C'est à une prestation unique de la chanteuse algérienne Nessima Chaâbane que les rares, très rares spectateurs (à peine une centaine) du Théâtre municipal ont finalement eu droit, mercredi soir, à l'occasion de la troisième soirée du Festival de la Médina. Pas de concert «bi-directionnel» (rencontre des maloufs algérien et tunisien), ni «d'autre visage du malouf», comme annoncé, pompeusement, dans la brochure. Pas d'intervention notable de la cithariste, enseignante à l'ISM, Khédija El Ifrit présentée pourtant comme tête d'affiche… Si peu de malouf même, juste une instrumentale (istiftah) et une courte wasla «sika» en guise d'ouverture, et puis que des morceaux du répertoire dit hawzi , chansons du zajal populaire, très pratiquées en Algérie et spécialement à Annaba et à Constantine. Pourquoi ce changement de programme? Et pourquoi habiller d'un intitulé savant et d'explications sophistiquées ce qui n'était qu'un simple récital de chant? Et que gagne-t-on à induire en erreur les médias? Les organisateurs nous doivent une réponse. De même, croyons-nous, doivent-ils s'interroger sur les raisons d'une fréquentation aussi modique, déjà dès le commencement du festival? L'audience diminue au «Médina» de Tunis, c'est palpable depuis les deux ou trois dernières éditions. Et le contenu artistique ne correspond plus, d'une manière générale, au prestige et aux ambitions déclarées d'une telle manifestation. La réaction semble tarder encore, on ne le comprend toujours pas. On en a connu de meilleures Le récital maintenant : de quelle facture était-il? Ordinaire, pas plus. On a apprécié les hawziats, en tant que telles, le genre est attractif, c'est connu : textes pointus, rythmes ondoyants, mélodies simples et prenantes, tantôt allègres, tantôt mélancoliques. La qualité spécifique du hawzi algérien réside dans l'adaptations de la prosodie et des accents populaires aux modèles musicaux andalous. Du malouf de terroir pour ainsi dire. Nous en avons de similaire dans le chant traditionnel tunisien, mais l'approche n'est pas aussi systématique, nos chansons zajal ne constituent pas une catégorie autonome, elles interviennent, souvent (le regretté maître Tahar Gharsa les a remis au goût du jour dans les années 60) comme agréments tatriz à certaines suites libres (achghals) de malouf. Bon travail, aussi, du quintette orchestral : belle sonorité d'ensemble, typique, avec ce juste alliage des timbres guitare et luth, auquel se sont joints avec finesse et agilité les tons de la cithare de Khédija El Ifrit (une révélation vraiment!) Réserves, en revanche, sur la voix comme sur l'interprétation de Nessima Chaâbane. La voix est acérée, un zeste métallique, en manque manifeste de couleurs (zakharefs) surtout, alors que le chant en Algérie se distingue par plein de modulations et de «vibratos». On en a écouté de bien meilleures, franchement, Bahja Errahal par exemple, ou mieux, la succulente et si agréablement tumultueuse, Fella. Et que dire de l'interprétation, sinon qu'elle s'appliquait constamment à la justesse (limite parfois), et qu'elle ne réussissait pas, en conséquence, à exprimer les riches subtilités du répertoire traditionnel algérien. Seul vrai mérite de Nessima Chaâbane, lors de cette soirée du mercredi 18 août au Théâtre municipal de Tunis : celui d'avoir fait face quand même à l'épreuve d'une salle dégarnie et d'un auditoire sans grand répondant. Professionnelle envers et contre tout. Ça n'était pas peu!