Une récente étude sur les femmes rurales actives a révélé qu'il existe de grandes disparités régionales en matière de couverture sociale. La situation de la femme rurale active, son mérite, sa persévérance, d'une part, et les injustices qui lui sont infligées dans un milieu social machiste et suivant une politique inégalitaire, de l'autre, interpelle les féministes et les défenseurs des droits de l'Homme. Le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, en partenariat avec ONU Femmes et le Haut Commissariat aux droits de l'Homme, vient de présenter une étude fraîchement réalisée et portant sur le travail des femmes dans le milieu rural et son accès à la protection sociale. Cette étude a été présentée, hier à Gammarth, lors d'une conférence tenue à l'occasion. Les résultats dévoilent les lacunes d'ordre juridique, institutionnel et socioéconomique, lesquelles jouent au détriment de l'accès des femmes à leurs droits. Mettant la réalité à nu, cette étude appelle les parties concernées à réfléchir sur de nouveaux mécanismes à même d'accorder aux femmes un droit jusque-là occulté et de lutter efficacement contre l'inégalité de genre aussi bien dans le milieu social que dans les orientations politiques. 1.700 femmes rurales actives, âgées de plus de 18 ans et provenant des gouvernorats de Jendouba, Siliana, Nabeul, Kasserine et Mahdia, ont été enquêtées. Un questionnaire comptant 206 questions a été remis aux interviewées. D'un autre côté, cinq focus groupes ont permis aux différents participants — dont les responsables régionaux des Caisses nationales (Cnss, Cnrps et Cnam), de l'Ugtt, de l'Utica, de l'Utap, de la santé, des affaires sociales, de la femme et de la famille ainsi que les représentants de la société civile — de débattre de plusieurs thématiques et problématiques relatives à la femme dans le milieu rural. Les travailleuses agricoles sont les plus marginalisées L'étude a dévoilé la frêle situation des femmes rurales dans les régions précitées. L'accès à la protection sociale, notamment à la couverture sociale et sanitaire, n'est point évidente pour toutes. En effet, 10,5% des femmes rurales actives sont affiliées à la Cnss avec une flagrante disparité régionale au détriment des régions de l'intérieur. Et pour preuve, 42% des femmes provenant de Nabeul sont affiliées à la Cnss contre seulement 7,5% à Kasserine. D'une manière générale, 33% des femmes rurales actives issues de l'intérieur du pays sont affiliées à la Cnss contre 67% dans les régions côtières. La disparité revient, outre au facteur régional, à la nature du secteur d'activité. Si le secteur de l'agriculture et de la pêche emploie, à lui seul, 61% des femmes interviewées, 12% d'entre elles uniquement bénéficient de la protection sociale. En revanche, le secteur industriel compte le plus grand taux de couverture sociale, soit 72%. Il est à souligner que les femmes mariées, et dont les maris sont des travailleurs affiliés à un régime de protection sociale, sont plus avantagées que les célibataires, vu qu'elles bénéficient systématiquement de la couverture sociale. La loi — quoique pro-féministe par comparaison avec celles réglementant les pays frères — constitue l'un des principaux obstacles entravant l'accès des femmes rurales à leur droit à la protection sociale. Les femmes rurales actives n'arrivent pas forcément à cumuler le nombre de jours de travail exigé par la loi ( 45 jours par trimestre) afin d'accéder à la sécurité sociale. La présente étude trahit, par ailleurs, les conditions de travail souvent lamentables. En effet, «81,1% d'entre elles déclarent travailler dans des conditions pénibles voire très pénibles. 35,5% sont confrontées au risque d'accidents de travail ou des maladies professionnelles. Les conditions de transport sont difficiles et nullement couvertes par une assurance». Près de 50% des femmes exercent dans le secteur informel Le travail informel puise du mérite des femmes rurales sans pour autant garantir leurs droits les plus légitimes. Ainsi, 48,9% d'entre elles travaillent sans contrat ; 8% sont salariées et détiennent un contrat, 12% sont des stagiaires bénéficiant d'un contrat et 9,5% travaillent pour un membre de la famille. L'étude pointe du doigt le laxisme et de l'Etat et de la société civile quant à la révision de la situation des femmes rurales et l'ajustement de la législation sociale en prenant soin de tenir en compte des spécificités du milieu rural et de la femme, en particulier. Pourtant, l'on estime que, vu l'effectif évolutif des femmes actives dans le milieu rural, leur affiliation pourrait enrichir le budget de la Cnss d'un montant de 1.445.000 dinars, et ce, à l'horizon 2020. Faciliter les procédures, appuyer l'égalité de genre Pour doter les femmes rurales actives de leur à la protection sociale, l'étude suggère la simplification des procédures d'affiliation aux Caisses nationales, dont la réduction du seuil légal d'affiliation à seulement 35 jours par trimestre. Pour l'accès aux prestations sanitaires, il convient de doter la femme d'un duplicata du carnet de soin de son mari. Les travailleurs dans le secteur agricole et de la pêche ont besoin d'un régime de protection sociale spécifique. L'étude recommande, en outre, la création d'un fonds de soutien à la couverture sociale en faveur des travailleurs à faibles revenus. Il est temps, aussi, d'intégrer la problématique des conditions de travail des femmes dans la loi de la traite et de la violence du genre ainsi que la question du genre dans les structures étatiques. Le rôle de la société civile dans la lutte pour l'égalité de genre est souligné. Autres recommandations : la révision à la hausse des prestations de la sécurité sociale afin qu'elles soient plus attractives que les programmes d'aide sociale ainsi que la révision des conditions de transport des femmes rurales.