Le parti Al Kotb appelle à éviter le recours aux sanctions pénales, préférant les peines de substitution à l'emprisonnement Bien qu'il ne soit pas encore rendu public, ni déposé au bureau de l'ARP et bien qu'adopté lors d'un Conseil des ministres, le nouveau projet de loi relatif à la drogue continue à faire débat et susciter une grande polémique. « Al Kotb », un des partis coalisés au sein du Font populaire, n'a pas fini de le remettre en cause, défendant, à cor et à cri, sa propre initiative proposée, il y a quelque temps déjà. Lors d'une conférence de presse, tenue hier à Tunis, la troisième portant sur ce sujet, une lecture critique du projet de loi initié par le ministère de la Justice a été faite en parfaite comparaison avec celui présenté par Al Kotb, dont des copies ont été adressées à la présidence de la République, au chef du gouvernement et au bureau de l'ARP. L'objectif est de mettre en évidence les paradoxes juridiques, thérapeutiques, préventifs, répressifs, mais aussi politiques que soulève la lutte anti-drogue. Toutefois, avant même que la version initiale de ce projet de loi ne sorte du bureau de M. Essid, les réactions des uns et des autres ont fusé de partout. Et les déclarations et contre- déclarations n'ont point hésité à nourrir un tapage médiatique non stop. Justement, les critiques d'Al Kotb s'inscrivent dans cette vague de contestation et qui sont, aux dires de ses ténors, fondées sur certaines indiscrétions, mais aussi sur de simples révélations d'ici et d'ailleurs. Pas plus. Faute d'informations bien fournies sur ce texte de loi tel que conçu par le gouvernement Essid, certains vont jusqu'à croire qu'il s'agissait, peut-être, d'un ballon d'essai afin de tâter le pouls. Ou, dirait-on encore, d'un manque de transparence et de communication. En tout état de cause, Al Kotb s'est, depuis quelques mois, lancé dans une campagne de sensibilisation ayant pour mot d'ordre « qu'on change la loi 52/92 ». Celle-là est la loi de Ben Ali promulguée en 1992 portant sur les stupéfiants, revêtant un aspect plutôt répressif que curatif. Par le temps qui passe, cette loi, étant devenue caduque, n'a plus cours aujourd'hui en Tunisie post-révolution. D'où l'unanimité qu'il y a pour la réformer radicalement. Avec inversement de tendance législative vers une autre dimension curative et préventive, proprement dite. Les procédures juridiques, foncièrement, liberticides sont, alors, de plus en plus rejetées. Tout comme la proposition avancée par le parti frontiste (Al Kotb) qui met en avant l'intérêt du consommateur des stupéfiants, le qualifiant de véritable victime des trafiquants. Son projet de loi, tel que déposé auprès des trois présidences, s'intitule « prévention et prise en charge des dépendants à la drogue et lutte contre son trafic illicite ». La défense de son choix est due essentiellement à l'amplification du phénomène dont la surconsommation n'est plus à démontrer. Selon des estimations chiffrées, recueillies de source associative, l'on recense quelque 320 mille consommateurs en Tunisie. Cela s'explique, également, par le nombre des dealers sans cesse croissant et dont les gains sont estimés à 840 millions de dinars au total. Un huitième de ce montant faramineux a été dépensé dans la chasse aux consommateurs. Pour toutes ces raisons, les considérations thérapeutiques l'emportent sur la forme répressive de la politique de lutte antidrogue. En comparaison avec celui du gouvernement, le projet de loi proposé par Al Kotb semble focaliser sur la notion de conscientisation pour éviter le recours aux sanctions pénales. Il propose une amende de mille dinars pour consommation une seule fois et de 2 mille jusqu'à 5 mille dinars en cas de récidive, préférant, du reste, la peine substitutive à l'emprisonnement. Outre ces divergences d'idées et de visions, il y a aussi certaines convergences entre les deux projets de loi, s'agissant notamment de l'échec de la loi 52 à réduire l'ampleur du phénomène, la lutte contre les passeurs et les revendeurs de la drogue, ainsi que de l'intérêt accordé à la question de prise en charge thérapeutique et psychophysiologique des catégories vulnérables. En guise de recommandations, le parti plaide pour une grâce imminente en faveur des détenus pour avoir consommé du cannabis et une amnistie générale pour ceux jugés en vertu de la loi 52. Il a aussi appelé à supprimer de leurs registres judiciaires la mention du crime de consommation.