Une fiction sociale et humaniste en tournage entre la France et la Tunisie, avec un casting des deux pays. Après quatre semaines de tournage en France, le premier long-métrage du réalisateur tunisien Walid Mattar, Vent du Nord, est en tournage pendant deux semaines à Tunis. La thématique de ce film entre deux rives est conséquente, elle raconte, en effet, comment la délocalisation d'une usine du Sud de la France et sa relocalisation dans la banlieue de Tunis vont changer les destins d'Hervé et de Foued. «Leurs trajectoires se ressemblent et se répondent», lit-on dans le synopsis, qui révèle une fiction au propos actuel, où avec la mondialisation, les préoccupations sont partagées, au local comme à l'universel. A son tour, la production est tuniso-franco-belge avec la société Propaganda du côté de chez nous, Barney Production en France et Helicotronc Belgique. Hervé et Foued, campés respectivement par Philippe Rebbot et Mohamed Amine Hamzaoui, sont à la croisée des chemins. Le premier s'apprête à laisser derrière lui ses années d'ouvrier, le deuxième voit le travail à l'usine comme une perspective d'avenir. Où est-ce que cela va-t-il les mener ? C'est de cela qu'il s'agit dans Vent du Nord, 90 minutes, où participent également les comédiens Kacey Mottet-Klein, Corinne Masiero et Abir Bennani Zarouni. Le film est né d'expériences personnelles de Walid Mattar, auteur, entre autres, des courts-métrages Le cuirassé Abdelkrim (2003), Fils de tortue (2006), Condamnations (2010) et Baba Noêl (2011), où l'on retrouve la même thématique sociale, questionnant capitalisme sauvage et mode de vie moderne, du point de vue de ceux qui en font les frais, et qui se trouvent être les classes sociales les plus démunies. Ayant grandi à Hammam-lif, banlieue ouvrière de Tunis, il a découvert au Nord-Pas-de-Calais en France où il est parti poursuivre ses études, une réalité très proche de celle de sa ville natale. «Tout me semblait familier : le rapport à la mer, l'horizon limité, l'importance du café ou du bar du coin et les difficultés liées au travail. De cette proximité ressentie, j'ai pris conscience que les gens se réunissaient davantage en fonction de leur classe sociale que de leur origine géographique. Ce sera l'un des paris du film : montrer la proximité qui existe entre deux mondes qui sont supposés être si loin l'un de l'autre», explique Walid Mattar. Dans son scénario, il traduit cela sans a priori, avec «d'un côté, Hervé, qui est bloqué par les diverses normes et régularisations qu'il ne maîtrise pas et qui l'empêchent de se débrouiller par ses propres moyens, de se reconvertir et de suivre une formation adéquate. De l'autre, Foued qui est confronté à un Etat totalement démissionnaire, inexistant. Trop de règles d'un côté, pas assez de l'autre : avec ces logiques bureaucratiques floues, absurdes, rien ne permet à nos deux héros de faire face aux difficultés et de trouver leur place...», décrit le réalisateur dans sa note d'intention. Sur le plan de la forme, Walid Mattar dit opter pour une structure en allers-retours, loin de la facilité du montage parallèle, afin d'exprimer cette idée de l'échange et de la circulation des personnes, des choses et des valeurs. Dans ce choix, la traversée de la mer est un passage obligé, un véhicule décisif qui concerne autant Hervé que Foued, et dans lequel le spectateur embarque à son tour. Un dialogue s'établit entre les situations et les lieux, entre les espaces et les hommes, ponctué par des plans de mer et de ciel qui reviennent plusieurs fois dans le film. Entre contrastes et proximités, le ton de Vent du Nord évite la sur-dramatisation. Comme dans ses précédents films, Walid Mattar appréhende l'absurdité des situations par la dérision. Pour lui, «le film vise une vraie simplicité où, à travers l'histoire singulière des personnages, on appréhende un peu mieux notre monde».