Sous la direction du chef d'orchestre —et compositeur— Fethi Zghonda, la Rachidia, qui s'est fait très discrète ces derniers temps, a donné, samedi dernier, au Théâtre municipal, son récital périodique habituel qui a attiré un nombreux public ayant quasiment rempli la Bonbonnière, jusqu'au deuxième balcon. Au menu de la soirée, des séquences de noubas (sortes d'œuvres complètes répertoriées par modes ou maqâms), des bachrafs (forme instrumentale traditionnelle d'origine turque) ainsi que de célèbres chansons qui font partie du répertoire musical traditionnel et qui, merveilleusement interprétées, ont plongé l'assistance dans une ambiance cent pour cent tunisienne. La soirée débuta avec un prélude (istiftah) dans le mode «assbaîn», une pièce instrumentale caractérisée par un rythme lent qui devient par la suite de plus en plus rapide. Exécutée avec beaucoup de justesse, elle a tout de suite mis l'auditoire «en condition» pour ce qui allait suivre. La troupe, réunissant plus de vingt instrumentistes et seize choristes habillés à la traditionnelle (jebba et koftane), a enchaîné avec un barwel et des airs classiques du malouf, où les sons du luth, du qânun, du nay, des percussions, des nagharat (deux parties timbales jouées à l'aide de deux baguettes), des violons, violoncelles et de la contrebasse, distincts et parfaitement audibles, ont offert à la chorale les meilleures conditions pour l'interprétation les merveilles du classique tuniso-andalou. Le spectacle s'est poursuivi avec la jeune Balquis qui a repris la célèbre chanson de Salah Mehdi qui fit, entre autres, la popularité de la grande Naâma, Ya zin essahra. Par sa voix forte et expressive, la chanteuse à chaviré le cœur du public qui l'a longuement applaudie. Retour à un «bachraf, harbi nawasi», un morceau qui se caractérise par une rythmique irrégulière, joué avec brio par l'ensemble qui a montré des qualités de virtuoses, et à un intermède de mowachahat, dans le mode h'ssine, interprétés comme il se doit par la chorale. La seconde partie de la soirée a été assurée par deux merveilleuses voix, Noureddine Béji et Najha Jamel, qui nous ont gratifiés de quelques chansons et airs puisés dans le répertoire classique. Sous un tonnerre d'applaudissements, le premier, invité d'honneur de ce récital, nous a offert un morceau du malouf, «foundou, chouchana», qui a précédé deux autres chansons très connues, à savoir Allah maâna (Dieu est avec nous) du célèbre Mohamed Jamoussi et El bareh nihlim bil ghanja (hier, j'ai rêvé de la brune) du non moins célèbre Sadok Thraya. L'excellent jeune violoniste Anis Klibi nous a, à son tour, présenté son nouveau morceau intitulé Joudhour (racines), très bien exécuté avec le soutien actif du reste des violonistes, du luth et de la flûte, notamment. Quant à Najha Jamel, elle a comblé l'assistance avec trois chansons de l'inégalable Saliha, Na wi'jmali frida (seule avec mes chameaux), Mâ'l âzzaba (avec les célibataires) et Mridh féni (malade à en mourir). Le spectacle s'est achevé avec l'exécution de deux morceaux instrumentaux aux accents à la fois tunisiens et orientaux. Composés par Fethi Zghonda, Achraqa al badrou al moufadda et Nama damï min ouyouni sont venus, avec des rythmes tantôt courts, tantôt lents, enchanter un public conquis de bout en bout. Bon retour à la Rachidia et au malouf.