La culture de proximité, un concept qui se réfléchit et se vit, au pluriel. Au lendemain de l'ouverture des JCC, l'espace Massart a accueilli une table ronde sur le thème «Cinéma de proximité... cinéma de masse». Peut-on parler de «table ronde» quand cela se passe au Massart, cet espace qui s'est érigé face à toutes les conventions depuis sa naissance ? Son expérience a été justement relatée par son cofondateur, Salah Hammouda, dimanche dernier, en plus de celles de la Libanaise Hanan Hadj Ali du Fonds arabe Al Mawred al Thaqafy, et de l'universitaire tunisien Kamel Regaya, pour le projet «Réfléchir les images de la prison». Le tout animé par le critique de cinéma Naceur Sardi. On ne présente plus l'espace Massart mais on ne peut arrêter de suivre son parcours. Quatre murs qui ont accueilli grands et petits enfants, et sont entrés dans toutes les maisons à Bab Laâssal. Ateliers, projections, animations ont fait de cet espace un lieu incontournable de la vie du quartier. Et malgré des difficultés en tout genre, l'équipe de Massart a résisté, avec l'aide des habitants, et continue toujours d'exister. Alors que Salah Hammouda parlait, des enfants affluaient avec leurs parents pour l'habituelle projection dominicale. Ils ont pris le temps d'écouter. Les petits yeux curieux ont également suivi Kamel Regaya dans son intervention sur le projet de l'association «Les yeux de l'ouïe» avec la prison de Mahdia et le centre pour mineurs d'El Mourouj. «Pour la première fois, des prisonniers ont assisté avec le public à un film de leur création », a expliqué l'intervenant. Dans la prison, le cinéma de proximité se conjugue de tout autre manière, vu la contrainte de la pauvreté des choses à filmer, ou «comment créer de l'image à partir de rien», comme l'a exprimé Kamel Regaya. La réponse est venue grâce à la grande imagination des détenus avec lesquels il a travaillé. «Notre rôle en tant qu'association est d'aller là où la culture ne va pas. Là où il y a un désert culturel important», résume-t-il. Avant de donner la parole à Hanan Hadj Ali, des artistes tunisiens indépendants ont lu un texte de protestation sur la précarité de leur situation. «Le communiqué des indignés» a révélé une autre facette de la culture de proximité, celle qui nous rappelle que le créateur est un citoyen comme tous les autres. Il a le droit à une vie digne et décente et à la couverture sociale, tout comme chaque citoyen a droit à la culture. «Nous sommes désespérés», mentionnent-ils dans leur texte, ce à quoi la manager culturelle a rebondi, préférant, dit-elle des termes comme «déterminés», car tout dépend de là où on se place dans notre combat. Artiste et activiste, Hanan Hadj Ali a entamé son intervention en avançant des questionnements sur le cadre théorique de notions comme la proximité. Celle-ci doit impliquer une distance clairvoyante afin de trouver le chemin vers le ou les publics, pense-t-elle. D'autres notions, comme la décentralisation, la distanciation ou encore la non-centralisation doivent être prises en considération dans toute réflexion sur le cinéma de proximité et plus largement, la politique culturelle, explique l'intervenante. Son institution, Al Mawred Al Thaqafi a instauré, en partenariat avec le ministère tunisien de la Culture, des ateliers de projets culturels de proximité dans toutes les régions de la Tunisie. Hanan Haj Ali a également évoqué l'exemple du projet «Les écrans du cinéma féminin» en Cisjordanie, où les femmes créent leurs propres images et s'expriment à travers la caméra. Son témoignage en a drainé d'autres parmi le public présent à la rencontre. Le critique de cinéma sénégalais, Baba Diop, a parlé du cinéma de quartier à Dakar, alors que le critique français Olivier Barlet a présenté la plateforme web du cinéma africain «Africultures» et le critique marocain Ahmed Boughaba a évoqué le projet du réalisateur Nabil Ayouch. Après avoir réalisé le film «Les chevaux de Dieu» sur les jeunes du quartier populaire Sidi Moumen, il a crée dans ce même quartier un centre culturel baptisé «Les enfants de Sidi Moumen». Après ce tour d'expériences de culture de proximité de par le monde, la rencontre s'est terminée sur l'appel incessant des enfants de l'espace Massart de leur laisser place, afin d'avoir leur séance hebdomadaire de ciné-club. Une rencontre où la proxomité a été un concept et une réalité !