâtre de Carthage). Pour pallier cette anomalie de taille, j'ai un rêve que j'espère arriver à réaliser mais l'année prochaine; celui de faire le festival de Oudhna qui est un magnifique site archéologique qui rivalise de charme et de beauté avec celui de Carthage et d'El Jem et qui peut offrir un site propice pour regrouper tous les festivals de la banlieue sud, dans un même lieu et une même période, avec un programme unifié, solide, riche, haut en couleur et rayonnant dans un cadre singulier et symbolique puisque Oudhna, qui constitue à la fois un bijou archéologique du point de vue patrimonial, est sis au cœur d'une agglomération très dense du point de vue du nombre de la population. D'ailleurs, l'expérience qui s'est déroulée au mois d'avril dernier dans le cadre du mois du patrimoine, avec un concert de l'orchestre symphonique de Tunisie dans ce site, s'est révélée un grand succès et a drainé une foule immense et qui a été émerveillée par ce lieu magique. Il est important à mes yeux de réfléchir à cette expérience avec les directeurs de festivals dans la banlieue sud, afin que ce rêve prenne forme.
Quelle place pour les artistes tunisiens qui évoluent à l'étranger, qui sont reconnus et disposent même d'une certaine notoriété mais qui ne sont pas programmés dans les festivals de leur propre pays ? Est-ce dû à l'absence cruelle d'une diplomatie culturelle tunisienne qui ne rend pas visibles ces artistes ?
Ce problème m'interpelle car la diplomatie culturelle demeure un maillon faible pour la politique gouvernementale en général et cela depuis toujours. J'ai eu l'occasion, à la clôture du séminaire des diplomates, d'évoquer avec plusieurs ambassadeurs et diplomates la question de la visibilité culturelle et artistique de la Tunisie à l'étranger surtout qu'on dispose d'un potentiel extraordinaire, au niveau de la qualité et de la diversité dans tous les domaines (musique, théâtre, édition...). Autant de créations et d'œuvres qu'on peut montrer au monde, qui, de cette manière, peut connaître davantage la richesse de la Tunisie et son ouverture. Je pense qu'on a plus que jamais besoin d'être connus et d'être reconnus positivement sur le plan international. Nous avons commencé à travailler dans ce sens. Par exemple, j'ai convenu avec l'ambassadeur de Tunisie à Paris de fixer un programme continu sur toute l'année, pour faire circuler artistes et œuvres tunisiennes. D'ailleurs, nous avons une semaine culturelle qui va être organisée à la mi-septembre à Paris où nous avons la Maison de la Tunisie et une communauté qui a besoin de vivre au rythme de la culture tunisienne depuis Paris.
Pour les artistes tunisiens expatriés et qui sont d'ailleurs reconnus à l'étranger mais que le public tunisien ne connaît forcément pas car ils souffrent d'un manque de visibilité et n'ont pas les moyens de se produire en Tunisie, j'estime vraiment que c'est une grande injustice. Il n'empêche, cela demeure également un problème lié à la diplomatie culturelle. Il est temps que le ministère de la Culture et celui des Affaires étrangères pensent à un plan de travail commun pour assurer un échange équitable et bénéfique dans les deux sens.
Vous faites allusion au poste d'attaché culturel dans nos ambassades ?
Malheureusement le statut d'attaché culturel n'existe pas dans nos ambassades. Il y a l'attaché social qui chapeaute parfois des actions culturelles ponctuelles. Je pense qu'il est impératif, si on veut vraiment être présent culturellement à l'échelle internationale, de créer ce poste au sein de nos représentations diplomatiques, après une coordination et coopération entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Culture et de la sauvegarde du Patrimoine. La volonté existe, il est temps de la concrétiser.
Est-ce que la création de centres culturels à l'étranger demeure une action envisageable ?
Cela reste une idée valable mais elle dépend des circonstances. Il faut trouver les formules adéquates, non pas au niveau des lieux uniquement mais du comité qui va se charger de ces centres culturels. C'est un sujet délicat par le vide généré par l'absence de ce genre de centres pendant plusieurs année. Ce vide a été comblé par la naissance de plusieurs associations à vocation culturelle à l'étranger au point que parfois elles sont de nature conflictuelle. De plus, il faut reconnaître qu'il n'y a pas de consensus sur la nature même de la culture qu'on veut transmettre et montrer au monde. C'est ça qui pose problème, il faut donc pousser la réflexion dans ce sens pour baliser la voie à la bonne solution.
Malgré son aspect tragique, l'attentat du Bardo a rendu le musée tristement célèbre. Comment comptez-vous capitaliser le capital sympathie et cet élan solidaire pour augmenter l'attractivité du musée ?
C'est vrai qu'il y a eu une large campagne de solidarité avec le musée après les attentats tragiques du 18 mars 2015, et nous avons beaucoup investi dans l'accueil de délégations de différentes sortes pour montrer la richesse et la grandeur de ce musée. Maintenant il faut penser à capitaliser ce capital sympathie et pour ce faire il faut que le musée soit dynamique que ce soit par des expositions itinérantes autant que virtuelles. Sur ce point, je suis en train de travailler avec le ministre de la Technologie de l'Information et de la communication, qui est disposé à nous aider. Déjà nous sommes en train de travailler pour rendre possible la visite virtuelle du musée du Bardo et de plusieurs autres sites.
Après les attentats de Sousse, plusieurs mesures ont été prises pour sécuriser les établissements touristiques. Est-ce que les sites archéologiques et monuments historiques sont concernés par cette stratégie sécuritaire gouvernementale ?
Evidemment on a placé des agents de police touristique dans les hôtels et on a commencé à les placer aussi dans les sites sensibles non seulement pour sécuriser les visiteurs mais aussi pour les préserver des actes de vol et de pillage. A part cela et en collaboration avec le ministère de l'Intérieur, un haut cadre de l'Intérieur spécialisé dans la protection des sites s'est installé à l'Institut National du Patrimoine (INP) afin de mettre en place toute une stratégie de gardiennage de sites et de musées. Beaucoup de choses ont été faites, mais il reste encore du chemin à faire dans ce sens.
L'exemple réussi de l'Acropolium de Carthage ne vous encourage-t-il pas à persévérer dans cette expérience de concessions aux privés?
Tout à fait. Nous avons commencé à ouvrir timidement une nouvelle brèche dans ce sens. Nous avons lancé des appels d'offres au début de l'année (Ndlr : au mois d'avril) et nous avons reçu plusieurs propositions. Par exemple, La Karraka de la Goulette, Borj Boukhris à Carthage et beaucoup d'autres monuments historiques tels que des Zaouias sont sollicités par des acteurs culturels en vue de les exploiter. En ce moment, nous sommes en phase de préparation des cahiers des charges et des équipes sont totalement dédiées à ces dossiers. Il n'empêche, je répète toujours que c'est encore très timide par rapport à une politique qui doit être plus offensive en matière de coopération avec le secteur privé. Dans le même sillage, il faut avouer que les privés n'investissent pas suffisamment dans ce segment culturel.
Si on fait un petit bilan par rapport à la politique culturelle en Tunisie, on constate que la culture était conçue au moment des fondateurs de l'Etat tunisien comme un complément au secteur de l'éducation. Le secteur était très démocratisé et a été accompagné de la mise en place d'un grand réseau de maisons de la culture, un peu partout dans les régions et ce fut un privilège. Après, dans les années 80, et en seconde phase, et dans le cadre du plan de réajustement sur un plan international, la culture a été considérée comme un complément de la politique de développement économique et sociale. Dans ce contexte l'Etat a pensé à libéraliser le secteur et c'est dans ce cadre qu'il ya eu la dissolution de la Satpec et de la STD et de toutes les grandes institutions publiques, et ce, dans une optique de libéralisation. Au grand dam, le secteur privé ne s'est pas bien manifesté par rapport à la culture pendant cette phase et donc l'Etat est resté finalement le principal bailleur de la culture en Tunisie jusqu'à aujourd'hui. Maintenant, nous passons par une phase de transition difficile. Depuis la révolution, les revendications culturelles étaient d'ordre socioprofessionnel. Il y a eu 2000 recrutements au sein du ministère de la Culture et un peu partout dans ses filiales dans les régions. Une véritable nouvelle option de politique culturelle n'a pas encore vu le jour et nous pensons déjà à beaucoup d'actions qu'on ne va pas tarder à annoncer pour changer un peu l'ordre des choses. Mais il ne faut pas oublier le fait que le ministère est aussi un ministère fragmenté avec sept grandes familles d'arts, avec plusieurs institutions sous tutelle en plus des délégations régionales. C'est aussi un département qui, point de vue budget, reste le parent pauvre du gouvernement malgré le fait qu'il fait face à d'énormes enjeux pas du tout faciles.
Mais comment peut-on espérer dynamiser le secteur avec une carence de financement et une réticence des banques, qui bloque les jeunes promoteurs et les autres acteurs qui veulent investir dans la culture ?
Il est impératif que le code des investissements culturels soit revu. Mais étant donné les difficultés de la phase de transition que traverse notre pays, et ce, à tous les niveaux avec de grandes pressions financières, le problème du financement ne pourra pas être résolu si on continue à s'adosser à l'Etat seulement. Il est dommage qu'en dépit de la publication l'année dernière d'une loi sur le mécénat culturel, le secteur privé ne se soit pas manifesté. Notre bourgeoisie n'est pas intéressée non plus au mécénat alors que, dans le monde entier derrière la promotion de la culture, il y a la bourgeoisie qui a le sens de la culture. Le seul moyen se trouve au niveau fiscal et c'est aussi une question de traditions et de générations. Ceci dit, il faudrait peut-être faire une campagne pour sensibiliser les investisseurs et les attirer à la rescousse du secteur de la Culture qui est un facteur de développement et non un luxe.
Mais la loi de finances aurait dû au moins inscrire les œuvres culturelles à la nomenclature des garanties bancaires pour dynamiser un tant soit peu le marché de l'Art en Tunisie ?
Il s'agit là d'un problème d'expertise et de reconnaissance de l'importance d'une œuvre de l'art car on n'a pas de traditions et de profils reconnus dans ce sens. Pourtant nous avons un potentiel de grande valeur telle que les œuvres des peintres de l'Ecole de Tunis, et de grands artistes peintres de la nouvelle génération. Toutefois, convaincre un banquier pour prendre une œuvre d'art en garantie, il nous faut du temps pour atteindre cette mentalité.
Pourtant il existe des banques qui ont des collections entassées dans leurs coffres. Pensez-vous à un événement plastique pour dépoussiérer ces œuvres gardées dans leur écrin ?
Avant de penser aux collections des autres institutions, il faut s'occuper d'abord du fonds du ministère de la Culture qui compte près de 11 mille œuvres d'art conservées dans des conditions très précaires. J'estime que l'urgence est actuellement de faire réussir une opération de sauvetage de ce grand patrimoine d'art plastique. D'ailleurs nous avons trouvé des mécènes avec lesquels nous travaillons actuellement sur l'inventaire et le répertoire en vue de la restauration de ce patrimoine.
Est-ce que ce fonds peut servir à alimenter un musée d'arts plastiques ?
Bien sûr. C'est d'ailleurs dans cette perspective que nous travaillons. Il ne faut pas oublier qu'un grand espace sera réservé à un musée au sein de la Cité de la Culture et j'espère réussir à donner forme à ce grand projet et terminer les travaux de cette cité dans les délais impartis.
Justement, qu'est-ce qui bloque actuellement l'achèvement des travaux ?
Rien ne bloque. Nous avons lancé un appel d'offres pour l'achèvement des travaux et nous avons reçu quelque offres, pas beaucoup, car il faut reconnaître que les entrepreneurs ne s'aventurent pas facilement sur un chantier déjà entamé. Et c'est ce qui explique les réticences des entreprises de bâtiment. La bonne nouvelle, c'est qu'en collaboration avec le ministère de l'Equipement qui va superviser les travaux, nous allons sélectionner, d'ici un mois au plus tard, l'entreprise qui va prendre la relève pour terminer les travaux.
Qu'en est-il de la gestion culturelle de ce mégaprojet ?
Une fois le choix de l'entreprise fixé, nous allons passer à la deuxième phase, celle de réfléchir sur les modalités de la gestion culturelle de la cité.
Comment allez-vous traiter l'épineuse question de la précarité sociale des artistes afin que les artistes de la nouvelle génération ne subissent pas le même sort que leurs prédécesseurs ?
Certes, nous sommes interpellés régulièrement par des cas sociaux parmi les artistes et les solutions proposées actuellement ne sont pas convaincant même pour la ministre que je suis car nous disposons d'un petit budget pour aider les hommes de culture en cas de maladie ou autre circonstance difficile. Et je pense sincèrement que ce n'est pas suffisant. Nous faisons dans ce sens ce qu'on peut et nous essayons de nous occuper de la manière la plus humaine qui soit (assistance, visite, dotation, etc.) des cas qui se présentent mais il y a toujours un mécontentement par rapport à ce qu'on fait parce que ca reste justement insuffisant. Un artiste qui n'a pas de statut pose un grand problème et cela est dû au laxisme et au laisser-aller vis-à-vis de cette question qui ne peut plus durer. Donc l'élaboration du statut de l'artiste a été l'une des cinq priorités du ministère pendant ses 100 premiers jours. A cet effet, nous avons bénéficié d'un don européen pour entamer un plan pour lequel s'est mobilisée une équipe de travail. De ce fait, nous aurons peut être un statut de l'artiste dans un an ou au plus tard dans un an et demi et je pense que cela va régler une partie du problème.
Il existe aussi un autre problème, celui des droits d'auteurs et nous avons toute une institution qui s'active sur ce plan. Si on arrive à régler ces deux questions fondamentales, le problème ne se posera désormais plus de la même manière et avec la même gravité qu'aujourd'hui.
Quand on parle des droits d'auteurs, on évoque forcément la question du piratage ?
C'est une question très difficile à cerner même à l'étranger, elle n'est pas spécifique à la Tunisie uniquement. J'en ai parlé par exemple avec le ministre de la Culture marocain qui m'a fait savoir qu'ils ont trouvé des solutions mais je ne sais pas si c'est valable pour tout le monde. Il s'agit de rabaisser les prix de vente des CD et des DVD de la part de l'Etat pour les mettre au niveau de ceux proposés par le piratage. La logique est de limiter un peu le déficit en récupérant au moins une partie de l'argent.
Si j'ai bien compris vous travaillez sur une nouvelle stratégie culturelle ?
Absolument. Les grands axes de cette stratégie visent tout d'abord à abattre ces cloisons et les dissociations entre le sens de l'éducation et celui de la culture. C'est-à-dire qu'on fabrique des élèves instruits mais qui n'ont pas une dimension culturelle dans leur formation scolaire. Car la culture est une philosophie, une vision du monde, un ensemble de valeurs qu'il faut acquérir. Et si cette partie reste absente dans la formation de l'enfant, on peut se trouver après avec de jeunes adultes, proies faciles à des idéologies obscurantistes (Djihadistes, takfriristes...). Il faut donc que la culture soit une dimension essentielle dans la structuration de la personnalité de l'enfant. Nous avons commencé à réfléchir comment faire pour que le théâtre, le cinéma et le livre soient présents d'une manière fondamentale dans la formation de l'adulte de demain et cela doit se faire dans un cadre gouvernemental. J'ai proposé ce projet pour le plan 2016-2020. Pour cela il faudrait une coopération entre les ministères de la Femme et de l'Enfance, de l'Education, de l'Enseignement Supérieur, de la Jeunesse et des Sports et de la Culture. Avec l'organisation bientôt des JTC, vous allez voir que dans la programmation, 267 délégations vont profiter de représentations théâtrales et dans chaque délégation deux ou trois écoles vont pouvoir profiter de représentations de cette manifestation théâtrale. Je vais proposer au directeur des JCC de faire de même. Plusieurs délégations régionales de la culture sont en train de travailler avec les délégations régionales de l'éducation sur un plan régional et ont établi un programme dans ce sens.
Sur un autre plan, il est à signaler que le plus grand taux de chômage existe dans le secteur culturel (diplômés de l'Isad, de l'Institut de Musique, etc.). Ce chômage se situe à hauteur de 28 % environ, ce qui constitue un taux très élevé.
Pourquoi ?
Eh bien, parce que ces diplômés ne trouvent pas de marché d'emploi exactement comme l'illustre le secteur du livre par exemple. C'est quand on établira un programme national pour intégrer la culture dans l'éducation, que ces gens vont pouvoir trouver de l'emploi et que le livre écrit par les Tunisiens en général (romans, essais...) va pouvoir être acheté par le ministère de l'Education nationale, pour qu'il puisse circuler dans l'espace scolaire et universitaire.
Nous allons organiser pour la fin de ce mois des ateliers de réflexion où nous allons soumettre les grandes lignes de cette politique. Une deuxième orientation qui est très importante à souligner concerne le patrimoine, qui devrait être un grand vecteur de développement économique, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Nous avons plus de 40 mille sites et monuments historiques en Tunisie. Une richesse exceptionnelle qui n'est pas hélas valorisée et capitalisée dans le sens du développement culturel et social. Avec le ministère du Tourisme, plusieurs actions sont possibles car la culture et le tourisme sont indissociables. Par exemple, notre richesse culinaire du terroir peut bien marcher dans la mesure où des entrepreneurs peuvent installer dans les sites des petits restos pouvant drainer les circuits culturels. La troisième orientation concerne la décentralisation qui me tient à cœur et qui répond aussi à un principe constitutionnel, à savoir cette discrimination positive qui doit bien fonctionner pour assurer cette décentralisation. Les festivals par exemple souffrent de l'inégalité au niveau de la répartition des subventions, car, il faut l'admettre, la culture est beaucoup plus manifeste dans la capitale et les grandes villes que dans les régions qui restent marginalisées à ce niveau. Il faut s'acheminer vers une vraie décentralisation qui doit être aussi au niveau de la prise de décisions et de la fixation des programmes. Les délégations régionales actuellement se référent au ministère pour élaborer leurs programmes.
C'est ambitieux pour une ministre qui ne fait pas partie des grands pôles politiques au pouvoir. Mais de quel soutien bénéficiez-vous pour faire valider vos orientations ?
J'ai le soutien de la Présidence de la République et de la Présidence du gouvernement, qui croient en la culture. Les signes de soutien de ces hommes imbus de valeurs culturelles et acquis à cette cause sont visibles. Le président de la République fait partie de la génération des fondateurs de la culture dans le pays et il y croit d'un point de vue patriotique et nationaliste. C'est pour lui un élément de l'identité nationale à entretenir et il accorde beaucoup d'attention à cela. Pour le Chef du gouvernement qui agit dans le même sens, tout le monde a remarqué qu'il a rehaussé de sa présence le spectacle d'ouverture du festival de Carthage, le spectacle El Hadhra et qui a promis d'assister à la clôture. C'est aussi un homme qui s'enquit régulièrement de la situation des artistes et manifeste une attention particulière pour eux.
Est-ce que le tourisme culturel fait partie de vos projets ?
Les Américains, les Italiens et les Français nous proposent un soutien dans ce sens. Il s'agit pour nous de capitaliser ces propositions et d'apporter un programme détaillé concernant les régions, les sites suggérés, les circuits et les différents projets pour éventuellement procéder à leur restauration et valorisation.
Le fait que le ministre de l'Intérieur ait donné l'ordre de faire entrer près de soixante personnes au Festival international de Hammamet, vous a gênée ?
Absolument pas. Le ministre de l'Intérieur est un homme qui a déployé tous les efforts pour sécuriser les sites de représentations pendant les festivals. Il accorde beaucoup d'importance aux évènements culturels et le rétablissement de la confiance des Tunisiens en la sécurité estivale fait partie de ses soucis majeurs. Je suis sûre que son geste était spontané et découle de la même logique. Pour ma part, je n'y ai pas vu un dépassement.
Votre dernier message ?
C'est celui de tout faire pour instaurer cette culture des valeurs humaines, de démocratie, et de justice sociale et de modernité.


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