Rebondissement dans l'affaire Hizb Ettahrir: c'est la justice militaire qui se prononcera sur le sort réservé à ce parti Hier, il a appelé les militaires et les sécuritaires au Jihad. Le parquet de Tunis n'a pas tardé à réagir en transférant le dossier au tribunal militaire Quand Béji Caïd Essebsi, président de la République, a déclaré, en présidant la réunion du Conseil supérieur de la sécurité nationale, la guerre à la violence, sous toutes ses formes, dans la société, et a appelé à trouver «une solution» à l'épineux problème de Hizb Ettahrir, les Tunisiens ont compris le message. Désormais, il n'est plus question que le parti de Ridha Belhadj et Imed Haddouk (le nouveau porte-parole officiel) agisse comme bon lui semble et se comporte comme un véritable hors-la-loi qui impose ses diktats à tout le monde allant jusqu'à promettre de «couper les têtes et les mains de ceux qui bafouent l'islam et vendent le pays aux puissances étrangères». Et la machine judiciaire d'être invitée à user de ses compétences pour mettre un terme aux agissements jugés inadmissibles de ce parti qui refuse de reconnaître l'Etat civil, professe la réinstauration du califat islamique et considère tous les Tunisiens qui ne partagent pas ses croyances comme des mécréants ou des apostats au même titre que «les jihadistes daéchistes» qui portent les armes contre leur pays et leurs propres concitoyens. Curieusement, Hizb Ettahrir, qui dispose d'un hebdomadaire paraissant le lundi sous l'appellation «Ettahrir», assure qu'il ne prône pas la violence pour faire face à ses adversaires politiques qu'il présente comme les ennemis de Dieu et de l'islam et professe que l'avènement imminent du système du califat islamique qui n'était plus qu'une affaire de quelques mois, voire de quelques semaines, «puisque ceux qui tiennent le pouvoir aujourd'hui en Tunisie ainsi que l'opposition ont déjà créé les conditions objectives de leur propre chute et la voie est balisée, de jour en jour, au retour du califat islamique comme à l'époque du Prophète et des califes bien guidés». Le dernier mot reviendra à la justice militaire Il se trouve que ce discours n'est plus acceptable au moment où la Tunisie se mobilise dans sa grande majorité (il faut avoir le courage de dire qu'il reste beaucoup de Tunisiens qui refusent encore de combattre le terrorisme) contre les terroristes qui affluent ces derniers jours à nos frontières fuyant le feu de l'armée libyenne pro-Sarraj, laquelle armée affirme que le nettoyage de la Libye de ces «jihadistes terroristes» est pratiquement terminé. Et comme la justice ordinaire a donné raison au parti Ettahrir, en cassant la décision du parquet de Tunis d'interrompre ses activités pendant un mois, maintenant c'est à la justice militaire d'intervenir puisque Hizb Ettahrir a sauté le pas et ne s'adresse plus dans ses communiqués aux citoyens ordinaires pour les inciter à la rébellion et à faire tomber le gouvernement en place et à faire sauter tout le système politique instauré depuis la révolution. Dans ce dernier communiqué, Hizb Ettahrir incite «les forces armées et de sécurité intérieure au jihad», ce qui est à considérer comme une incitation à la rébellion lancée aux deux institutions censées défendre le régime démocratique, l'Etat civil et l'inviolabilité du territoire national. En plus clair, ce sont les défenseurs du pays qui sont exhortés à retourner leurs armes contre leurs concitoyens. Hier, le dossier du parti Ettahrir a été transféré par le parquet de Tunis à la justice militaire. Du côté de la présidence du gouvernement, on assure que la décision a été prise par le parquet, en toute indépendance, sans aucune intervention de la part de La Kasbah. Mofdi M'seddi, le chargé de la communication auprès du chef du gouvernement Youssef Chahed, insiste: «Le gouvernement se garde de s'immiscer dans les affaires de la justice et respecte la séparation entre les pouvoirs exécutif et législatif». Reste la polémique qui a déjà démarré sur les réseaux sociaux: un parti politique peut-il être sanctionné par-devant la justice militaire ? Pour le Pr Abdelmajid Abdelli, enseignant de droit public à l'université El Manar I, l'affaire est à approcher aux plans de la forme et du fond. «Pour ce qui est de la forme, précise-t-il, l'affaire relève de la compétence du tribunal militaire puisqu'il est question de militaires et sécuritaires exhortés par Hizb Ettahrir au jihad. Sur le plan du fond, Hizb Ettahrir est un parti islamiste et le jihad dans son acception religieuse (lutter contre les mécréants) est inscrit dans son programme, le programme sur la base duquel il a été autorisé par le gouvernement Hamadi Jebali en 2012. Au cas où il s'avérerait que Hizb Ettahrir appelle au Jihad (dans le sens daéchiste) contre le gouvernement en place, là on est devant un délit devant être sanctionné», confie-t-il à La Presse.