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La stratégie de Bourguiba et les défis des cinq premières années! (1ère partie)
Opinion - 24 Juin 1956 : Naissance de l'Armée Nationale
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 06 - 2016


Par le Colonel (r) Boubaker BENKRAIEM*
L'armée nationale que le peuple tunisien et, surtout, son élite n'ont, véritablement, découverte qu'à l'occasion de la révolution, en décembre 2010-janvier 2011, et qu'ils continuent de connaître davantage depuis, étant donné les différents évènements que vit notre pays, fêtera, ce mois-ci, le 60e anniversaire de sa naissance.
Sa mission principale étant la défense du pays, ses missions secondaires sont multiples : elles se rapportent à l'appui aux forces de sécurité intérieure pour le maintien de l'ordre lorsque celles-ci se trouvent dépassées par les évènements, à l'intervention lors des catastrophes naturelles (inondations, incendies, sauterelles, étourneaux, etc.) ou d'accidents graves (sur voies routières ou ferrées) et à l'exécution de certaines actions de développement dans les régions difficiles d'accès ou n'attirant pas les entreprises privées (route du Chott El Jerid Kebili-Tozeur, Oasis de Rjim Maâtoug, adduction d'eau potable de l'île de Kerkennah, construction des villages de Bordj Bourguiba et Bordj El Khadhra, etc.). D'autre part, fidèle, depuis l'indépendance et grâce au choix et aux conceptions du président Bourguiba, relatives à une politique de paix, d'amitié et de non–ingérence dans les affaires internes des autres pays, la Tunisie a été, à plusieurs reprises, sollicitée pour participer aux opérations de maintien de la paix, sous la bannière des Casques Bleus de l'Organisation des Nations unies et à chaque fois elle a été présente et nos hommes ont, partout où ils ont été déployés, en Afrique ou en Asie, admirables de correction, de sérieux et d'efficacité. .
Depuis la révolution, et avec l'apparition du terrorisme, l'armée a pratiquement quitté ses casernements et se trouve engagée, un peu partout, dans toutes les régions, dans cette lutte aussi pernicieuse que nocive en vue d'éradiquer cette gangrène avant qu'elle ne contamine le corps de la société tunisienne.
Mais avant d'en arriver là, notre armée a connu des vertes et des pas mûres. En effet, que de difficultés, que de problèmes, que d'insuffisances, que d'ennuis et que d'obstacles ont rencontrés nos anciens, ceux qui ont eu, sans aide et sans assistance, le sublime honneur de créer, en partant de zéro ou presque, une armée avec toutes ses composantes et qui sont fort nombreuses !
En effet, le 20 mars 1956, la France reconnaît solennellement l'indépendance de la Tunisie et l'abrogation des protocoles du protectorat de 1881 et 1883 qui sont devenus caducs. Le texte stipulait que la Tunisie a accédé à l'indépendance dans le cadre de l'interdépendance avec la France, ce dernier terme a été ajouté à la déclaration, avec l'accord du leader Bourguiba, dans le but de calmer et les faucons de Paris et les colons français de Tunis. Cette indépendance a été obtenue malgré le déchirement sanglant, au sein du parti du Néo-Destour, entre le Combattant Suprême Habib Bourguiba et son secrétaire général, le grand leader Salah Ben Youssef, déchirement relatif à l'acceptation par Bourguiba de la « politique des étapes » qui s'est, d'ailleurs, avérée juste puisque moins sanglante.
Et aussitôt, la Tunisie s'est mise au travail. Il fallait rapidement mettre sur pied les composantes d'un Etat indépendant: une administration nationale et régionale, des forces de sécurité intérieure, une diplomatie, une justice et une armée. En ce qui concerne la création de l'armée, deux actions ont été prises simultanément :
1 : une demande à la France pour le transfert des militaires tunisiens servant dans l'armée française et volontaires pour servir dans la jeune armée tunisienne,
2: l'organisation d'un concours pour le recrutement d'une centaine de jeunes tunisiens destinés à être formés en France comme officiers à l'Ecole militaire de St Cyr et devant composer les futurs cadres de l'armée.
D'abord, je voudrais rappeler que, normalement, lorsqu'un pays acquiert son indépendance, il demande au pays colonisateur de lui fournir des conseillers pour l'aider à créer son armée. Cela ne s'est pas passé ainsi pour notre pays pour une double raison :
D'une part, la guerre d'Algérie entamant bien, en 1956, sa deuxième année, il était absolument normal que la Tunisie accueille, aussitôt, et les réfugiés algériens et les combattants de l'ALN.
D'autre part, l'armée française était encore présente dans la plupart de nos villes et son évacuation n'interviendra que dans deux ans, et Bizerte ne le sera que plus tard encore, en 1963.
C'est pour ces raisons que la mise à contribution de conseillers militaires français était impensable et qu'aucune demande n'a été faite, à la France, dans ce sens.
Il y a lieu de rappeler que la création de l'armée tunisienne débuta par l'intégration des mille cinq cents militaires tunisiens dont vingt-six officiers servant dans l'armée française et qui ont été volontaires pour servir dans la jeune armée nationale tunisienne. Ces effectifs qui ont défilé le 24 juin 1956 sur l'avenue Gambetta, devenue avenue Mohamed V, ont constitué le premier régiment interarmes composé de trois compagnies d'infanterie, d'une compagnie de chars, d'une compagnie d'artillerie et de quelques éléments d'armes de commandement et de soutien (transmissions, génie, transport, etc.). Il va s'en dire que ces officiers, à l'exception de trois ou quatre, et du fait de leur origine, n'ont pas suivi la formation d'officiers et sont donc issus du rang. D'ailleurs, le plus haut gradé d'entre eux avait le grade de commandant (feu le Commandant Habib Tabib) et il était le seul officier supérieur. Près de deux cents * militaires* de la garde beylicale (ils n'avaient de militaire que le nom à l'exception de deux ou trois officiers dont feu le Commandant Abdelaziz Ferchiou, responsable de l'intendance habillement et subsistances pendant une quinzaine d'années qui a été remarquable de compétence, de sérieux, d'honnêteté et de dévouement), se sont joints au contingent provenant de l'Armée Française et dont les grades ont été revus à la baisse. Et à ces trois dizaines d'officiers qu'est revenue la tâche dure, difficile et certainement compliquée mais exaltante, de penser, imaginer, concevoir, organiser et mettre sur pied les composantes d'une Armée avec son Etat Major, ses organes de commandement, ses services de soutien, ses centres d'instruction et ses écoles, ainsi que ses Unités de combat.
D'autre part, et compte tenu des suites de la guerre de libération de l'Algérie, les réfugiés algériens affluèrent en Tunisie par centaines et par milliers dès la proclamation de l'indépendance tunisienne dans le but de fuir les combats, les exactions, les arrestations, les brimades, les emprisonnements que leur faisaient subir les troupes françaises. Des camps de toile ont été montés non loin des frontières pour les accueillir dans les meilleures conditions possibles.
Toutefois, des actes de provocation, des incursions et des accrochages le long de nos frontières sont devenues monnaie courante. En effet, quelques mois seulement après l'indépendance, un violent accrochage opposa, le 16 octobre 1956, une compagnie de l'armée française à un groupe de résistants algériens dirigés par si Abbes, entre Bouchebka et Kasserine, près de Thélepte. Le bilan de l'accrochage a été très lourd pour l'unité française qui eut seize morts et dix-huit blessés pour cinq morts du côté de l'ALN. Les troupes françaises, appelées en renfort, se livrèrent, en territoire tunisien, à un ratissage systématique des cheikhats de Fej Hassine et de Hydra et exercèrent des représailles contre la population. Des femmes ont été blessées, des hommes ont été arrêtés et conduits en prison, des gourbis ont été incendiés et beaucoup de monde a été contraint à fuir. Dans son discours du 19 octobre 1956, le Premier ministre, Bourguiba, remet en question le statut de la présence des troupes françaises en Tunisie et pose le problème de leur évacuation et rappelle que « les autorités françaises doivent comprendre qu'elles sont tenues de respecter dans chaque Algérien qui se trouve dans ce pays l'autorité tunisienne, que la Tunisie ne permettra pas que la France se serve de notre pays comme base de départ dans la guerre qu'elle mène en Algérie. La France doit savoir que l'armée française stationnée en Tunisie ne doit être en aucune manière articulée sur l'armée française qui opère en Algérie ». D'autre part, il donne l'ordre à l'armée tunisienne, en formation, de protéger les frontières et de résister, au besoin, aux troupes françaises. Aussi, du fait de l'arrivée des katibas de l'ALN et de leur mise sur pied par prélèvement parmi les réfugiés en Tunisie, en ce lieu sûr leur permettant de s'organiser, de s'équiper, de s'entraîner et de repartir combattre en Algérie, l'armée nationale s'est organisée pour être présente le long de la frontière pour la protéger des incursions françaises et permettre aux combattants de l'ALN d'être rassurés quant à leur sécurité. C'est pour cela que quelques semaines seulement après le transfert du régiment inter-armes composé de Tunisiens volontaires, le service militaire d'une durée d'une année a été instauré pour les jeunes Tunisiens âgés de vingt ans. D'autre part, et devant le besoin urgent en encadrement, il a été fait appel aux réservistes, les anciens engagés dans l'armée française et qui étaient encore relativement jeunes. Les besoins de défendre la frontière tuniso-algérienne nécessitèrent, aussitôt, la mise sur pied, et même avant la fin de l'année 1956, de plusieurs bataillons d'infanterie qui ont été implantés comme suit : le 1er bataillon d'infanterie couvrant les gouvernorats de Gabès et Gafsa avec poste de commandement à Gabès sous le commandement du Commandant Mohamed Missaoui, le 2° bataillon d'infanterie couvrant les gouvernorats de Souk Larbâa (Jendouba) et Le Kef avec poste de commandement à Ain Draham et commandé par le Commandant Lasmar Bouzaiane, le 3e bataillon d'infanterie couvrant le gouvernorat de Kasserine avec poste de commandement à Kasserine et commandé par le Commandant Ahmed El Abed.
Pour ce faire, des postes frontaliers, dont le niveau varie, selon le terrain et l'importance de la position, entre un groupe de combat (11 hommes) et une section ( 30 hommes) ont été implantés le long de la frontière dans des conditions parfois difficiles. Leurs positions dépendaient, essentiellement, du terrain et certains étaient à quelques centaines de mètres de la frontière, alors que d'autres étaient implantés à seulement quelques kilomètres. En effet, la plupart des postes ont été installés, au départ, dans des guitounes et au fur et à mesure des possibilités et des opportunités, les militaires ont occupé soit des constructions abandonnées que les soldats eux-mêmes ont rafistolées, réparées ou agrandies et badigeonnés, soit ils ont construit eux-mêmes leur poste utilisant les matériaux trouvés sur place ( la pierre, le mortier composé de terre et de paille, les branchages d'arbres pour la toiture); pour un petit nombre, ils ont utilisé les fermes des colons français dont les terres ont été nationalisées avant terme du fait de leur proximité de la frontière; en fait, soixante postes partant de la mer Méditerranée, au nord et allant au sud, jusqu'au Grand Erg Oriental, à Bordj El Khadhra, veillaient jours et nuits, été comme hiver, sur nos frontières; c'étaient les postes suivants :
1- Secteur du 2e bataillon (gouvernorat de Jendouba) :
1- Ain Baccouch, 2- Ain Saïda, 3- Fej El Kahla (Babouch), 4-Adissa, 5-Rouii, 6-Ain Sarouia, 7-Sidi Kaddour 8-Bou Dhalaâ; 9-Souk Halima, 10-El Ghorra, 11-Ain Soltane, 12-El Faija, 13-El Gueliaa,14-Sraia,15-Giani Zini,16-Ferme Dubois.
2 – Secteur du 8e Bataillon (gouvernorat du Kef):
17-Ain Zana,18-Oued Zitoun,19-Ain Oum Jera,20-Sakiet Sidi Youssef,21-Ain Kerma,22-Oued El Malah, 23-El Biar (Sidi Rabah) 24-El Gouaten,(il s'agit d'un poste composé de quelques guitounes et installé au pied du jebel Sidi Ahmed, auquel cette appellation a été donnée), 25-Sidi Ahmed, 26-Bou-ghanem, 27-El Felta, 28-Bir Hamida, 29-Bou Jabeur, 30-Djerissa, 31-Kalaâ Jerda (Kalaâ Khasba).
3 – Secteur du 3e Bataillon (gouvernorat de Kasserine) :
32-Loubira, 33-Sraï, 34-Hydra, 35-Remila,36-Ain Bouderias,37-Bouchebka, 38-Tamesmida, 39-Dernaya, 40-Khchem el Kelb, 41-Telept, 42-Bordj oum Ali, 43-Feriana.
4 – Secteur du 4e Bataillon (gouvernorat de Gafsa) :
44-Om el Ksab, 45-Foum el Khanga, 46-Midès, 47-Tamerza,48-Chbika, 49-Redeyef, 50-Métlaoui, 51-Hazoua,
5- Secteur des Unités sahariennes (gouvernorats de Gabès et de Médenine): à partir de juillet 1958:
52-Rjim Maatoug, 53-Bir El Gonna, 54-Bir Aouine, 55-Garaat Sabeur, 56-Tiaret, 57-Mchiguig, 58-Bordj Leboeuf (Bordj Bourguiba), 59-Fort Saint (Bordj El Khadra), 60- Remada.
Ces postes qui ont été maintenus jusqu'en 1962, date de l'indépendance de l'Algérie, ont été, avec le temps, agrandis et aménagés. Bien sûr, ils ont tous fait l'objet de travaux d'organisation de terrain avec des tranchées de protection et de circulation entre les casemates et les positions de tir et pour la protection contre les tirs d'artillerie ou de mortiers venant de l'autre côté de la frontière, à titre de provocation ou d'intimidation. Ces postes, étant donné leur importance, devraient être commandés par des officiers. Cela ne fut guère possible du fait du manque de l'encadrement officiers et nous étions heureux de trouver des sous-officiers pour le faire. Certains postes ont même été confiés à des caporaux qui, en situation régulière, ne devraient commander que des équipes de quatre ou cinq hommes. Les conditions de vie étaient dures mais les soldats avaient quand même des lits de camp en toile. Ils recevaient, régulièrement, le ravitaillement et les produits frais étaient fournis tous les trois jours lorsque les moyens de transport étaient disponibles. Le grand problème auquel les autorités politiques devaient faire face était le manque d'armement pour équiper les personnels des unités créées car les pays occidentaux, par solidarité avec la France, ont décidé de ne pas nous vendre les armes dont nous avions besoin, sous prétexte que cet armement pourrait être délivré à l'ALN algérienne. Heureusement que le Président Nasseur d'Egypte nous a fourni un bateau de fusils «Hakim» avec leurs munitions. Plus tard le Président Tito, de Yougoslavie nous a délivré des fusils «Mauser», des lance-roquettes et des mortiers.
Les activités quotidiennes au poste étaient très bien agencées : une partie de l'effectif s'occupait des aménagements de la position, de l'amélioration des postes de combat et de l'instruction, une autre partie effectuait des patrouilles, sur la piste longeant la frontière pour vérifier les poses de mines par les harkis et pistait d'éventuelles infiltrations. Les patrouilles quotidiennes étaient effectuées à pied et étaient d'environ sept à dix kilomètres à l'aller et au retour. Les congés étaient rares mais le moral était toujours élevé et il n'y a jamais eu de désertion ou d'absence illégale. Un fait important est digne d'être signalé : le contingent de la classe 1958/1, qui a été appelé pour une année de service, a été maintenu, par nécessité, pendant deux ans, ce qui fait qu'il a effectué trois ans de service en continuant à être payé sous le régime d'appelé. Et le fait important digne d'intérêt est qu'il n'y a pas eu de protestations, de réclamations, de manifestations ou de désertions, à tel point que ce contingent a marqué de son empreinte l'histoire de l'armée nationale et était, souvent, cité en exemple. Tous ces jeunes ont fait preuve d'un nationalisme et d'un amour pour la patrie remarquables. Nous, les très jeunes officiers, de retour au pays, fin 1957, après avoir terminé notre formation à l'Ecole militaire de St-Cyr, avons eu l'honneur de commander des soldats de ce contingent qui, à un ou deux ans près, avaient le même âge que nous. Une grande complicité était née avec ces jeunes soldats et indépendamment du grand respect qu'ils avaient pour nous, ils étaient très proches de nous et pendant les moments de repos, il nous arrivait de jouer ensemble au foot, et nous prenions ensemble et régulièrement le même repas, ce qui nous rapprochait les uns les autres, et cela était excellent pour le moral et pour le bon accomplissement de la mission. J'ai eu la chance de faire partie du groupe d'officiers composé de sept fantassins et d'un officier du génie qui a été désigné pour servir au 2e bataillon d'Aïn Draham couvrant les gouvernorats de Souk Larbaâ, devenue Jendouba et du Kef, avec des compagnies implantées à Ain Draham, à Ghardimaou, à Souk Larbaa, au Kef, à Sakiet sidi Youssef, à Boujabeur ( une mine de plomb désaffectée située à un km de la frontière et à six km de Kalaat Senan), et un remarquable centre d'instruction à Tabarka ; celui-ci occupe une très belle caserne qui surplombe la ville et sa plage. Je me souviens que notre commandant de bataillon, le Commandant Lasmar Bouzaiane, chef remarquable et très proche de ses hommes, a eu l'intelligence et la pédagogie nécessaires pour nous détacher, durant quatre mois, au centre d'instruction, pour nous permettre, comme il l'avait dit lui-même, de nous familiariser avec le commandement en arabe d'une part et d'autre part avec les cadres sous-officiers que nous côtoyons pour la première fois de notre vie. Son idée, ingénieuse, était très intéressante puisqu'elle nous facilita, énormément, la tâche. Je n'oublierai jamais que dans ce Centre d'instruction et pour pallier le manque de l'armement adéquat, dans les exercices de combat, le tir du fusil mitrailleur ou de la mitrailleuse était remplacé par le sifflet d'arbitre qui, en ronronnant, faisait un bruit représentant le tir des rafales !
Quant à nos amis de l'ALN, le fait d'être en Tunisie leur permettait de bénéficier de bonnes conditions pour qu'ils se consacrent entièrement à leur mission sacrée. L'armement, les munitions et tous genres d'équipements militaires commençaient à leur parvenir de l'extrême sud tunisien grâce aux moyens de transport militaires tunisiens du fait de la présence de troupes françaises dans plusieurs villes tunisiennes (Bizerte, Tunis, Sousse, Sfax, Gabès, etc.). Cependant, jamais, ni le gouvernement tunisien, ni les autorités régionales, ni l'armée ne se sont impliqués dans leurs affaires et ils avaient la liberté absolue de les mener à leur guise. D'autre part, leurs effectifs augmentaient d'année en année, leur organisation et leur formation s'amélioraient progressivement et à un certain moment, l'ALN, en Tunisie, qui ressemblait à une armée régulière par sa formation, son organisation et surtout par sa discipline, est arrivée à un effectif de près de 20.000 combattants. Ceci est dû au résultat de l'excellent travail réalisé par le Colonel Haouari Boumediene qui a été nommé, en 1959, Chef d'éat-major de l'armée des frontières en remplacement du Colonel Mohammedi Said. Son implantation dans les gouvernorats de Jendouba, du Kef et de Kasserine, s'étendant de la région de Tabarka jusqu'au Djebel Chaambi inclus, était conditionnée par le terrain. D'ailleurs, les centaines de grottes découvertes au Jebel Chaambi, ces dernières années, sont l'œuvre de nos frères algériens pour se protéger du froid et du soleil, en hiver comme en été. La trentaine de positions qu'ils occupaient, du nord au sud, et avec poste de commandement de l'armée des frontières à Ghardimaou, étaient comme suit :
A-Gouvernorat de Jendouba :1e sous-secteur : région de Tabarka, PC à El Mankoura avec les unités implantées comme suit :
1-El Mankoura, 2-Ain Tacha, 3-Gomd Ezzen, 4-Oued Frour,
2° Sous-secteur : région d'Ain Draham, PC à Djebel Dinar avec les unités implantées comme suit :
5- Djebel Dinar, 6-Djebel Dhelma, 7- Djebel Adissa, 8- Ain Sarouia, 9- Oued Bou Adila,
3° Sous-secteur : région de Ghardimaou, PC à Ghardimaou avec les unités implantées comme suit:
10- Ghardimaou (P.C. de l'Etat-major de l'armée des frontières), 11- El Ghorra, 12- El Oummajen, 13- Ain Soltane ( c'était la base du bataillon dont le Chef était le Commandant Chedli Ben Jedid, le futur président de la République), 14- El Faija, 15- Kalaat el Frass, 16- Les quatre Chemins, 17- Kef El Brel, 18- Chemtou (Centre de santé et hôpital de campagne au site archéologique de Chemtou),
B – Gouvernorat du Kef :
19-Bases logistiques au Kef et à Tajerouine,
20- Ecole des cadres à la ferme «Beni» à 15 km du Kef et centre d'instruction à Mellègue, et des Unités implantées comme suit :
- région de Touiref : 21-Djebel Soudane et Aïn Zana,
- région de Sakiet Sidi Youssef : 22-mine de Sakiet, 23- Djebel Koucha (nord est d'Ain Karma),
- région de Tajerouine : 24-Garn Halfaya, 25-Jebel Sidi Ahmed,
- région de Kalaat Snan : 26-Ain Anègue,
C– Gouvernorat de Kasserine :
27- Jebel Chaambi, 28- région de Rmila (secteur de Feriana).
(A suivre)
*Ancien sous-chef d'Etat-major de l'armée de terre, ancien commandant du quartier de Sakiet (avril 1958-mars 1961)


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