Un espace coquet où on peut siroter un breuvage, discuter entre amis, passer d'agréables moments tout en apprenant, à chaque fois, plus sur la culture, la littérature et sur l'art et découvrir même un talent enfoui Les plus conservateurs s'obstinent à attirer les jeunes d'aujourd'hui vers les centres d'intérêts requis en ayant recours aux méthodes classiques. Ils usent de cette orientation quasi forcée des jeunes vers les activités à caractère culturel et artistique et tiennent, inlassablement, à imposer une approche dépassée, vouant ainsi les jeunes au statut de subordonnés. Et ils ne cessent de dénigrer le désenchantement palpable des jeunes générations et de montrer du doigt ce désintérêt confirmé telle une prise de position intransigeante vis-à-vis de tout ce qui est conventionnel, y compris le monde des arts. Pourtant, il fallait repenser la situation autrement, beaucoup plus intelligemment. Il suffit, en effet, d'aller vers les jeunes et non pas de la contraindre — comme on tire l'enfant par l'oreille — pour s'ouvrir à la culture et avoir une vision autre de la vie. Lassaâd et Ghassen Labidi sont les propriétaires d'un café situé à Tunis et classé par le public, depuis près de cinq ans, comme culturel. Cette notion s'avère être nouvelle dans une société où les cafés riment souvent avec oisiveté pesante, sinon une ambiance machiste à dominante brute. «Notre projet a vu le jour le 8 mai 2011. L'on tend via cet espace à créer un réseau culturel alternatif, tout à fait différent aux réseaux classiques boudés par les jeunes. Si ces derniers passent le plus clair de leur temps dans les cafés, c'est bien dans ces espaces qu'il faudrait apporter le plus», souligne Ghassen Labidi. C'est gratis ! En effet, en entrant dans ce café atypique, fort fréquenté par les étudiants, l'on découvre une exposition de peinture qui s'achève sur une petite bibliothèque bien agencée ; ce qui donne un avant-goût des diverses activités culturelles, organisées régulièrement dans cet espace. Aussi, des concerts, des projections de courts et de longs métrages tunisiens et autres, étrangers, des débats philosophiques, des cercles de lecture et d'écriture et bien d'autres activités sont-ils concoctés au fil des semaines, au profit d'une clientèle majoritairement estudiantine à laquelle on n'impose que l'addition de la consommation gastronomique. «Toutes les activités culturelles et artistiques sont accessibles gratuitement au public-client», précise Ghassen. Y en a pour tous les genres Siroter un breuvage, discuter entre amis, passer d'agréables moments dans un espace coquet tout en apprenant, à chaque fois, plus sur la culture, la littérature et sur l'art et découvrir même un talent enfoui qui ne demande qu'à être repéré, encouragé et applaudi pour apparaître au grand jour, tel est le but requis de la création d'un café culturel. Pour atteindre cette finalité, les propriétaires organisent chaque samedi un évènement culturel. Le club littéraire intitulé « Notre Dame des mots » permet de mettre en valeur la littérature féminine. Il offre ainsi aux jeunes écrivaines l'opportunité de lire en public leurs écrits. Le «Café philosophique», quant à lui, constitue le rendez-vous mensuel immanquable des jeunes penseurs. «Chaque thème est annoncé aux participants, un mois au préalable. Mme Rahma Balti et MM. Safouane Trabelsi et Oukayl Oûn suggèrent à chaque fois les livres de références à consulter afin de les aider à mieux cerner le thème à débattre. Cela dit, renchérit Ghassen, ce club est ouvert à tout le monde sans exception». D'un autre côté, les comédiens en herbe disposent d'un club susceptible de les aider à aller de l'avant dans l'art de l'ironie : «Stand up comedy» leur garantit une scène pour jouer des pièces comiques, au regard intéressé et du jeune public et d'artistes connus, conviés à l'occasion. De même pour les slamers qui trouvent, dans «Lamma Slam», un espace favorable à cet art singulier du verbe et de la scène. «Au bout de cinq ans, nous avons réussi à organiser 36 expositions de peintures, de photographies et d'illustrations. Nous avons permis à des jeunes de visionner plus d'une centaine de films et d'assister à plus de cent concerts musicaux», indique notre interlocuteur, ravi. Inauguration prochaine d'une bibliothèque Récemment, un coin bibliothèque a été monté au fond de l'espace pour le plus grand plaisir des férus de lecture. Actuellement, près de 2.000 livres, notamment des romans, des livres de référence touchant à des domaines culturels, artistiques et autres, de sciences humaines sont arrangés selon un ordre thématique. «Tous ces livres nous ont été offerts par des donateurs intentionnés, notamment l'Alecso, l'association Madaniya, l'association Mominoun bila houdoud, ainsi que la maison d'édition Sud Edition et des particuliers. Jusqu'à présent, nous poursuivons notre collecte de livres pour en compter 3.000. Après la phase de tri, nous allons informatiser la bibliothèque et permettre aux lecteurs de bénéficier d'une carte-membre», souligne M. Labidi. Et d'ajouter que l'inauguration officielle de la bibliothèque est prévue, a priori, pour Ramadan. Malgré l'effort fourni par ces deux jeunes propriétaires d'un café pas comme les autres, dans l'optique de créer un climat à la fois juvénile et intellectuel et de combler ainsi la faille immense qui sépare les jeunes et la culture, l'apport de cet espace polyvalent, à cheval entre le commercial et le culturel, demeure l'objet de méfiance des institutions officielles. «Jusqu'à nos jours, le café culturel n'est pas reconnu en tant que vecteur de la promotion de la culture et de l'art. Nous avons déposé une demande d'autorisation pour avoir un statut clair, comme c'en est le cas à l'étranger. D'un autre côté, et à défaut d'appui financier — vu que nous subvenons aux dépenses nécessaires aux spectacles et aux activités précités grâce aux recettes du café—, nous avons créé une association baptisée l'association culturelle de création et de réflexion optimiste ( Accro ) dans l'espoir d'attirer les bailleurs de fonds, donner un coup de pouce financier à notre Cause et nous aider ainsi à aller de l'avant», indique notre interlocuteur.