«Tajaiid» (Rides) est une nouvelle chorégraphie solo réalisée et interprétée par la danseuse et chorégraphe tunisienne Thouraya Boughanmi, dans le cadre du Festival l'automne-danse à la salle Le Mondial. Gardant cette touche extrêmement précise et délicate qui caractérise si bien son style, la jeune chorégraphe et danseuse Thouraya Boughanmi, dont on a eu l'occasion d'apprécier le travail dans la pièce «Le spectacle» de Hamadi Mezzi, nous livre «Tajaiid» (Rides) et nous entraîne dans un univers exclusivement solitaire et féminin où le corps surmonte son handicap et sa vieillesse qui l'attachent à une chaise roulante, tend ses bras et s'envole très haut. Le dispositif scénique est réduit à peu de chose : subtilité des éclairages, un sac à main et une perruque sur le sol ... Une bande-son irrésistible qui bouscule et caresse tant l'interprète que les spectateurs. Une synergie indéfectible entre la danse et la musique. C'est tout d'abord une expérience du temps que nous propose Thouraya Boughanmi. Un temps qui laisse ses traces sur le corps, qui le rend incapable, impuissant, le réduit au néant. La solitude de cette femme assise sur une chaise roulante devient lentement la nôtre, se déploie en des mouvements de lutte, de révolte qui vont graduellement vers un épanouissement de l'être. Sa délivrance se fait avec l'émancipation de son corps par la danse. L'élégance et le minimalisme d'une danse qui ressasse avec ténacité les mêmes mouvements, tour à tour vifs, langoureux, rendant plus saillantes les crispations de cet être vieux et solitaire. Puis portée par une musique diffuse et rythmée, la danseuse, telle une chrysalide qui surgit de son cocon, quitte avec habileté son fauteuil roulant et prend son envol sur scène, comme un papillon à la recherche d'une seconde existence, une nouvelle jeunesse et une nouvelle vie. Une sorte de voyage dans le temps, et l'âme qui commence par vous engourdir puis, lentement, vous mène jusqu'à une exaltation de vie qui ressemble à une transe. L'enjeu est complexe, osé et, pourtant, tout naturel. Ici, ce n'est pas l'esprit qui éclaire et dirige le corps, mais c'est bien le corps qui, par multiplication du mouvement, les gestes redondants, l'exploration des limites du corps réceptacle datant de bouleversements sociaux et psychiques qui va dégager des influx presque spirituels en se débarrassant de sa charge. Une œuvre touchante et sensible qui ne laisse pas indifférent !