La salle «L'entr'acte» du Théâtre national tunisien n'a pu contenir les gens venus écouter les compagnons de route de Jalila Baccar raconter leurs souvenirs avec la grande dame du théâtre tunisien. Des artistes tunisiens de différentes générations, de nombreux invités des JTC, des amis de Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi, des adeptes du Théâtre national tunisien... tous ont répondu oui à l'invitation, témoignant ainsi de leur admiration pour cette actrice créatrice qui a changé par ses écrits révoltés et révolutionnaires, par sa grande présence scénique et même par ses prises de positions socioculturelles et politiques le théâtre tunisien et arabe. «Militante engagée, artiste-citoyenne, Jalila Baccar n'est plus à présenter en Tunisie, dans le monde arabe et même en Europe. Elle est une icône, une vraie école, elle est sans conteste la grande dame du théâtre tunisien et arabe», a noté le directeur de la 18e édition des JTC, Lassaâd Jamoussi, au début de cette cérémonie d'hommage, cédant la parole à l'univeristaire et homme de théâtre Hafedh Jedidi qui s'est interrogé, au début de son intervention, comment présenter Jalila Baccar et quels mots utiliser pour raconter cette dame, cette artiste accomplie. «Elle s'est imposée partout à travers le monde, du Brésil au Japon, en passant par les Etats-Unis, la France ou encore l'Allemagne. Jalila Baccar est un nom qui sonne fort dans les scènes et les théâtres. En rendant hommage à Jalila Baccar, on rend également hommage à son compagnon de route l'artiste Fadhel Jaïbi. Il est difficile de dissocier Fadhel Jaïbi et Jalila Baccar. Elle accouche les mots, les idées et les maux sur le papier, lui les transforme en images, les transporte sur scène. Ils sont complémentaires, solidaires et solides, les deux font la paire. Ils forment une entité à notre grand bonheur. On se demande si Jalila et Fadhel ne s'étaient pas rencontrés, le «Théâtre nouveau» aurait-il vu le jour ? Et Comment pourrait être la scène théâtrale si cette réunion et union n'ont pas eu lieu ? Mais heureusement que le destin a fait en sorte de les réunir et de les unir pour former une entité pour le bien du théâtre tunisien, du public», a noté l'intervenant, s'interrogeant sur Jalila Baccar, cette femme au singulier pluriel. L'universitaire a par cette même occasion présenté les grandes dates qui ont marqué le parcours de cette dame de théâtre tunisien à commencer son intégration du théâtre du Sud à Gafsa, en 1973 et jusqu'à la dernière création «Violences», rappelant à l'assistance les grands festivals internationaux qui ont accueilli Jalila Baccar, la dramaturge et l'actrice. De «Familia», «Les amoureux du café désert», «Soirée particulière», «A la recherche de Aïda», «Junun», «Araberlin», «Corps otages», «Amnesia», «Tsunami», «Khamsoun» et d'autres œuvres, l'intervenant a parlé, rendant hommage à Jalila Baccar, la créatrice tunisienne à la renommée internationale. Professeur émérite, spécialiste du théâtre arabe et surtout nord-africain, le chercheur américain Marvin Carlson a raconté sa première rencontre avec Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi en 2002 à Berlin. «C'est une rencontre qui a changé ma vie. J'ai vu du théâtre, du vrai, je ne vous cache pas que j'ai été ému, étonné, fasciné surtout par Jalila Baccar qui investissait la scène à merveille. Et depuis, j'ai continué même de loin à suivre le parcours de ce duo hors pair qui s'est produit sur les plus prestigieuses scènes du monde. Grâce à cette formidable actrice et dramaturge, je me suis penché de plus en plus sur l'étude du théâtre de l'Afrique du Nord et surtout de l'expérience tunisienne», a-t-il déclaré. Et pour le poète et critique de théâtre libanais Paul Shaoul, il a partagé avec l'assistance des fragments de sa passion et son admiration pour l'œuvre, le parcours et le la personnalité de Jalila Baccar. «Ça fait quarante ans, dit-il, que je la suis d'une scène à une autre, d'une plateforme à une autre, de Beyrouth, à Carthage, de Damas à Berlin... Il est difficile de trouver les mots pour raconter Jalila. Je vous parle en tant que poète et non pas en tant que critique de théâtre car Jalila est une femme-tempête, une lionne... c'est une artiste au singulier pluriel». Reconnaissant a été Fadhel Jaziri lors de son témoignage. «J'ai connu Jalila alors qu'elle avait entre trois et quatre ans. Petite fille qui jouait dans une flaque d'eau sans se soucier de ce qui l'entourait. Nous étions voisins... Notre collaboration, Jalila, Jaïbi et moi a commencé avec la pièce «Mohamed Ali El Hammi» et nous avons découvert sur scène une autre femme, courageuse, talentueuse, audacieuse qui ne tarde pas à nous critiquer et à nous dire non... Elle nous a appris l'écoute, l'échange dans le respect... Je lui dois beaucoup de choses. C'est grâce à elle que j'ai appris à écrire et à élaborer mes idées», a-t-il souligné. Le mot de la fin a été avec l'artiste Jalila Baccar qui a remercié Fadhel Jaïbi, leurs amis et les divers publics pour leur soutien, s'interrogeant sur la responsabilité de l'artiste, de l'Etat, des institutions, du ministère dans l'éveil artistique... «La révolution ne doit-elle pas être culturelle avant d'être une révolution pour le pain, la dignité, la liberté ?...» a-t-elle répliqué. Avec un trophée et un bouquet de fleurs, l'artiste est saluée.