«Le concert sera inventif», déclare Yoshiko Sugiyama, attachée culturelle à l'ambassade du Japon. C'était lors d'une conférence de presse tenue, mardi dernier, au siège de l'ambassade. Le concert en question, prévu le 3 septembre au Théâtre municipal, dans le cadre du Festival de la Médina, est celui du célèbre pianiste Yosuke Yamashita. Cet artiste de renommée internationale va tenter, pour la première fois dans sa longue carrière, un dialogue entre les musiques japonaise et tunisienne. Son partenaire dans cette expérience audacieuse est le violoniste et compositeur Walid Gharbi. Pendant huit mois, les deux musiciens ont entretenu une correspondance à travers le Net, pour mettre au point ce projet. «Yamashita sera parmi nous, ce soir. Dès demain, nous entamons de longues répétitions qui devront durer plus de six heures par jour», a confié Walid Gharbi. Impatient ? «Oui. Mais je n'ai pas le trac». Ce violoniste a bien préparé son programme et il se sent prêt à "affronter" un des grands jazzmen au Japon, connu pour son style unique, souvent qualifié d'explosif. Walid Gharbi a déjà créé, avec des artistes de renommée, des spectacles par correspondance. Depuis ces dernières années, il a pris l'habitude d'enjamber les frontières et d'aller à la rencontre de cultures et musiques différentes. Il s'est produit à Bruxelles, à Memphis, à Shanghai, à Londres et à Pékin, en suivant toujours une même tendance, celle de l'ouverture et du brassage. Ce musicien est fidèle à une vocation musicale, assez spéciale. Sa musique se veut un mélange de tons et de rythmes qui s'inspire du berbère, de l'andalou, du turc, des sonorités africaines et des modes classiques orientaux… C'est grâce à cette tendance à l'ouverture et ce parcours international que l'ambassade du Japon a pensé à lui comme partenaire possible de Yamashita. Mais la décision finale revenait à l'artiste lui-même. «Avant d'entamer ce projet, le pianiste a écouté ma musique. Il a aussi regardé une vidéo d'un concert que j'ai produit. Ce mariage japono-tunisien lui a paru possible», précise avec fierté le violoniste Walid Gharbi et le percussionniste Hatem Ammous ne monteront sur scène qu'en deuxième partie du concert, juste après l'entracte. Chacun jouera, dans un esprit d'échange, les compositions de l'autre. Pour le reste de la soirée, Yosuke Yamashita se produira en récital. Agé de 68 ans, ce pianiste n'a eu de cesse de surprendre les mélomanes par sa performance musicale et scénographique. Il joue non seulement avec ses doigts mais aussi avec ses coudes. Ce pianiste franchit toutes les frontières et toutes les traditions. Il est un des fondateurs du free jazz, mouvement révolutionnaire dans l'histoire du Jazz, paru aux Etats-Unis dans les années 60. Cette tendance rompt avec les théories de la musique occidentale et le jeu classique. Malgré ce jazz «libéré», Yamashita collabore souvent dans des compositions de musiques traditionnelles et classiques. Il a même réalisé des musiques de films comme celui de Kihachi Okamoto, intitulé La vengeance est un si grand business, ou encore celui de Shohei Imamura, Kanzo Sensei, grâce auquel il a reçu un prix cinématographique. Yamashita est, donc, un artiste innovateur et créatif, qui fuit les étiquettes et suit son intuition. En 1973, il a joué, pendant six minutes, sur un piano en flammes sur la plage à Tokyo. C'était une manière d'accompagner les dernières notes d'un vieil instrument. Il avait joué jusqu'au dernier moment avant que l'objet ne soit plus qu'un brasier. Pour la soirée du 3 septembre, Yamashita ne jouera pas avec le feu, mais avec la musique. Il manipulera les instruments traditionnels tunisiens, «avec lesquels il va certainement trouver des affinités artistiques. Ce pianiste ne s'est jamais produit dans le monde arabe. Il n'a jamais collaboré avec les musiciens de ces pays», précise encore Yoshiko Sugiyama. Ce concert a une double face : d'un côté, le public découvrira un free jazz et, de l'autre, c'est le pianiste qui rencontrera une musique et une culture bien différente de la sienne.