Par Soufiane Ben Farhat La France est à l'étroit dans ses chaussures européennes. Etrange posture pour un pays qui affiche volontiers sa volonté d'assumer, avec l'Allemagne, le rôle de locomotive de l'Europe. Ces derniers jours, la France subit les tirs groupés et croisés des instances tant internationales qu'européennes. L'opinion mondiale est, elle aussi, en émoi. Et pour cause. La France poursuit sa politique de démantèlement des camps occupés par des Roms et leur renvoi manu militari en Roumanie ou en Bulgarie. De nouveau, le spectre des charters du retour forcé hante les consciences communes. Mais cette fois, plutôt que Bamako ou quelque ville africaine subsaharienne, la destination est européenne. Jeudi dernier, 86 personnes ont été rapatriées par avion. Le lendemain, un nouveau groupe de 130 Roms a été reconduit en Roumanie. Le 26 août, 160 autres gens du voyage devront être rapatriés à partir de Paris. Le ministre français de l'Intérieur Brice Hortefeux avait annoncé ce week-end que le gouvernement français compte démanteler 300 camps illégaux dans les trois mois et renvoyer 700 Roms. Eric Besson, ministre français de l'Immigration, a indiqué quant à lui qu'environ 850 personnes seraient reconduites dans leur pays au mois d'août. Fin juillet, le Président français Nicolas Sarkozy avait annoncé le durcissement de la politique française envers les Roms, dont le nombre s'élèverait à 8.500 personnes en France. Déjà, le 12 août, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU (Cerd) s'est élevé contre les récentes mesures politiques françaises en matière de sécurité. Il a dénoncé une discrimination notoire et une incitation à la haine. Composé de dix-huit experts élus par les Etats parties, le Cerd est chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale par les 173 pays signataires. De son côté, Mevlüt Cavusoglu, président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, a estimé que les mesures prises en France "risquent fort d'attiser les sentiments racistes et xénophobes en Europe. Certains groupes et gouvernements profitent de la crise financière pour capitaliser sur les peurs engendrées par l'assimilation des Roms à des criminels, en choisissant un bouc émissaire qui représente une cible facile", a-t-il dit dans un communiqué diffusé vendredi. Les officiels français assument. Ils défendent leur option sécuritaire mordicus, bec et ongles. "Nous n'avons pas vocation à accueillir en France tous les Roms de Roumanie et de Bulgarie", a dit Brice Hortefeux. Il s'en est pris au "petit milieu politico-médiatique parisien" et aux "milliardaires de gauche" critiquant son action. Auparavant, Eric Besson avait déclaré que "la France n'a pas de leçon à recevoir" en matière de droit des étrangers. Pour nombre d'observateurs, la majorité gouvernementale française stigmatise volontiers la communauté des Roms dans le seul but de chasser sur les terres du Front national. Avec, en toile de fond, l'élection présidentielle de 2012. Le député PS, Arnaud Montebourg, a même dénoncé "une sorte de racisme officiel". Un "racisme d'Etat" renchérit la députée européenne Eva Joly. "C'est la première fois de l'Histoire qu'un chef d'Etat élu démocratiquement désigne des groupes ethniques à la vindicte populaire", a-t-elle dit. "J'ai honte pour mon pays", rajoute l'eurodéputé PS, Vincent Peillon. "A nouveau, on a voulu occuper l'été avec des sujets qui ne sont pas des vrais problèmes de la France et dans des termes qui jouent sur les plus sordides passions". En fait, parce que citoyens européens, rien n'interdit aux 850 immigrés roumains et bulgares qui seront rapatriés d'ici la fin du mois de revenir en France pour trois mois. Beaucoup en ont formulé la ferme intention à peine débarqués la semaine dernière à Bucarest. Il est vrai qu'Eric Besson, ministre français de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire, est aux aguets. Pour dissuader les envies de retour en France des Roms expulsés, il a promis d'"adapter la législation pour lutter contre l'abus de droit au court séjour". En somme, en pleine canicule de l'été, la rentrée politique française promet d'être, elle aussi, chaude. Et la construction européenne dans tout ça ?