Prenons le seul exemple de la vignette auto. Nous la gardons, malgré l'état lamentable de nos routes. Qui plus est, la nouvelle loi de finances réduit désormais les assureurs auto en collecteurs d'impôts. Ils se chargent de colmater les incuries des services de contrôle. La corruption, le laxisme et le laisser-aller d'autres services et acteurs les pénalisent On ne parle que des nouvelles mesures de la loi de finances. Augmentations par-ci, pénalités par-là, mesures draconiennes par ailleurs ! Slim Chaker, le ministre des Finances, a de quoi se réjouir. La poigne fiscale est de retour. A la bonne franquette. Comme au bon vieux temps. Depuis toujours, la pression fiscale a caractérisé la mauvaise gouvernance en Tunisie. Depuis le Xe siècle de notre ère. Et depuis toujours, les révoltes populaires se sont dressées en grande partie contre les pressurisations et l'acharnement fiscal. Prenons le seul exemple de la vignette auto. En France, on l'a supprimée depuis belle lurette. Pourtant, c'était une espèce de treizième mois des buralistes. Le principe de l'équité fiscale l'a emporté. Et nous la gardons, malgré l'état lamentable de nos routes. Qui plus est, la nouvelle loi de finances réduit désormais les assureurs auto en collecteurs d'impôts. Ils se chargent de colmater les incuries des services de contrôle. La corruption, le laxisme et le laisser-aller d'autres services et acteurs les pénalisent. Et qu'en est-il des mesures incitatives à la relance de l'épargne des ménages et des investissements ? Rien, ou presque. Certes, nous dit-on, la banque des régions sera opérationnelle en 2016. Notre collègue Chokri Gharbi a fait valoir, dans son article publié hier sur ces mêmes colonnes, que ladite banque «focalisera ses activités sur la mise en place d'une infrastructure économique moderne au service des entreprises». Soit. Encore faut-il que les grands projets structurants annoncés la veille de son investiture par le chef du gouvernement, M. Habib Essid, voient le jour. Et qu'en est-il de l'autoroute de l'Ouest, de la reprise du tourisme et des exportations, des mesures en faveur des BTP et des PME ? Re-rien, ou presque. En vérité, ce qui fait défaut, c'est la bonne politique. Parce que synonyme de bons choix opérationnels et non pas de simples déclarations d'intentions, si généreuses soient-elles. Les finances, au bout du compte, ne sont que des attributs de la politique, ses accessoires en quelque sorte. Lorsqu'elles deviennent la politique, particulièrement sous nos cieux, les effets contreproductifs et pervers deviennent la règle. «Faites-nous de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances», a dit le baron Louis à l'adresse de Louis-Philippe en 1830. Le baron Louis était ministre des Finances en France à maintes reprises depuis 1814. Il avait servi sous Louis XVIII et Charles X. Le nouveau roi l'avait maintenu. Il avait réussi la prouesse de sauvegarder le crédit de l'Etat plus de vingt ans durant, malgré les convulsions politiques. Il affichait sa conviction que seule une sage administration du pays pouvait inspirer confiance aux épargnants et faire affluer l'argent dans les caisses publiques. Ses propos étaient clairs : «Gouvernez, gouvernez bien et vous ne dépenserez jamais autant d'argent que je pourrai vous en donner. Faites-nous de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances.» Ici et maintenant, MM. Slim Chaker et consorts semblent plus enclins à nous faire de la mauvaise politique que de bonnes finances. D'ailleurs, Slim Chaker est l'un des principaux ténors de la grave crise scissionniste que connaît Nida Tounès, principal parti de la coalition gouvernementale. Il s'affiche volontiers comme tel et d'une manière on ne peut plus ostentatoire de surcroît. Lorsqu'on est fin politicien, on est immanquablement politicien de métier. Autrement, la politique politicienne improvisée ne donne que des politicards. Et Dieu sait que, comme la mauvaise monnaie chasse la bonne, la mauvaise politique produit de mauvaises finances.