Cinéma, musique et débats à Tunis mais aussi au Kef et à Bizerte. Pour sa quinzième édition, Cinéma de la paix? annonce des nouveautés et un programme où le cinéma défend l'Homme dans un monde régi par la course effrénée pour le profit. Cette ligne directrice a été annoncée par le bureau directeur de la fédération tunisienne des ciné-clubs (Ftcc), lors d'une conférence de presse tenue mardi dernier. Cette édition spéciale, — qui se tient du 25 au 29 à Tunis, du 23 au 25 au Kef et du 28 au 30 mars à Bizerte —, commémore les quinze années de la manifestation. Pour l'occasion, le président de la Ftcc, Ramzi Laâmouri, est revenu sur ses débuts. «Cinéma de la paix? est une continuité du ciné-club Djibril Diop Mambéty et nous tenons à saluer ceux qui l'ont créé et ont tenu à sa continuité», a-t-il déclaré au début de la conférence. Parmi ces pionniers qui ont vécu toutes les éditions du festival, le chanteur et plasticien Yasser Jradi, membre du bureau de la Ftcc, qui a rappelé son rôle dans l'enrichissement du débat dans le paysage culturel tunisien, en posant les vraies questions, a-t-il précisé. La durée de Cinéma de la paix ? 2015 ne déroge pas à celle des années précédentes. Cinq jours, du 25 au 29 à Tunis, et sept films venant de six pays, à raison de deux projections par jour. Pour la première fois cette année, la manifestation sort de la capitale et s'installe au Kef et à Bizerte. En collaboration avec les délégations régionales de la culture, des associations locales et les sponsors et partenaires de Cinéma de la paix?, comme l'institut français de Tunisie et Al Mawred Al Thaqafy, cette décentralisation a pu être possible. Elle s'adresse de surcroît à un public privé de films à cause de l'absence de salles de cinéma. «A Jérissa, au Kef, il y a une salle abandonnée et que nous tentons de rouvrir», a expliqué Houda Bouriel, déléguée régionale à la culture au Kef. Le bureau de la Ftcc a également annoncé la recréation du ciné club de la ville, qui fut l'un des plus anciens et des plus actifs. Subjectivisation et restructuration Les films programmés, entre documentaires et fictions, sont Naguima, de Zhanna Issabayeva (Kazakhstan), Shirley Adams, de Oliver Hermanus (Afrique du Sud), Mohamed sauvé des eaux, de Safa Fathy (Egypte), Ces filles-là, de Tahani Rached (Egypte), Le rêve est fini, de Maria Ruido (Espagne), The wanted 18, de Amer Shomali (Palestine) et Ya oulidi, de Joseph Aouadi (Maroc/France). Ils traduisent en images la thématique de Cinéma de la paix? 2015. Celle-ci tourne autour des «personnes et personnages au cinéma», ou encore l'art de la subjectivisation, comme le nomme le chercheur Adnen Jdey, qui animera une rencontre autour des «déconstructions du cinéma», en compagnie de l'invitée du festival, la chercheuse et cinéaste égyptienne Safa Fathy. Le thème de la manifestation fera également l'objet d'une rencontre avec le chercheur tunisien et enseignant à l'université Paris 3, Kamel Regaya. Quatre des sept films programmés à Tunis seront projetés au Kef et à Bizerte. La clôture sera la même pour les trois régions, sous forme d'un concert du groupe à la formation internationale «The beyond borders band», dirigé par le compositeur et luthiste tunisien Fadhel Boubaker. Les films programmés ont obéi à des critères de sélection. «Nous essayons, depuis deux ans, de programmer des films empreints de recherche esthétique, et dont la forme et le fond rejoignent notre thématique», a résumé Ramzi Laâmouri pendant la conférence. Cette sélection a quand même été critiquée pour l'absence de films tunisiens, ce a quoi les membres du bureau ont répondu que la Ftcc programme des films dans ses ciné-clubs pendant toute l'année, dont plusieurs tunisiens, mais que la programmation de Cinéma de la paix ? reste liée au thème, sans aucun complexe de nationalité. Pour sa quinzième édition, la manifestation est venue annoncer du nouveau pour elle comme pour la fédération tunisienne des ciné-clubs. Outre la décentralisation, il y a toute une restructuration de la fédération et une réorganisation de la manière dont Cinéma de la paix ? est organisé qui se mettent en place, avec plus de présence pour les ciné-clubs de l'intérieur. En tout, 45 membres se penchent sur cette manifestation, avec un budget de 40 mille dinars, dont une part non encore annoncée sera assurée par une subvention du ministère de la culture. La Ftcc lance également un projet de projections filmiques dans les prisons, intitulé «En quête d'autres regards», en partenariat avec la ligue tunisienne des droits de l'Homme, le ministère de la justice et l'association française « Les yeux de l'ouïe », qui œuvre pour la même cause. Avec ses films qui posent des questions plus qu'ils ne donnent de réponses, ses rencontres et ses débats, Cinéma de la paix? revient cette année avec la même interrogation autour des significations de la «paix» et autour des questionnements que partage tout un chacun sur le sens de la vie et sur comment elle pourrait être vécue, loin des certitudes et des réponses toutes prêtes. Les détails du programme sont consultables sur le site web de la Ftcc : www.ftcc.org.tn/