Hisser le taux de croissance de 0,5% à 2,5% en une année serait-il possible ? Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) a organisé, hier, à Tunis, une conférence de presse pour présenter une étude réalisée par M. Abdeljalil Bedoui, membre du département des études au Ftdes, portant sur le projet de loi de finances pour l'année 2016. « Un projet au deçà des défis et des paris » représente, à la fois, un intitulé et un jugement de valeur par le biais desquels l'auteur de l'étude expose et analyse les défaillances d'une approche qu'il considère comme inappropriée, car ne servant point les exigences du contexte économique actuel. Le projet de loi de finances pour l'année 2016 a été élaboré au cours d'une année marquée par moult difficultés d'ordre économique. Malgré une saison agricole satisfaisante ainsi que la régression de l'inflation qui est passée de 5,7% en 2014 à 4,2% actuellement, le taux de croissance reste timide, soit 0,5%. Curieusement, le présent projet promet de hisser ce taux à 2,5% au bout d'une année en cours. « Or, et contrairement à l'année 2015, l'année prochaine risque d'être plus difficile. L'agriculture ne donnera pas forcément ses fruits, la production du phosphate est en mal de relance, quant au secteur touristique, il se trouve fortement sinistré à cause des attentats terroristes. Atteindre un taux de croissance de 2,5% s'avère être utopique », explique-t-il. Des hypothèses non fondées La présente étude met en relief les jalons incertains d'un projet de loi de finances, concocté dans le but de résoudre les problèmes économiques épineux. Le projet a pour fondement les axes généraux du document d'orientation sur le plan de développement pour le quinquennat 2016/ 2020. Il est axé sur une approche économe et non sur une approche développementale. L'objectif étant, ainsi, de maintenir le rythme économique en incitant à la consommation au détriment de l'investissement et en tâchant de réussir l'équilibre financier en réduisant le déficit budgétaire public de 4,4 %, en 2015, à 3,9% en 2016. Selon M. Bedoui, les hypothèses qui ont été prises en considération pour l'élaboration dudit projet ne sont pas fondées sur des études et des analyses détaillées. Sur le plan monétaire, par exemple, l'augmentation de la valeur du dollar risque d'avoir des répercussions négatives sur l'endettement ainsi que sur le volume des exportations. D'après le projet de loi de finances, la valeur du dollar américain pourrait atteindre 1,970 dinar alors qu'elle a dépassé, le 29 octobre 2015, les deux dinars tunisiens. De son côté, la Banque centrale américaine aura recours à l'augmentation du taux d'intérêt sur les crédits, ce qui alourdira les dettes et notre capacité de remboursement. D'autant plus que nos exportations régresseront au fur et à mesure de l'augmentation de la valeur du dollar. Pour ce qui est du prix du pétrole, le prix estimatif du baril a été fixé à 55$ alors que le prix du baril se situe actuellement à 45$. Il est probable qu'il tombe à 40$ en 2016. Et d'ajouter que la chute du prix du pétrole revient, essentiellement, à la régression du développement mondial, à l'augmentation de la production internationale, surtout avec la relance de la production iranienne. Renforcer le rôle de l'administration L'orateur attire par ailleurs l'attention sur le rôle de l'administration tunisienne dans l'élaboration de projets à même d'apporter des solutions durables et non des solutions de conjoncture. L'orateur insiste sur l'impératif de restructurer l'administration selon une logique verticale (l'Etat contre l'administration ) et horizontale pour une meilleure coordination entre les différentes institutions et, par conséquent, pour un meilleur rendement. En ce qui concerne les ressources de l'Etat, l'orateur a rappelé que le fardeau fiscal pèse lourd sur les salariés et sur les consommateurs. Les premiers contribuent à la production de 70% des richesses alors qu'ils ne reçoivent que 35%. Aussi, leur contribution aux impôts directs et ceux indirects s'élève respectivement à près de 80% et 50%. Par ailleurs, les dépenses de l'Etat ne laissent point deviner une volonté politique de les diminuer. Du coup, le poids des salaires et des charges est supérieur à la capacité économique. « Il n'est pas recommandé de sacrifier les augmentations salariales mais d'ajuster la valeur salariale et de revoir le nombre des salariés et de booster la production », renchérit-il. S'agissant des mesures prises pour lutter contre la contrebande et le terrorisme, l'orateur indique qu'il conviendrait plutôt de tabler sur le contrôle, notamment au niveau des barrières non tarifaires. L'orateur recommande enfin de réfléchir sur un projet de loi de finances qui promettrait de trouver des solutions durables, puisant leur fondement dans une volonté confirmée de booster le développement en diminuant les dépenses publiques, en améliorant le rendement et en garantissant une répartition équitable du fardeau fiscal.