Saber Rebaï est le tunisien qui affiche complet à Carthage : une vérité qui ne date pas d'hier et qui s'est de nouveau confirmée lors de son concert, mardi dernier, dans cette 46e édition marquée par la programmation d'un grand nombre d'artistes tunisiens dont les spectacles ont, jusque-là, eu du mal à attirer du monde. Il faut aussi admettre que la donne n'est pas la même. Saber Rebaï a très tôt embrassé un parcours différent, pleinement intégré dans la machine commerciale orientale dont il a su tirer avantage sans y perdre son âme. Gardant toujours un pied en Tunisie, jamais loin de la chanson tunisienne, il a su créer l'équilibre dans sa carrière et le maintenir. Même lui ne pouvait pas passer outre le fait que son spectacle sort du lot de ceux des tunisiens qui l'ont précédé au festival cette année. En début de soirée, et après avoir interprété deux de ses chansons, il s'est adressé au public en leur demandant de soutenir les artistes tunisiens. Justement, parlons-en de ce public. Il est venu au concert, en surnombre, force est de le constater, mais surtout pré-emballé, pré-conquis et pré-disposé à s'offrir et à offrir à Saber Rebaï une soirée mémorable, le cœur rempli des paroles de ses chansons. Là, on sent, entre autres, l'effet Rotana se faufiler sur la scène de Carthage. Le label a rompu son partenariat avec le festival cette année, mais marque sa présence à travers Saber Rebaï qui est parmi ses artistes phares. Ses vidéo-clips qui passent sur les chaînes rotaniennes ont eu visiblement leurs effets sur le public qui était admirateur et déchaîné. Mais Saber Rebaï est loin de n'être que le produit de Rotana. Son parcours dont les débuts datent des années 90 manque rarement son rendez-vous avec le succès. Beaucoup de travail, de tact et de choix intelligents ont portés leurs fruits pour l'auteur de «Sarkha». Cette chanson et toutes celles qui ont fait son succès et qui sont restées gravées dans les mémoires, qu'elles soient des ballades ou des chansons rythmées, ont été au menu de la soirée. Saber Rebaï a su maintenir la cadence du spectacle en jonglant entre ses anciens et ses nouveaux titres, témoins de l'évolution de sa carrière. De Sidi Mansour à Bibassata et de Ya lella à At'hadda el alam en passant par les plus récentes comme Ala nar, Achiri el ghali et Ya aghla qu'il a chanté deux fois, il y avait largement pour Saber Rebaï de quoi meubler les deux heures et demie qu'a duré le concert et remporter, à part les quelques problèmes de son rapidement dépassés, haut la main le pari de la scène de Carthage sur laquelle il remontera le 30 août. Dans la dernière partie de la soirée, Saber Rebaï a rendu hommage à Mohamed Jamoussi—originaire comme lui de Sfax—à l'occasion de son centenaire, en interprétant des passages de plusieurs de ces chansons. Un geste qui a été salué par le public qui a suivi le rythme de son idole jusqu'au bout. Un tel succès laisse songeur et impose des questions comme : « Que doivent faire les autres artistes tunisiens pour que ça marche aussi bien pour eux ?», «Doivent-ils suivre le même chemin?» Certes non ! Chacun doit trouver sa voie et suivre son destin, surtout que certains ont réussi comme Lotfi Bouchnak et Zied Gharsa qui auront sans doute droit au complet à Carthage. Et s'il n'y a pas de formule magique pour la réussite, il y a une recette qui ne faillit pas: le travail.