Par Abdelhamid Gmati Les attentats terroristes qui se multiplient, notamment ceux perpétrés en France et plus récemment aux Etats-Unis, ont suscité l'émoi en Occident. En résulte une sorte de libération du discours antimusulman et anti-islam d'une violence inédite. Si le candidat à la présidentielle américaine, Donald Trump, veut interdire l'entrée des musulmans aux Etats-Unis, l'Australien Tony Abbott, lui, parle de «supériorité» de la culture occidentale. Plusieurs autres personnalités et plusieurs médias mettent les musulmans à l'index, comme si tous les musulmans étaient des terroristes. Et on oublie que le plus grand nombre des victimes de ces attentats sont des musulmans. Il se trouve aussi que plusieurs personnalités, notamment américaines, ont réagi à ces propos outranciers. Ainsi, le fondateur et patron de Facebook, Mark Zuckerberg, écrit : « Je veux joindre ma voix à celles qui soutiennent les musulmans de notre pays et du monde entier ». L'ex-gloire de la boxe mondiale, Mohamed Ali, croit que « nos dirigeants politiques devraient utiliser leur position pour faire progresser la compréhension de la religion islamique et pour dire clairement que ces meurtriers égarés ont perverti les idées des gens sur ce qu'est l'islam ». En Grande-Bretagne, une pétition sur le site du Parlement britannique appelant à empêcher l'entrée de Donald Trump au Royaume-Uni avait recueilli plus de 260.000 signatures, en quelques jours. Il n'en reste pas moins que certains se posent la question : l'islam est-il une religion de paix ou de violence ? Il se trouve que les textes «saints », qu'il s'agisse de la Bible ou du Coran, sont eux aussi pointés du doigt pour leurs passages violents. Un certain nombre d'églises chrétiennes et de courants du judaïsme sont engagés dans un travail d'interprétation et de hiérarchisation de leur «corpus». Historiens, philosophes, psychanalystes ou théologiens ont multiplié les études sur cette question. Il en ressort plusieurs constats dont voici quelques-uns. Il est indéniable que les trois religions se veulent des religions de paix et comportent plusieurs commandements bannissant la violence. Le «Tu ne tueras pas», du sixième commandement de la Bible, correspond à plusieurs sourates du Coran. «Eloignez-vous des péchés abominables, apparents ou cachés. Ne tuez personne injustement. Dieu vous l'a interdit» (sourate des «Animaux») ; «Ne détruisez point la vie que Dieu a rendue sacrée» (sourate « Al Isra »). Mais il se trouve aussi que le sacré produit de la violence. Témoins, toutes ces guerres de religions qui ont émaillé l'histoire de l'humanité. « Cela a toujours existé, quelles que soient les civilisations et les époques. Les panthéons des religions monothéistes sont remplis de dieux de la guerre. La religion est utilisée comme vecteur de légitimation de la violence quand elle «sanctifie» un combat terrestre: l'appel au jihad dans l'islam; la défense d'un territoire symbolique (par exemple le Kosovo, berceau de l‘orthodoxie serbe); la «colonisation» d'espaces considérés comme sacrés en Cisjordanie par les militants religieux juifs. C'est au nom de la religion qu'on mobilise ainsi, qu'on embrigade, qu'on galvanise des troupes, qu'on pousse des militants radicaux à la mort ». Il est évident que les terroristes d'aujourd'hui obéissent à cette logique. La religion est étrangère à ces «jihadistes». Pour légitimer leurs actes, leur «guerre», leurs «attentas-suicide», leurs «viols», leur «jihad ennikeh», leurs «exactions», ils cherchent, ils inventent une justification dans la tradition et dans l'interprétation des textes sacrés. Il est bon à rappeler, comme le précisent certains chercheurs, que « Dans l'histoire de l'islam, le «jihad» comme lutte armée n'a été justifié qu'au VIIe siècle, au moment des «persécutions» de Mohamed et de ses compagnons par les Mecquois, et au moment des croisades. Le terme de «guerre sainte» n'existe pas dans l'histoire arabe, ni même dans la langue arabe. Mohamed parle de «petit jihad» pour désigner la défense, par les armes, de la patrie ou de la foi en danger. Et il le distingue du «grand jihad» (al jihad-I-akbar ou al jihad An Nafs), qui veut dire effort de volonté du bon musulman luttant contre ses mauvais instincts. Dans une juste interprétation de l'islam, le jihad n'est rien d'autre que cette discipline, cette volonté tenace du croyant musulman dans le combat du Bien contre le Mal. Il n'y a pas plus explicite. Mais les préjugés sont tenaces. Une expérience tentée par deux Néerlandais l'indique. Les deux jeunes hommes proposent à des passants de réagir sur des passages d'un livre présenté comme le Coran, alors qu'il s'agit en fait de la Bible. Ils ont proposé des passages de la Bible parmi les plus polémiques comme ceux-ci: « Je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni de prendre de l'autorité sur l'homme » (Timothée 2 :12) ; et « Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable, ils seront punis de mort » (Lévitique 20 :13). Les interrogés ont réagi violemment et ont estimé que le Coran est plus agressif que la Bible. Et lorsqu'on leur a révélé qu'en réalité les passages proposés étaient ceux de la Bible, ils ont été surpris et ont reconnu : « Ce sont des préjugés, avoue l'un d'eux, j'essaie de ne pas en avoir, mais visiblement j'en ai. C'est inconscient ». Les médias contribuent aussi, et fortement, à renforcer ces préjugés. Et les exemples sont profusion.