Avec une Constitution et une loi électorale taillées sur mesure, le refus de la mise en place de la Cour constitutionnelle, les partis politiques, éclaboussés par des scandales de financement occulte et des alliances contre nature, ne sont plus au service du peuple. Ils s'apparentent beaucoup plus à une machine à décevoir, à perdre et à détruire les rêves des jeunes qui ont cru à des lendemains meilleurs. Un nouveau parti politique vient d'être créé à la fin de cette année au moment où le sentiment de désamour grandit et sépare les formations partisanes d'une très large frange de la majorité de la population après une décennie marquée par les «alliances contre nature» entre des partis obnubilés par le pouvoir et l'installation d'une démocratie illusoire. Le député Mabrouk Korchid vient d'annoncer officiellement la création de son parti «Arraya Al Watania» portant le nombre des partis politiques en Tunisie à 245. Après le multipartisme de façade, le pays vit l'overdose avec des partis totalement absents de la scène, sans aucune activité et des hommes politiques qui s'éclipsent après chaque camouflet électoral et resurgissent sur la scène selon les fluctuations politiques. La question qu'on est en droit de se poser est la suivante: A quoi servent aujourd'hui les partis politiques et pourquoi leur nombre est toujours en nette augmentation en dépit du manque de confiance des électeurs à leur égard. Les partis politiques, un mal nécessaire? On pourrait bien deviner l'importance des partis politiques rien qu'à voir le défilé des organismes internationaux dans la Tunisie post-révolution sous prétexte de jeter les assises d'une démocratisation durable de la vie politique à coups de projets et de programmes gracieusement financés, mais qui, paradoxalement et tout compte fait, n'ont servi qu'à accroître et ancrer encore plus le sentiment de défiance à l'égard de la politique (et ses hommes) dans notre pays. Plus le nombre des partis politiques augmentait, plus le nombre des militants baissait. Les dirigeants changeaient d'un camp à l'autre, au gré des alliances et des divisions de circonstance. Le «tourisme politique» de nos parlementaires a conduit au désenchantement et à l'exaspération du citoyen. De l'implosion, certains partis politiques sont passés à l'éclatement. La dissolution du Rassemblement constitutionnel démocratique après la Révolution a profité au parti islamiste Ennahdha et autres mouvements populistes. La montée d'Ettakattol de Ben Jaâfar et du CPR présidé par Moncef Marzouki ne fut que de très courte durée suite au règne chaotique de la Troïka. En Tunisie et ailleurs, la gauche a connu un déclin de militantisme, elle est comparée à un «grand cadavre à la renverse». Elle n'est plus de ce temps. Pour le parti islamiste, c'est inéluctablement la fin après dix années de pouvoir durant lesquelles il n'a jamais pu retenir la leçon. Aujourd'hui, il est rattrapé par un passé peu reluisant et son prochain congrès n'intéresse plus ni les adhérents, ni les dirigeants dont la majorité a démissionné des structures du parti. Le vent a tourné pour Ennahdha comme pour la majorité des partis politiques. Seul le Parti destourien libre (PDL) fait — pour le moment — exception, avec à sa tête Abir Moussi. Mais que vaut ce parti sans sa cheffe, se demandent des observateurs de la vie politique qui estiment aussi que l'exercice du pouvoir pourrait bien éroder son capital confiance. La dégringolade des partis politiques après l'overdose de démocratie dans la Tunisie post-révolution ne souffre aujourd'hui d'aucun doute. Les taux de participation qui ne cessent de régresser d'une échéance électorale à l'autre et la montée en puissance des listes indépendantes ne font que confirmer le divorce entre les citoyens et les partis politiques. En 2008, la Consultation nationale sur la jeunesse a démontré qu'environ 83 % des jeunes n'étaient pas intéressés par la vie politique et que 64% ne se sentaient pas concernés par les élections. Après 2011, la situation n'a pas changé pour les jeunes. Les formations partisanes qui ont essaimé sur tout le territoire étaient complètement déconnectées des attentes et aspirations des citoyens. La quête du pouvoir comptait beaucoup plus pour les partis politiques. 68% des citoyens n'ont pas déclaré leurs intentions de vote selon un sondage effectué par Emrhod Consulting. Kaïs Saïed, l'antisystème, ou l'apolitique fait toujours cavalier seul dans les intentions de vote. En dépit de ce constat alarmant relatif à un paysage politique gangrené et éclaté, des fondations étrangères ne cessent de ressasser sans fin les vieilles et mêmes recettes des principes fondamentaux inhérents à la construction démocratique sans tenir compte des particularités de certains peuples, se contentant d'un copier-coller qui s'avère souvent très lourd de conséquences. «Une démocratie moderne et représentative n'est pas envisageable sans partis», souligne l'une des fondations très active dans notre pays et qui assure des cycles de formation pour les futurs dirigeants des pays. Le rapport de la mission d'observation des élections jeté aux oubliettes ! Indubitablement, la défiance des électeurs à l'égard des formations politiques avait énormément contribué à la victoire d'un candidat indépendant à la présidentielle de 2019. Ceci a été par ailleurs confirmé dans le rapport final de la Mission internationale conjointe d'observation des élections (MOE). «Le nouveau président tunisien, le constitutionnaliste Kaïs Saïed, a mené une campagne peu conventionnelle, se présentant comme un exclu non partisan qui allait inaugurer une période d'intégrité et de responsabilité envers le peuple», souligne ledit rapport. Et d'ajouter que «dans l'ensemble, la participation électorale a diminué par rapport aux élections de 2014. Cette baisse a été la plus prononcée pour les élections législatives, où le taux a diminué de 26 points de pourcentage (…) Quelle qu'en soit la raison, la participation électorale suggère que les partis politiques et les représentants élus doivent répondre à un corps d'électeurs frustrés par la perception de la corruption, et sont désillusionnés par l'ordre politique existant et les partis politiques établis». Parmi les recommandations mentionnées dans ce rapport, il est question que les candidats se conforment aux mesures établies pour faire respecter le cadre juridique autour des élections. «En particulier, les partis politiques devraient démontrer publiquement leur engagement en faveur de la transparence de la vie publique tunisienne en se conformant à la réglementation sur le financement des campagnes et en présentant tous les documents nécessaires concernant les dépenses de campagne», ce qui n'a jamais été pris en considération par des formations partisanes obnubilées par le pouvoir. Notons aussi que la Mission d'observation a recommandé que «l'Isie et la Cour des comptes examinent en profondeur la réglementation relative au financement des campagnes et veillent à ce que les sanctions imposées soient appliquées en temps utile». Un point que le Président de la République n'a cessé de soulever ces derniers temps. Avec une Constitution et une loi électorale taillées sur mesure, le refus de la mise en place de la Cours constitutionnelle, les partis politiques, éclaboussés par le financement occulte et les alliances contre-nature, ne sont plus au service du peuple, ils s'apparentent beaucoup plus à une machine à décevoir, à perdre et à détruire les rêves des jeunes qui ont cru à un lendemain meilleur.