Par Hmida Ben Romdhane A la veille du référendum du 23 juin sur le Brexit, le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, avertissait les Britanniques qu'ils mettraient en danger « la paix et la sécurité dans le monde » s'ils votaient pour la sortie de leur pays de l'Union européenne. Dix jours plus tôt, ce responsable otanesque, si soucieux de la paix et de la sécurité dans le monde, a organisé en Pologne et en Lituanie l'«opération Anaconda», le nom donné à de gigantesques manœuvres militaires auxquelles ont participé 24 pays membres de l'organisation atlantiste. 31.000 hommes — dont 14.000 soldats américains —, 3.000 véhicules, 105 avions et 12 navires de la Marine ont été mobilisés dans cet exercice de fanfaronnade futile. Ce déploiement de forces s'inscrit dans une série de provocations menées depuis des années par les Etats-Unis, l'Otan et l'Union européenne envers la Russie. Depuis des années ces trois composantes de l'Occident ne cessent d'alimenter la tension internationale, ressuscitant la guerre froide. Le coup d'Etat en Ukraine fomenté par la CIA et le département d'Etat, la gloutonnerie de l'Union européenne avalant l'un après l'autre les anciens membres du Pacte de Varsovie et les Pays baltes ainsi que les manœuvres provocatrices à répétition de l'Otan aux potes de la Russie, telles sont les vraies menaces à la paix mondiale, et non la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE, comme le prétend M. Stoltenberg. Les Britanniques ont ignoré les avertissements de leur Premier ministre Cameron et de ses prédécesseurs, du président américain Obama et du secrétaire général de l'Otan, Stoltenberg, et ont voté majoritairement pour le Brexit, provoquant un séisme politique et stratégique majeur. La question qui se pose est : qui est responsable de ce séisme ? Les vrais responsables sont ceux-là mêmes qui suppliaient le peuple britannique de « faire le bon choix ». La campagne infecte menée en Grande-Bretagne par les pro et les anti-Européens s'est transformée en une querelle sur les émigrés et les différences ethniques et culturelles. L'extrême droite raciste britannique a réussi à imposer l'immigration comme le seul sujet de débat durant la campagne. Et ce débat était si animé et si agressif que la parlementaire Joe Cox, qui défendait l'immigration et le multiculturalisme, a payé de sa vie ses idées généreuses. Elle fut poignardée par plusieurs coups de couteau par un extrémiste de droite avant d'être achevée par balles. Il est maintenant communément admis que l'élément décisif qui a poussé la majorité des britanniques à voter pour leur sortie de l'UE, c'est l'appréhension envers les flux incessants d'immigrés en provenance des pays de l'Est et leur peur des colonnes d'immigrés en provenance des pays arabes et musulmans en guerre. Depuis que l'UE a intégré en son sein les pays de l'Est et les Pays baltes, des centaines de milliers, peut-être des millions de citoyens de ces pays ont afflué vers la Grande-Bretagne à la recherche de meilleures conditions de vie. La pression sur l'emploi, sur les salaires, sur le nombre de places disponibles dans les maternelles, les écoles et les centres de soins est amèrement ressentie par les Britanniques dans leur vie quotidienne. Qui est responsable de cette amertume et donc du vote pour le Brexit ? C'est la volonté d'expansion de l'Union européenne, une volonté aiguisée et entretenue par les pressions de Washington dont le but stratégique clair pour tout le monde est l'encerclement de la Russie. Quant à la peur des colonnes d'immigrés syriens, irakiens ou afghans, elle est plutôt imaginaire, gonflée par la propagande de l'Ukip (United Kingdom Independence Party), un parti d'extrême droite raciste et xénophobe. Une peur imaginaire, car si le Royaume-Uni a accueilli et continue d'accueillir des millions d'Européens de l'Est et du sud de la Méditerranée, il a accepté d'accueillir 20.000 réfugiés syriens... sur cinq ans. Mais qui se trouve derrière cette crise sans précédent des réfugiés qui, à tort ou à raison, fait tant peur aux Britanniques et aux Européens en général ? C'est difficile de les compter, mais ils se trouvent pour la plupart à Washington, à Londres, à Paris et à Bruxelles. Ils étaient et ils sont à la Maison-Blanche, à 10 Downing Street, à l'Elysée, aux sièges de l'Otan et de l'Union européenne. Sans le comportement criminel de George W. Bush, de Tony Blair, de Nicolas Sarkozy, pour ne citer qu'eux, il n'y aurait jamais eu de déstabilisation à grande échelle en Irak, en Syrie et en Libye. Il n'y aurait jamais eu de descente aux enfers de millions d'êtres humains au Moyen-Orient et en Afrique du nord, il n'y aurait jamais eu de crise de réfugiés sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Maintenant, après avoir mis à feu et à sang une bonne partie de la planète, les responsables de ces immenses tragédies qui, visiblement, n'ont aucune conscience de l'étendue du mal qu'ils ont fait, sont consternés parce que les Britanniques ont exercé leur droit de décider du chemin que leur pays doit suivre ! M. Stoltenberg qui mettait en garde les Britanniques de voter pour le Brexit, car cela mettrait la sécurité et la paix du monde en danger, fait penser à ce pyromane qui, après avoir mis le feu un peu partout, avertit les gens de faire attention pour ne pas se brûler. La paix et la sécurité du monde ne sont pas seulement en danger, mais en lambeaux. Et les responsables ne sont pas les citoyens britanniques qui ont voté pour le Brexit, mais le comportement arrogant, agressif et irresponsable de l'Occident vis-à-vis de la Russie, de la Chine et de plusieurs pays arabes et musulmans.