Les aléas sportifs sont trop importants, trop contraignants pour attirer les investisseurs. Et comme dans les affaires on déteste l'incertitude, les clubs en Tunisie restent sous-valorisés parce qu'ils perdent de l'argent. Un club de football, c'est une marque, une réputation, une base de supporters, une histoire, parfois un mythe. Il mobilise les masses et peut gratifier d'une publicité planétaire. Ici et là, il est perçu comme un levier d'actions prioritaires, véhiculant des valeurs positives et offrant une visibilité de premier plan. Il permet de placer par conséquent ses différents partenaires dans le paysage sportif, mais aussi social à moindres frais. S'il est difficile de lui attribuer une valeur, ou encore des actifs évalués, la popularité grandissante du football ne laisse pas indifférent. Elle est susceptible aujourd'hui d'amener les entreprises et les hommes d'affaires à y consentir des investissements importants. Dans le cadre de la diversification économique, le football peut aussi constituer un moteur de croissance évident. Comment valoriser financièrement le football? Que vaut un club ? Le football peut-il être une activité rentable et un produit d'investissement? Comme souvent, les réponses à apporter dépassent en complexité la simplicité des questions. Pour les investisseurs, notamment là où le football remue fortement les passions, les indicateurs importants se situent plutôt au niveau des lignes comptables des clubs. Le niveau d'endettement, le résultat net sur les saisons ou encore les liquidités disponibles et les actifs sont observés scrupuleusement pour établir une offre. Le contexte externe est également évalué tel que l'évolution des droits de télévision du championnat en question ou encore la pression concurrentielle. Dans la littérature sportive et dans les pays qui ont de grandes traditions de football, les clubs sont très souvent valorisés en fonction de leurs effectifs. Une valeur de marché est ainsi accordée à chaque joueur composant l'effectif et le club acquiert alors la valeur sommée de l'ensemble de ses joueurs. Si cette méthode permet de déterminer une hiérarchie sportive en fonction des forces en présence, elle ne repose en revanche sur aucune logique financière dans la mesure où le joueur est un actif volatil, lié au club par un contrat de courte durée n'excédant jamais six ou sept ans. La valeur des actifs des clubs est ainsi trop incertaine. Quoi de plus imprévisible qu'une blessure. Les résultats de matches le sont aussi tout autant. Et la sanction est immédiate: les joueurs ne sont plus là, les résultats ne suivent plus et riment avec baisse de la billetterie et des revenus liés au sponsoring. Les flux attendus sont par nature incertains. Les profits réalisés par le passé et les choix pour le futur donnent une certaine idée des résultats financiers à venir. Ne pas investir à fonds perdus Les clubs tunisiens ont la valeur de ce qu'ils possèdent. Mais que possèdent-ils au juste, lorsqu'en Tunisie les stades appartiennent aux municipalités et que la valeur des joueurs fluctue selon leurs performances, leur compétitivité et leur persévérance? La Ligue 1 n'a pas réellement le potentiel pour attirer les investisseurs. Leur implication a été souvent synonyme de déception. Quand on investit à fonds perdus, on peut forcément parler de dopage financier. Perdre de l'argent de manière récurrente n'est pas sain. Le jour où le pourvoyeur se casse, les acquis du club, ses nouvelles normes et son système risquent d'être sérieusement endommagés. C'est ce que l'on craint justement pour le Club Africain après que son président eut placé la barre de la gestion très haut et actionné la pompe. La priorité du football tunisien est de retrouver une compétitivité plus que jamais perdue, réinitialiser un cercle vertueux, trouver des financements aux activités sportives qui dépendent encore et toujours des traditionnelles subventions du ministère de tutelle, des municipalités, des gouvernorats, des dons d'entreprises et d'hommes d'affaires, sécuriser les places au classement FIFA et CAF et diffuser ses images un peu partout. Les aléas sportifs nous paraissent encore trop importants, trop contraignants pour attirer les investisseurs. Et comme dans les affaires on déteste l'incertitude, les clubs en Tunisie restent sous-valorisés parce qu'ils perdent de l'argent. Leur gestion financière s'est puissamment dégradée. Ils dépensent beaucoup plus qu'ils ne gagnent. En matière de placement, on sait souvent ce que cela coûte, ce que cela génère, mais on ne sait pas bien ce que cela vaut. Alors, il ne s'agit pas seulement de savoir ce que vaut un club, mais de déterminer ce que vaut un investissement. Tant qu'un club n'est pas rentable, sa valeur n'est qu'estimation. Ainsi, des agences réputées en Europe, telles que «Forbes», «Brand Finance», ou encore «Deloitte», sortent-elles annuellement des classements des équipes selon leurs revenus, leur valeur ou encore leur capital de marque. Manchester United est considéré comme le club le mieux valorisé, tous sports confondus. Un avis qu'il faut nuancer : le football tunisien, qui ne s'est jamais réconcilié avec l'argent, serait une activité non rentable. Le statut des clubs oscille entre amateurisme et professionnalisme dit «non-amateurisme». Les clubs sont considérés par les textes en vigueur comme des associations qui ne doivent pas se faire de l'argent. Tant que les recettes ne viennent pas essentiellement de l'activité du club, la perspective de croissance n'est pas colossale. Mais un club qui fait de vraies recettes et qui gère bien ses charges peut cependant dégager du profit. Ceux qui suivent une certaine logique d'investissement sont toutefois davantage liés à leurs résultats sportifs. Mais d'une façon générale, les clubs tunisiens ne peuvent plus survivre et avoir une ambition sportive sans un actionnariat à la surface financière la plus adaptée.