D'après l'Association tunisienne de la prévention routière, 50% des trottoirs en Tunisie sont exploités illégalement par les vendeurs clandestins En Tunisie, les propriétaires des cafés, des hôtels, des petits magasins... se permettent de «confisquer» les trottoirs. C'est que le propriétaire d'un café, à titre d'exemple, se permet de s'approprier le trottoir devant, à côté, ou parfois même en face de la surface légale qui lui est réservée. De même, les propriétaires de voitures se permettent de garer leurs voitures sur les trottoirs, et les motocyclistes y conduisent carrément leurs motos. Sans compter les propriétaires de maisons qui bâtissent des escaliers sur les trottoirs sans autorisation. Face à ces pratiques de plus en plus fréquentes, les piétons n'ont plus de surface sur laquelle ils peuvent marcher tranquillement. L'Association tunisienne de la prévention routière relève à ce propos que 1.600 personnes sont mortes dans des accidents de route l'année dernière, parmi eux, plus de 260 étaient des piétons. C'est ce qui a incité, finalement, beaucoup de jeunes tunisiens, notamment après la révolution, de s'exprimer et de dénoncer ce genre de pratiques illégales sur lesquelles les responsables municipaux et la police préfèrent fermer les yeux. Heureusement que depuis quelque temps, les violations qui dérangent, compliquent, et gênent la vie quotidienne de chaque citoyen tunisien sont condamnées et publiées sur les réseaux sociaux. C'est dans ce cadre que s'inscrit d'ailleurs la campagne «Sayeb trottoir» (libérez les trottoirs) lancé par un activiste tunisien, Zied Mallouli, enseignant chercheur en langue française. Lancée sur Facebook, la campagne «Winou trottoir» est avant tout une campagne qui exige l'application de la loi et la punition des contrevenants, des propriétaires de cafés et de boutiques qui ont monopolisé et qui se sont attribué un privilège illégal. Mais ce qui est encore plus grave, c'est que tous les gouvernorats, ou presque, sont concernés par ce nouveau fléau à risque. D'ailleurs, cette campagne prend de plus en plus de l'ampleur, surtout que la majorité de nos jeunes disposent de smartphones, ce qui leur permet de photographier tous les dépassements, et contraindre ainsi les services municipaux à agir. Une réaction positive M. Zied Mallouli souligne à cet effet que son «appartenance au comité d'organisation de l'événement Sfax, capitale de la culture arabe en 2016, l'a incité à être plus vigilant et à signaler toutes les défaillances et tous les comportements inciviques. Et face à la prolifération des pratiques irresponsables des propriétaires de cafés et autres commerçants, j'ai décidé de lancer cette campagne. Au début, on m'a découragé, beaucoup de personnes de la société civile m'en ont dissuadé, mais cela ne m'a pas démotivé, j'ai continué et j'ai contacté les médias. Mais ce qui m'a réellement motivé au début, c'était la réaction positive d'un grand nombre de personnes». Ce qui est encore plus important, c'est que les médias, notamment les radios, se sont associés à cette cause civique. «C'est ainsi que radio Sfax m'a accordé 3 heures pour défendre ma cause. D'autres radios m'ont consacré certes moins de temps, mais l'effet était presque le même». D'ailleurs, «suite à cette réaction positive, un autre groupe nommé "Sayeb trottoir" a été créé. Et depuis, on travaille ensemble. On a même adressé une lettre au premier ministre, à laquelle il a été sensible». Malheureusement, les réactions n'ont pas toujours été de la même nature. Le 18 août, Zied Mallouli a été agressé à une station où il était en train de prendre une photo d'une infraction sur un trottoir à Sfax par une personne en moto. Par contre, cette agression n'est pas la seule difficulté à laquelle la campagne fait face. M. Mallouli parle ainsi de menaces, d'indifférence et d'insouciance. Toutefois, Zied Mallouli reste optimiste, car, soutient-il, «nous avons réussi à accomplir beaucoup de choses. Nous sommes en train de créer une association d'actions civiques». Effectivement, «winou trottoir» a inspiré la création d'une association. De même, cette campagne reste sans précédent. On apprend d'ailleurs qu'à Sfax, les tapis que les propriétaires de cafés ont collé aux trottoirs pour mettre leurs tables ont été retirés le mardi 2 août. Certaines municipalités ont même pris des mesures plus sévères. En somme, M. Mallouli affirme que, pour aboutir réellement, cette campagne a besoin de l'implication de tous les acteurs, à la faveur d'actions communes et solidaires.