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«Ce festival est une idée et une manière de capitaliser sur l'intelligence tunisienne» Mohamed Zine El Abidine, directeur du Festival International de Carthage
A quelques jours de l'ouverture officielle de la 25e édition du festival international de Carthage, Mohamed Zine el Abidine nous a dévoilé les idées maîtresses de sa programmation, ses axes de réflexions et sa vision pour un festival international vieux de 52 ans et qui, à chaque nouvelle édition, s'habille de nouvelles propositions. Où en sont les choses à quelques jours du début du festival ? Nos objectifs sont clairs et nous sommes en train de mettre tout cela en place et j'espère que cette session sera très différente des précédentes, non seulement sur le plan de la programmation mais aussi sur le concept du festival international de Carthage qui devrait être un festival citoyen. Le challenge de cette année c'est d'installer une scène pour la nouvelle création artistique tunisienne. Pourquoi avez-vous choisi de revisiter le concept du festival ? C'est un travail qui s'est fait dans le cade de tout ce qui est structurel qui j'espère va perdurer et créer des traditions. Carthage est une référence et une mémoire pour la Tunisie après 52 ans d'acquis mais il faut toujours une rupture épistémique qui doit régénérer l'ancien. De ce point de vue, et avec un travail très collégial, nous avons pensé à ce qui peut donner un sens nouveau à un festival qui a bien marché mais qui peut marcher encore mieux pour le futur tout en gardant le concept habituel qui consiste à ramener des artistes mondiaux de renommée et des artistes confirmés en Tunisie . Dans cette session, nous avons ajouté un volet qui consiste à ouvrir le festival au potentiel créatif des Tunisiens qui ne sont pas forcément connus mais qui ont quelque chose à dire. Tout cela rentre dans l'esprit de Carthage qui s'ouvre aussi à la décentralisation et la valorisation des régions. L'importance d'un projet n'est pas déterminée par sa géographie mais par son intention culturelle et sa pertinence. Certains vous ont reproché de faire une programmation pour ramener du public... Je n'ai pas arrêté de combattre cette idée de clientélisme, de sectarisme et de népotisme. Pour moi il ne s'agit pas de recevoir du monde mais il s'agit de partager avec ce monde quelque chose de valeureux et cela se voit dans la qualité de la programmation. La 52e édition propose des artistes de grande facture artistique connus et reconnus à travers le monde. Dans cette programmation il y a de l'exigence, du spectaculaire et une idée derrière chaque spectacle. En ce qui concerne la dimension internationale, outre l'orchestre de la Radio d'Ukraine avec son célèbre chef d'orchestre, cette édition propose le célébrissime artiste Jason Deluro qui fait partie des Top 10 des meilleurs chanteurs au monde. Sa présence à Carthage dans le cadre d'un grand show est un ajout important pour le festival et pour la Tunisie dont l'image a beaucoup souffert durant ces dernières années. Ce spectacle sera l'occasion de la plus belle démonstration de la force technologique, musicale, vocale, chorégraphique et scénique. De fait, ce concert devient hautement culturel. Madiba est une comédie musicale théâtrale sur l'histoire de Nelson Mandela, l'homme et le militant, par la scène qui peut elle aussi en témoigner comme l'ont fait le cinéma, le théâtre... Je cite aussi Nasserine Chebli qui présente une nouvelle conception de l'art oral tunisien et pour dire qu'on peut confier la scène à un jeune pour la Fête de la république car la deuxième république doit inscrire ces jeunes dans sa dynamique. Je ne suis pas un directeur de festival qui reçoit des invités, pour moi ce festival est une idée, un esprit et une manière de capitaliser sur l'intelligence tunisienne. Saint Cyprien semble être une étape importante dans la conception de cette année ? La programmation «Kolna touensa» voudrait que l'art exprime cette diversité tunisienne par des porteurs de projets, capables de s'inscrire dans l'histoire. Carthage 2016 va donner à ces artistes la possibilité d'inviter d'autres musiciens provenant d'autres cultures pour partager cette quête. Nous ne cherchons pas l'enfermement mais plutôt l'échange et le rayonnement sur l'extérieur. On est loin de l'idée coloniale colportée par les expositions universelles où les cultures sont figées, objets de voyeurisme, et sont présentées comme de vulgaire marchandises. Nous ne cherchons pas à appeler les autres à venir nous voir mais de leur montrer ce dont nous sommes capables en participant à l'enrichissement de la civilisation universelle par notre génie créateur et notre sensibilité et notre intelligence. La Tunisie est en ébullition créatrice et ces projets ont besoin de temps et d'espace pour s'accomplir et c'est à nous de leur donner la chance d'aboutir. Carthage est, par conséquent, le cadre du consensus et non pas de la rupture et c'est ce qui lui confère cette dimension stratégique qui profite à la culture nationale et aux artistes sans exclusive aucune qui ont tous le droit d'être programmé à Carthage. St Cyprien est donc un espace permettant aux artistes tunisiens de défendre leur identité musicale et leurs projets, aussi singulier soient-ils, et de se faire connaître en Tunisie et ailleurs. C'est très bien que Carthage reçoive des artistes de renommée mais il devrait aussi en créer d'autant plus que ce qui importe pour nous outre l'événementiel c'est le structurel. Nous devons penser à ce qui restera de Carthage au-delà du fait qu'il a reçu tel ou tel grand artiste ... Le plus important c'est que cette session nous permette d'inscrire une forme de reconnaissance pour le travail de la jeune génération et d'ouvrir ce festival à l'esprit citoyen. Et cela on le fera dans le cadre des matinales de Carthage Quel est l'esprit de ces matinales? Carthage c'est aussi les matinales qui s'inscrivent dans le concept de la cité avec l'idée de débattre d'une manière décontractée et autour d'un café des questions relatives à la culture en présence de compétences nationales et internationales. Le débat portera sur tout ce qui concerne les mutations culturelles et intellectuelles de la 2e République et son adéquation avec la culture et les arts, le rôle des intellectuels et des artistes dans la cité, les problématiques relatives à la femme, la danse et la chorégraphie, le corps en question, les arts de la rue et la culture underground, les problématiques autour du théâtre, de la littérature et de la poésie seront également au programme de ces matinales qui rendront hommage aux grandes figures culturelles disparues. C'est en fait une ouverture sur notre environnement car Carthage n'est pas un site mais d'abord un esprit. C'est une ouverture, une continuation, un partage. Ces rencontres se dérouleront à l'espace Agora, Mad'Art Carthage qui, également, accueillera la pièce Tabba de Raja Ben Ammar, et Violence(s) à Carthage, El Teatro, l'Académie populaire à Sidi H'ssine Essijoumi avec notre partenaire Nasreddine Shili, à Ken à Bouficha avec ses installations plastiques et des performances en hommage à Sghaier Ouled Hmed.