Nadhir Ben Ammou : «Il revient au groupe parlementaire d'Ennahdha de décider s'il est de son intérêt ou pas de chambouler l'équilibre au sein de l'Assemblée» C'est une situation inédite à laquelle est confrontée l'Assemblée des représentants du peuple après un peu plus d'un an de son élection. Le parti victorieux des élections a implosé entraînant, comme probable dommage collatéral, la perte de la suprématie à l'intérieur de l'hémicycle. Mohsen Marzouk, dans sa rupture avec Nida Tounès, a réussi à drainer vers lui 21 députés. Un nombre susceptible d'augmenter (ou de diminuer) dans les prochains jours. C'est le député Abderraouf Cherif, l'un des partisans de la ligne Mohsen Marzouk, qui a commencé dès hier à réunir les signatures nécessaires pour l'ultime démission du parti et vraisemblablement la création d'un nouveau bloc parlementaire. 21 députés semblent avoir fait savoir leur ralliement à l'appel de Hammamet, un chiffre qui fera perdre aux nidaïstes le statut de premier parti au parlement, en faveur du parti islamiste Ennahdha. Un statut symbolique puisque d'une part, les dirigeants d'Ennahdha ont fait savoir qu'il n'avaient pas l'intention de « profiter des malheurs» de leur allié au gouvernement, et d'autre part, parce que la Constitution tunisienne, dans son article 89, énonce clairement que «le président de la République charge le candidat du parti politique ou de la coalition électorale ayant obtenu le plus grand nombre de sièges au sein de l'Assemblée des représentants du peuple», c'est donc au parti vainqueur des élections de former un gouvernement. Selon cette logique, peu importe l'éclatement ou pas de Nida Tounès, il demeurera le chef de file de la majorité jusqu'aux prochaines élections. Mais politiquement, il est évident que le parti de Rached Ghannouchi aura un pouvoir de négociation plus important, notamment à l'heure où le chef du gouvernement Habib Essid multiplie les concertations pour former un nouveau gouvernement restreint cette fois. Si du côté d'Ennahdha, Habib Essid arrive à avoir un interlocuteur unique, la tâche risque d'être moins évidente du côté de Nida Tounès. En effet, les partisans de Mohsen Marzouk estiment également qu'ils devront être consultés. Le pouvoir de négociation peut également profiter au parti Ennahdha lors de « la distribution » des présidences des commissions. Le député Nadhir Ben Ammou, élu sur les listes d'Ennahdha, a déclaré à La Presse qu'aujourd'hui, il revient au groupe parlementaire d'Ennahdha de décider s'il est de son intérêt ou pas de chambouler l'équilibre au sein de l'Assemblée. «Si Ennahdha réclame plus de commissions à présider en tant que parti disposant du plus grand nombre de sièges, alors il est probable qu'Ennahdha les obtienne», a-t-il déclaré tout en précisant que ce serait un calcul de court terme qui ne profiterait pas à Ennahdha. Autrement dit, les 21 dissidents du bloc Nida soutiennent toujours le gouvernement et les choix de leur parti initial. «Ennahdha ne peut pas compter sur eux pour passer tous ses projets de loi, ce parti a donc tout intérêt à préserver le statu quo».