Une petite esquisse de ce qu'« idéalement» pourrait être la composition d'un gouvernement de compétences Le chef du gouvernement Hamadi Jebali a annoncé sa volonté de former un gouvernement de technocrates dont aucun membre, y compris lui-même, ne se présentera aux prochaines élections. «Je n'ai consulté aucun parti, n'obéissant qu'à ma conscience et à mon sens du devoir national», a-t-il souligné. Il a précisé, au passage, que ce remaniement touchera tous les portefeuilles, dont les ministères de souveraineté, et permettra de constituer un gouvernement de taille réduite. Indépendamment des surenchères politiciennes et des considérations constitutionnelles que cette annonce a suscitées, il n'est pas interdit de tenter une petite esquisse de ce qu'idéalement pourrait être la composition d'un gouvernement de compétences appelé à gérer, en toute indépendance, les affaires du pays et à réaliser autant que possible les objectifs de la révolution. Nous nous pencherons ici seulement sur la facette économique et technique du futur gouvernement, sachant que la célèbre apostrophe «Faites-moi la bonne politique et je vous ferai de bonnes finances», du Baron Louis, ministre des Finances de Louis XVIII , résume à elle seule tout l'inconfort et l'immensité de la tâche qui attend toute nouvelle équipe gouvernementale et qui attend, en particulier, les compétences qui auront à gérer les dossiers économiques et financiers. Et ce ne sont, à cet égard, pas les priorités qui manquent, en termes de développement social et économique et en termes de réformes structurelles à engager. Seulement, il s'agit aujourd'hui, et en priorité, de redresser l'économie nationale et de redonner confiance à la sphère de l'investissement, aussi bien national qu'étranger. Il nous faut, en effet, redresser les fondamentaux de l'économie, d'autant que les finances publiques sont au bord d'un glissement périlleux pouvant remettre en cause le respect des engagements, rendre encore plus difficile l'accès aux financements extérieurs, accélérer le glissement du cours de change (- 6,3% en 2011 et 2012) et nécessiter l'intervention des institutions financières internationales. Le déficit budgétaire s'élèvera en 2013 à 8,2 % et l'endettement extérieur passera à 48%. A cela s'ajoutent les difficultés du système bancaire, plombé par près de 10 milliards de dinars de crédits classés, et menacé dans sa liquidité et sa capacité de financer l'entreprise. Les priorités ont sans doute pour noms : emploi, justice sociale, investissement et développement régional, mais répondre à ces priorités nécessite au préalable un «assainissement» de l'économie nationale. Il est pour cela impérieux de dépolitiser l'économie, d'arrêter des choix clairs et audacieux en matière de développement et de conférer à la nouvelle équipe gouvernementale réduite une grande cohérence, une intime cohésion et une efficience dans l'action. La création d'un grand ministère regroupant le Plan et les Finances aura, à cet égard, le mérite d'assurer cette cohésion, de chapeauter et de rayonner sur l'ensemble des ministères dits techniques. Un regroupement de certains ministères techniques (Equipement, Transport, Emploi et Formation professionnelle, Education et Enseignement supérieur, Industrie et investissement...) répondra également à ce souci de cohérence et d'efficience de l'action gouvernementale. Il faudrait aussi avoir le courage de poser la question de la pertinence de certains ministères dont la mission peut être mieux remplie par une structure plus légère, souple et donc plus réactive, à l'image de certains offices. On l'aura compris, l'essentiel est dans la capacité et la propension du nouveau à faire converger, par le biais d'un super ministère du Plan et des Finances, les efforts de tous les autres départements vers le redressement de l'économie nationale en priorité et, ce faisant, vers la réalisation des objectifs de la révolution dans les domaines économique et social.