Il y aurait, en Tunisie, plus de logements que de ménages. C'est ce que ne cessent de nous marteler les statistiques depuis, au moins, une décennie. En dépit de ce paradoxe, de nombreuses familles rencontrent toutes les peines du monde à se caser En matière d'habitat social, notre pays avait adopté, dès l'aube de l'Indépendance et jusqu'à la fin des années 80, une véritable politique d'avant-garde. Malgré des moyens limités, les efforts de développement global se sont axés, principalement sur l'éducation, la santé et le logement. De nombreux quartiers ont ainsi été érigés à travers la République en vue d'éradiquer ce qu'on appelait, alors, les gourbis.Même si la répartition de ces constructions et leur octroi n'ont pas été exempts de favoritisme et de clientélisme, un grand nombre de citoyens ont pu être arrachés à une vie de misère dans des constructions, le moins que l'on puisse dire, rudimentaires. Comment se présente la situation? D'après le Recensement général de la population et de l'habitat (Rgph) d'avril 2014, on a, de nouveau, la confirmation qu'il y a plus de logements que de ménages. En d'autres termes, on ne peut pas parler de crise de logements. Les chiffres nous disent que pour une population de 10.982.754 âmes, on dispose de 3.289.903 logements. Par contre il n'y a que 2.712.976 ménages. 17,7 % de ces logements sont... vacants ! Devant cette situation incongrue, le commun des mortels se demande pourquoi il y a autant de familles qui vivent dans des conditions indécentes ou dans des foyers qui ne leur appartiennent pas. De nombreux couples de jeunes peinent à acquérir un appartement au prix fort. Ils payent, pour cela, des sommes exorbitantes pour une qualité et un confort qui ne sont jamais au rendez-vous. Du coup, ils se trouvent devant un fait accompli dont ils n'ont choisi ni le début ni la fin. Les crédits bancaires, aux conditions que nous connaissons, hypothèquent leur avenir et celui de leurs enfants. Il n'y a pas d'autres solutions. Car il n'y a pas, vraiment, une politique de création de logements sociaux au profit de couches modestes. On ne peut, désormais, plus parler des couches démunies. Les classes moyennes, elles-mêmes, ne parviennent plus à s'offrir un appartement. Les organismes chargés de construire ou de promouvoir une politique de l'habitat ne sont plus aussi dynamiques qu'avant. La Sprols, le Foprolos, la Cnss, la Cnrps ou les offices dépendant de ministères, etc... ne disposent plus d'une marge de manœuvre qui leur permette de satisfaire une demande qui est estimée à 45.000 et 60.000 unités par an. La coordination est encore insuffisante entre ces différents organismes et d'autres comme l'AFH — Agence foncière de l'habitat —, l'Arru (Agence de réhabilitation et de rénovation urbaine) ou le secteur de la promotion immobilière privée. Ce dernier ne fait pas dans la dentelle et n'accorde aucun intérêt à l'aspect social. Ce n'est pas son rôle, vous dirait-on. Demande de 40 à 60.000 logements/an Or on constate que la priorité lui est souvent donnée dans l'octroi des terrains aménagés. De toutes les façons on ne peut pas compter sur ce secteur pour aider à résorber la question très épineuse du logement social en faveur de certaines couches sociales. Ce devoir incombe à l'Etat C'est à lui d'adopter une stratégie nationale pour satisfaire les demandes. Celles-ci se monteraient, également, à 40.000 et 60.000 par an. Actuellement, c'est à peine si on en réalise le tiers. On doit axer les efforts, aussi, sur un autre plan. Il s'agit de libérer les initiatives et de faciliter les démarches devant les citoyens qui veulent contracter des prêts ou construire à leurs propres frais. Ce n'est pas, réellement, le cas. D'où la nécessité et l'urgence de réviser quelques textes réglementaires et les formalités très encombrantes qui se dressent devant les privés. On veut parler des citoyens qui osent se charger, eux-mêmes, de la construction de leurs logis. C'est ce qu'on appelle l'auto-construction. D'autre part, il est impérieux d'accorder un plus grand intérêt aux souhaits de milliers de familles qui veulent vivre dans un logement décent sans subir les contraintes des crédits bancaires et des exigences abusives de certains entrepreneurs. La Snit, par exemple, a joué un grand rôle dans le passé avec la réalisation de beaucoup d'ensembles immobiliers destinés aux classes sociales nécessiteuses. Mais, somme toute, solvables. Si, de nos jours, on invoque l'absence ou le manque de lots à bâtir dans les villes et les banlieues, il est temps de penser aux régions qui n'ont pas la « cote ». Là, les terrains peuvent être encore à prix abordables. Leur aménagement et leur viabilisation les rendraient plus attrayants. Ceux qui veulent y construire les apprécieront à leur juste valeur. Dans les zones du Grand-Tunis, les extensions en dehors du cercle ou ceinture urbain(e) actuel(le), entraînerait un désenclavement de la pression à condition d'accompagner le tout par la réalisation d'une infrastructure de transport à l'instar du RFR. La politique de logements sociaux doit se concentrer sur les zones et les régions qui n'ont pas encore connu une pression démographique. C'est-à-dire en étendant le rayon d'action plus loin que les centres urbains existants. A condition de préserver les terres agricoles. C'est, donc, en viabilisant de nouvelles surfaces qu'on pourra inciter les Tunisiens à changer des habitudes qui consistent à ne priser que les villes et les grands ensembles urbains.